Finalement, Françoise dut rester alitée jusqu’au bout de sa grossesse. De plus, avec l’avancée de la grossesse et la prise de poids du fœtus, elle eut des saignements dès qu’elle restait debout plus d’un quart d’heure.

Heureusement, elle fut agréablement surprise par son employeur qui lui proposa d’effectuer du télétravail afin de ne pas subir de perte de salaire et lui permettre de faire passer le temps.

Alitée, c’est par vidéo-conférence qu’elle avait des contacts avec ses collègues et que ces derniers la soutenaient dans l’épreuve qu’elle vivait actuellement.

— Hello Françoise ! Toujours bien couchée ? J’ai reçu tes dossiers hier, je t’en ai refilé trois autres dans le cloud du boulot.

— Merci Yamina, je vois ça tantôt. Ça va de votre côté ?

— Oui, tout roule, ne t’inquiète pas ! Tu sais, depuis qu’on te fait faire la majorité des dossiers administratifs, ça nous dégage pour d’autres possibilités… En fait, c’est très bien que tu sois alitée !

Après avoir pouffé de rire, elle répliqua,

— Euh… Si tu veux prendre ma place, je te la donne, tu sais !

— Je rigolais Françoise, mais vraiment, ça nous a fait réfléchir sur la répartition du travail au sein de l’étude, je pense que quand tu reviendras de ton congé de maternité, tu trouveras l’équipe un peu changée… Plus dynamique, plus motivée.

— Écoute, tant mieux alors… C’est vrai que ces derniers temps, c’était parfois un peu lourd avec certains…

Yamina eut un rire franc puis expliqua à sa collègue,

— Oui, en fait, soyons clair, depuis que tu fais le plus gros de l’administratif à domicile, Martin ne peut plus cacher son poil dans la main en faisant mine de se plonger dans un dossier… Il a été vu plusieurs fois par la hiérarchie et finalement, j’ai appris hier soir qu’il avait remis sa démission.

— Non ??!!

— Oui ! Tu vois, les choses bougent… Et, je sais que c’est triste pour toi, mais c’est grâce à ta situation que ça a pu bouger !

— Comme quoi…

— Oui, comme tu le dis. Et toi, c’est toujours prévu pour dans trois semaines la césarienne ?

— Oui, programmée, sans crainte, ce sera moins rock’n’roll que pour Nathan.

— Ça, je l’espère du fond du cœur dit ! On croise tous les doigts pour que tout se passe bien pour toi et le bébé.

— Merci, ça me touche, tu sais.

— De rien, tu es une chouette collègue, tu es très appréciée Françoise, sache-le.

Françoise sentit une larme couler sur sa joue. Yamina rebondit et lui dit,

— Dis, au fait, ta belle-sœur, elle n’a toujours pas trouvé la maison de ses rêves ?

— Non, toujours pas… Pourtant, elle et son mari en ont visité une série déjà.

— Attends, je t’envoie quelques dossiers que je viens de recevoir… J’ai hérité d’une partie des dossiers de Martin, il y aura peut-être leur future maison dedans, qui sait !

— Oh oui, passe-les-moi, que je les consulte, on ne sait jamais !

— Il y en a quatre qui, à mon avis, les intéresseront ; maison unifamiliale avec trois ou quatre chambres, peu de rénovation, jardin. Il y en a deux qui sont plain-pied.

— Oui, mais c’est une maison pour eux, pas pour Grégory et moi…

Yamina la taquina,

— Oh, mais comme ça, ils pourront vous y inviter sans soucis.

— Oui, c’est vrai… Je regarderai les photos.

— Tu sais Françoise, vous aussi, vous devriez songer à bouger ; avec deux enfants, ça pousse vite ; tu sais.

— Oh, je sais, mais laissons d’abord le numéro deux arriver.

— Tu veux que je regarde pour vous deux… Enfin, non, bientôt quatre.

Françoise rigola,

— Écoute, pourquoi pas, mais quelque chose de pas cher alors, on ne roule pas sur l’or Greg et moi. Et il y aura d’office des travaux pour lui.

— D’accord, je note et je te tiens au courant.

Françoise était sereine malgré l’alitement auquel elle était contrainte, cela se passait bien. Grégory était super tendre avec elle et gérait tout le quotidien dans la mesure de ses moyens, lorsqu’il n’était pas à son travail.

Ses parents l’aidèrent en fonction de leurs possibilités, et même les parents de Grégory se manifestèrent pour les aider.

D’abord sceptique, le couple accepta qu’Agnès s’occupe de Nathan dans l’appartement après avoir effectué quelques courses pour la famille ou effectuer de menus rangements. Régulièrement, Agnès leur prépara des plats que Grégory n’avait plus qu’à réchauffer pour leur repas du soir. Cela les dépanna grandement, Françoise le reconnut et l’en avait déjà remercié un jour, ce qui avait eu pour effet de graver un sourire radieux sur le visage de sa belle-mère.

Valentine la mit tout de même en garde, elle-même n’étant pas prête à laisser Alice sous sa surveillance. Françoise apprit à mieux connaitre sa belle-mère tout en maintenant une certaine réserve à son égard ; elle savait de quoi elle avait été capable avec sa propre fille, mais aussi à son égard à elle. Et même si elle voyait bien que pour Nathan, les visites d’Agnès étaient divertissantes, elle n’en resta pas moins sur ses gardes face à l’ascendant qu’elle pourrait tenter de prendre sur son enfant.

Nathan dans les bras, Agnès vint un jour s’asseoir à côté de Françoise qui était allongée dans sa chambre,

— Comment est-ce que ça va, Françoise ?

— Ça va, pourquoi ?

— Mais… Juste pour savoir, j’imagine que cela n’a rien d’agréable d’être obligée de rester au lit comme cela.

— C’est un fait.

Après un silence, Agnès reprit,

— Je sais que je n’ai pas eu de bons rapports avec toi dans le passé, Françoise, mais je voudrais passer à autre chose entre nous.

Françoise leva le nez de l’écran de son ordinateur portable, Agnès continua,

— Valentine et toi avez fait de moi une grand-mère, même si je ne vois pas beaucoup Alice, je la vois quand même. Elle et Nathan me remplissent de joie. Et, tu sais, je revis depuis que des choses ont pu être dites en entretien de famille. Je n’ai pas été une bonne mère, mais j’aimerais tenter d’être une bonne grand-mère… Et une bonne belle-mère pour toi.

Françoise acquiesça puis lui confirma,

— Effectivement, nous avons un passif.

— Oui, mais j’aimerais que tu me fasses confiance.

En la regardant droit dans les yeux elle lui dit, d’une manière très franche,

— Le fait que vous soyez déjà ici, aujourd’hui, démontre ma bonne volonté, non ?

— Oui, c’est vrai, mais j’aimerais tellement me balader au parc avec mon petit-fils et son grand-père.

— Chaque chose en son temps, ne brûlez pas les étapes.

Soudain, elle ressentit une contraction et fronça les sourcils. Agnès s’inquiéta,

— Oh, tu as une contraction… Je suis désolée, c’est…

— C’est quand je m’énerve. Et le fait que vous tentiez à nouveau de pousser les choses a tendance à m’énerver, Agnès, alors, si vous voulez que votre second petit-fils arrive en bonne santé et pas trop tôt, je vous conseille de vous contenter des libertés que je vous donne déjà avec Nathan.

— Oui, d’accord, je suis désolée…

Comme Nathan s’agita dans les bras de sa grand-mère, cette dernière proposa de le laisser gambader et le suivit alors qu’il prit la direction de la cuisine. Françoise indiqua,

— Je crois qu’il a faim, c’est l’heure du goûter.

— De fait, je vais lui proposer une panade. Repose-toi entre-temps.

— Oui, je vais tenter de me relaxer, je dois absolument éviter les contractions…

Sachant que Grégory rentrerait bientôt et qu’elle pouvait quand même faire un minimum confiance à sa belle-mère, Françoise se permit de somnoler.

Grégory la retrouva assoupie et lui caressa le visage. Elle se réveilla en sursaut.

— Hé, calme Fran, ce n’est que moi.

— Oh, Greg, c’est toi… J’ai dormi longtemps ? Il est quelle heure ?

— Il est 17h.

— Mince, j’ai dormi pendant deux heures… Nathan ça va ? Ta mère est encore là ?

— Non, elle est partie.

Il se tut puis reprit, soucieux,

— Elle m’a dit que tu avais eu des contractions… À cause d’elle. Est-ce que ça va ?

— Oui, c’est passé, mais c’est arrivé lorsqu’elle m’a, à nouveau, demandé à pouvoir se balader avec Nathan et ton père au parc.

— C’est ce qu’elle m’a dit aussi.

— Je ne suis pas encore prête à lui donner cette confiance-là ; ici, j’ai un œil sur elle.

— Je ne suis pas encore prêt à ça non plus Fran, rassure-toi. Peut-être qu’un jour, nous pourrons les accompagner au parc, et encore, j’attends toujours d’avoir d’abord une conversation d’homme à homme avec mon père.

— Pour ce qu’il a dissimulé de votre enfance ?

— Oui, étant père moi aussi, je ne peux comprendre ce qu’il a fait, Fran.

Françoise soupira en caressant la joue de son époux,

— Il dit que c’est par amour…

— Ce n’est pas ça l’amour ; pas comme moi, je vois l’amour, pas comme je t’aime et comme j’aime Nathan et numéro deux.

Elle sourit et prit sa main dans la sienne après qu’il eut caressé son ventre,

— Il dort, je crois… Dis, il faudrait qu’on se décide pour le prénom ; il arrive dans deux semaines et nous hésitons toujours entre trois prénoms.

— Oui, c’est vrai… On fait quoi ? On le joue aux dés ?

Elle éclata de rire puis s’arrêta brusquement en tenant son ventre.

— Bordel… Même rigoler me donne des contractions. Ça ne va pas le faire là !

Elle souffla doucement et tenta à nouveau de se relaxer le plus possible. Lorsqu’elle lui sembla apaisée, Grégory lui proposa,

— Je t’apporte le repas ici ? Ma mère a préparé une quiche saumon-brocolis. Ça au moins je suis sûr qu’elle fait bien.

— Oh oui, mais… Ramène la petite table pour que tu puisses manger avec moi. Qu’est-ce que j’en ai marre de cette situation…

— Je comprends, dis-toi qu’il n’y a plus que deux semaines à tenir ma poulette ! Je préchauffe le four puis je te ramène tout cela.