Césarienne anticipée
Une semaine avant la césarienne prévue, Françoise comprit qu’elle allait mettre au monde l’enfant qu’elle portait plus tôt que prévu ; elle sentit de petites contractions qui ne passèrent pas, malgré ses exercices de relaxation.
Elle fut ennuyée ; elle était seule avec sa belle-mère et son fils. Elle laissa un message sur la boîte vocale de Grégory, il ne répondit pas, il donnait probablement cours.
Finalement, elle interpella sa belle-mère après avoir contacté son gynécologue et ses parents,
— Agnès, nous allons devoir aller à l’hôpital, je les ai prévenus, nous sommes attendus. Avez-vous une voiture ?
— Mon époux a une voiture, je le contacte, il n’est pas loin.
— Il faudra prendre la valise qui est à côté de la table de nuit. Je monte dans la première voiture qui arrive, mes parents sont prévenus aussi.
Moins de cinq minutes plus tard, le père de Grégory sonna. Il prit la valise et Nathan, Agnès tenta d’aider Françoise qui n’apprécia pas sa proximité soudaine.
— Non, Agnès, laissez, je préfère me débrouiller à mon rythme, ne me touchez pas ! Prenez plutôt une protection pour la voiture, on ne sait jamais.
Agnès obtempéra et la suivit.
Une fois installée dans la voiture, Françoise tenta de rester le plus zen possible. Son téléphone sonna, elle répondit, c’était Grégory.
— Oui, mon amour, je suis sur la route en direction des urgences, je suis avec tes parents et Nathan. Ce sera une césarienne en urgence, ils préparent le bloc.
— Ok, je tente d’arriver le plus vite possible, je suis plus proche de l’hôpital que vous.
— Je t’attends mon amour, mais là, je te laisse… Ouch… Je contracte…
— Ok à tout de suite !
Grégory arriva quasi au même moment qu’eux devant les urgences ; une chaise roulante attendait Françoise qui s’y installa douloureusement. Arrivé à sa hauteur, Grégory lui dit,
— On fait la course en chaise roulante ?
Françoise ne put s’empêcher de rigoler de la situation en lui lançant,
— Oh, mais t’es con Greg !
L’équipe prit en charge Françoise qui resta allongée sur un lit, perfusée, en attendant l’arrivée de l’anesthésiste pour effectuer la rachianesthésie qui lui permettrait de rester consciente lors de la césarienne et d’accueillir son enfant.
Grégory resta à ses côtés, une chaise roulante avait été prévue pour lui, pour qu’il puisse assister à la césarienne, le tout fut organisé rapidement.
Une fois en salle d’opération, le gynécologue leur dit,
— Eh bien comme quoi, ce petit bonhomme n’a pas voulu attendre la semaine prochaine ! Vous avez senti le début du travail quand ?
— Il y a maintenant bien quatre heures, au début, je pensais que cela passerait, mais au bout d’une heure, je me suis dit qu’il avait décidé d’arriver un peu plus tôt.
— Il n’y a pas trop de souci de ce côté-là, à la dernière échographie, il avait un bon poids. De votre côté, pas trop de pertes de sang ?
— Non, juste un peu avec le début des contractions, mais pas énormément non plus, comme un début de menstruation.
— Il est temps de le faire sortir. Prêts, tous les deux ? Vous devrez rester derrière le champ stérile pendant qu’on ouvrira le ventre, nous vous montrerons l’enfant dès qu’il sera sorti.
— Ok, on est prêt, dit Grégory. Françoise acquiesça.
L’intervention fut rapide ; à peine quelques minutes plus tard, le médecin leur montra leur second fils. Françoise s’écria,
— Oh, bonjour Raphaël !
Elle tourna la tête vers Grégory et lui demanda :
_ Tu es toujours d’accord avec Raphaël ?
— Oui, il a une tête de Raphaël.
Une fois le bébé délivré, Grégory fut invité à suivre la sage-femme pour quitter la salle d’opération pendant que le chirurgien s’occupait de vérifier la suite et de recoudre Françoise tout en la félicitant.
— Eh bien, vous voilà avec un deuxième bébé, franchement. Je suis vraiment épaté de la facilité avec laquelle vous avez pu concevoir vous et votre époux.
— Oui, avec sa paraplégie, ce n’était pas gagné d’avance et Raphaël… Il est vraiment venu tout seul ! Nous ne pensions vraiment pas que cela arriverait comme ça, c’est pour cela que je n’avais pas repris de contraceptif…
— Ah eh bien maintenant, il va falloir y penser sérieusement ; vous devez laisser votre utérus au repos, non seulement à la suite de l’hémorragie du premier accouchement, mais aussi ici, avec la césarienne. Cela commence à faire beaucoup de cicatrices pour votre utérus.
— Oui, je crois que nous allons faire une pause, très clairement. Ne vous inquiétez pas pour ça docteur ! En revanche, cette fois-ci, est-ce que je pourrai allaiter mon enfant ?
— Oui, sans problème.
— Ok. Ça me va.
— D’ici une grosse demi-heure, vous serez en salle de réveil, dès que vous pourrez à nouveau bouger vos jambes, vous serez remontée en maternité.
Françoise attendit patiemment en salle de réveil, tout en se faisant la réflexion qu’à ce moment même, elle se retrouvait dans la même situation que son époux ; elle ne sentait plus ses jambes. Cela lui fit froid dans le dos.
Il s’agissait vraiment d’une sensation particulière, elle avait une impression de « poids mort » et l’impossibilité de bouger ses jambes et son bassin l’effraya un peu. Tout doucement, l’anesthésie se dissipa, elle retrouva l’usage de ses jambes et une mobilité du bassin qu’elle savoura. Elle songea pourtant,
Mon cher époux, comme cela doit être terrible pour toi, condamné à ne plus rien sentir…
Elle ferma les yeux et chuchota pour elle-même,
— Je t’aime Grégory.
Dans la demi-heure, elle retrouva son fils nouveau-né et son époux qui lui expliqua en détail ce qu’il avait appris sur leur fils ; 51 cm comme son frère, 3kg 450, un peu moins que son frère et de bons réflexes.
Grégory lui passa Raphaël. Le lit de Françoise avait été descendu à son niveau, pour plus de facilité et Françoise tenta de le mettre au sein comme le lui avait expliqué la sage-femme et comme elle se souvenait que faisait Valentine.
Raphaël se mit à téter et Françoise croisa les doigts en espérant avoir rapidement une montée de lait.
Grégory la regarda faire, fasciné. Elle le capta et lui dit,
— C’est quoi cette tête Greg ?
— C’est… En fait, c’est ce que tu aurais voulu faire avec Nathan, j’espère que tu pourras le faire avec Raphaël, c’est si beau de te voir comme ça.
Des larmes coulèrent sur ses joues. Françoise, un peu décontenancée, lui demanda,
— Greg, qu’est-ce qu’il y a ?
— C’est beau Fran… Juste que c’est beau. Tout s’est bien passé, le bébé est là, tu es là…
— Oui, je suis là.
Elle se dégagea une main et lui caressa le visage. Il ferma les yeux, soupira et lui dit,
— Tu sais, quand j’ai dû sortir de la salle d’opération avec Raphaël… J’ai eu peur, comme avec Nathan, j’ai dû sortir et j’ai dû t’attendre dans une chambre d’hôpital vide. J’ai eu peur que cela ne recommence Fran. Tellement peur…
— Eh… Greg, non, je suis là et je suis en forme.
Il embrassa la main qu’elle avait tendu vers lui et s’y accrocha en éclatant en sanglots tout en lui disant,
— Excuse-moi… Je suis désolé…
Touchée par ce que ressentait Grégory, elle s’approcha de lui et maintint sa tête contre son corps en lui caressant la joue et en lui chuchotant,
— Tout va bien Greg, je suis là, laisse sortir tout cela, ça te fait du bien.
Elle se fit la réflexion qu’effectivement, la situation, pour lui, avait été la même ; il avait dû l’attendre dans une chambre vide, comme pour Nathan, elle comprenait qu’il ait pu être traversé par quelques angoisses pendant qu’elle-même attendait de récupérer l’usage de ses jambes.
Finalement, les sanglots de Grégory se tarirent et il reprit la main de sa femme dans les siennes.
— Merci Fran, mais maintenant, il va falloir que j’aille annoncer la naissance de notre enfant à mes parents, j’espère que les tiens sont arrivés entre-temps.
— Oui, va porter la bonne nouvelle et ramène Nathan que nous puissions lui présenter son petit frère !
Elle sourit franchement et lui susurra,
— Mais embrasse-moi avant mon amour…
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