99 – TEXAS HIPPIE COALITION : Turn It Up
Dans les jours qui ont suivi, j’ai rangé les dossiers, l’ordinateur dédié, les clés USB, enfin tout ce qui concernait la vie qui avait été la mienne, à l’exception de toutes mes notes et autres cahiers. Je devais m’approprier plus encore ce versant, réaliser des liens. Alors, j’ai commencé par mettre de l’ordre pour un classement chronologique, puis à écrire ces lignes, petit à petit. Ça a commencé comme une sorte d’exutoire, le besoin de raconter, de me raconter, de le transformer en quelque chose de réel, de palpable.
Je poursuis le yoga dans ce qu’il me permet de relier mon corps et mon esprit. La pole dance également pour la forte intensité des exercices, mais aussi pour ce qu’elle a d’expressif et de sensuel. J’apprécie toujours autant, même si les autres filles se demandent pourquoi je porte un legging et un body couvrant la totalité de mon corps. Certes, ce sont des vêtements spécialement conçus pour cette pratique, mais quand toutes les autres participantes portent shorts et brassières…
Il y en a une qui a compris. Pendant un cours, mon haut a craqué, aussi, je suis allée au vestiaire me changer, ce que je ne fais jamais après les cours. La prof est arrivée, pour me demander si ça allait, au moment où j’étais intégralement nue. Le dernier mot est resté suspendu dans sa bouche, tout comme ma respiration, jusqu’à ce que j’arrive à dire : « ça va, j’arrive. »
Même si les traces s’estompent (trop) lentement, tout est encore nettement visible. Je sais que ce n’est pas très beau à voir, mais au moins maintenant, elle sait pourquoi je ne peux pas porter les tenues qu’elle a pu recommander. Aussi recouverts qu’ils soient, je suis plus ennuyée qu’elle ait vu mes tatouages que le reste. Puis, j’ai eu beaucoup de difficulté à me l’approprier, mais ce corps, c’est enfin le mien. Elle ne m’a rien demandée, même si bien sûr, elle doit se poser des questions. De mon côté, par un signe de couture sur les lèvres, je lui ai demandé de le garder pour elle.
Ce corps qui s’était endormi à la suite du décès de Gilbert et de tout ce qui faisait disjoncter mon cerveau, s’il avait petit à petit ouvert œil, se réveille. Je ne vais pas rejeter une faute quelconque sur qui ou quoi, quand ça me prend, ça va des tripes jusqu’à la gorge, c’est fort, violent, j’en suffoque même. Pour évacuer, je vais courir ou m’acharner sur le banc de musculation jusqu’à l’épuisement.
Je sais qu’il est là ce colis, celui qui contient toutes mes acquisitions d’un soir où j’étais plus encore au fond du trou qu’à l’accoutumée. Je sais ce qu’il contient. Même si je suis une personne plus équilibrée qu’au moment de ma commande, j’ai peur que ce carton ne m’avale pour en ressortir différente. Suis-je assez forte ?
C’est le surlendemain de cette réflexion que je me retrouve dans ma chambre, assise au sol devant l’emballage, un cutter à la main. La lame est toujours rentrée, mon cœur cogne à vouloir exploser de ma cage thoracique, mon corps tremble au point que j’en pose l’objet coupant, je transpire à grosses gouttes. Finalement, je ferme les yeux, décidant que je prendrais une décision une fois le calme restaurer.
Je respire profondément, appliquant les enseignements que j’ai reçu à ce sujet. C’est là que je comprends que je sais déjà, qu’il faut seulement que je le fasse en conscience. Peut-être que j’aurais dû faire ça avant, plutôt que de m’acharner sur une pauvre machine. Lorsque j’ouvre les yeux, je prends le cutter, rompt les adhésifs pour déballer consciencieusement ce qui s’y trouve.
D’abord la sexe machine, vienne ensuite une dizaine de phallus différents qui s’y adaptent, une grosse quantité de lubrifiant, je laisse d’autres articles que je ne veux pas regarder pour l’instant, puis enfin une série de plugs. Je sais que je vais commencer avec ça, par laver le plus petit, puis le graisser généreusement tout comme mon œillet, puis enfin de prendre le temps.
D’abord laisser la froideur du métal et du gel prendre la température de ma peau, ensuite, appuyer légèrement et laisser l’anneau musculeux repousser l’objet jusqu’à ce que ce soit confortable. Rien ne presse, je savoure, je ressens l’objet qui ouvre de plus en plus à chaque fois le passage. Le plus large est maintenant passé, mais je poursuis, attendant que je sois prête. Au moment opportun, je le laisse prendre sa place et savoure délicieusement les frissons qui parcourent mon corps avant de sombrer dans les bras de Morphée.
Les premiers temps, je culpabilise vis à vis de Gilbert, sauf que c’est souvent avec lui que je suis, que je pars dans une sorte de demie-conscience. C’est lui qui écarte mes chairs de sa virilité, d’abord doucement, puis alternant afin de faire monter le plaisir qui m’étreint, jouant avec jusqu’à une délivrance, souvent explosive. Habituellement, ensuite, je serre le traversin contre moi, comme ce soir particulier où je lui ai donné ma seconde nouvelle virginité.
Même si on ne peut jamais dire fontaine je ne boirais pas de ton eau, il est et restera mon premier et seul amour, quand bien même ce fut bref, il ne quittera jamais mon cœur. Aussi, peut-être parce que j’ai vu ce que le sexe masculin peut faire de pire à une femme, il ne m’est pas possible de lui accorder ma confiance, donc d’envisager de bâtir une relation.
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