Proposition indécente?
— Non, je ne veux pas, Sébastien !
— Mais pourquoi ? Ça tomberait à point avec l’achat de la maison et les travaux à faire dedans.
— Oui, je le sais, mais j’ai l’impression qu’elle m’achète, qu’elle tente d’acheter ses « droits » de grand-mère.
— Qu’est-ce que tu entends par là ? Je ne comprends pas, Val.
— Si nous acceptons cette somme, cette « avance sur l’héritage » comme ils disent, j’ai peur qu’elle ne s’en serve comme permis ou passe-droit pour réclamer plus de temps avec Alice.
Sébastien respira profondément, se gratta le menton puis lui dit,
— Tu la pratiques depuis plus longtemps que moi… Tu penses vraiment qu’elle s’en servirait de cette façon ?
— Je le crains… Et je n’ai pas envie qu’elle se sente en position de pouvoir tenter la chose.
Elle soupira à son tour et lui demanda,
— On ne peut vraiment pas emprunter plus ?
— Si on veut rester à l’aise, non.
— On pourrait postposer les travaux de la grande chambre pendant quelques années, afin d’avoir le temps d’épargner à nouveau…
— On pourrait, oui.
Valentine le regarda et lui caressa le menton.
— Je sais que cela nous arrangerait, 50 000€ qui tombent comme ça du ciel, mais… Je ne sais pas, je ne le sens pas.
— Tu veux être sûre qu’elle ne l’utilisera pas contre toi, c’est ça ?
— Oui.
Il fronça les sourcils puis sourit et lui dit,
— On pourrait leur proposer de faire une donation plutôt que de nous donner l’argent comme ça.
— C'est-à-dire ?
— Une donation, il y a des frais dessus, il faut passer par le notaire et tout ça, cela sera très légal et très cadenassé ; cela ne pourra pas leur servir de levier puisque c’est une donation de leur part… Ils ne pourront pas mettre de condition.
— Ce pourrait être une idée, oui… Mais tu sais, j’ai un peu peur qu’ils les mettent quand même, les conditions, d’une manière implicite, tu vois ? L’air de rien, avec des piques, des sous-entendus.
Sébastien soupira puis fit avec sa bouche la petite moue que Valentine lui connaissait lorsqu’il avait un plan en tête.
— Quoi ?
— Hein ?
— Oui, quoi ? Qu’est-ce que tu as en tête ?
— Moi ?
Elle leva les yeux au ciel en esquissant un sourire,
— Mais oui, toi ! Tu vois quelqu’un d’autre dans la pièce ?
— Mais…
— Tu penses à quelque chose, Seb, je te connais. Dis-moi.
Un sourire se dessina sur ses lèvres,
— Décidément, tu sembles effectivement bien me connaître ma chère épouse…
Il ferma les yeux puis la regarda en lui proposant,
— Écoute, je te propose d’en parler très clairement avec tes parents.
Valentine ouvrit de grands yeux puis fronça les sourcils et balbutia,
— Je ne sais pas…
— C’est le seul moyen Val ; on expose nos craintes et on voit ce qu’ils en disent.
— Et quoi ? En fonction de leur réponse, on leur parle de la donation ?
— Oui, par exemple.
Elle souffla puis lui dit en posant sa tête contre son torse,
— Pourquoi pas…
Elle redressa sa tête subitement et lui dit,
— Mais c’est toi qui amènes l’affaire Seb, moi, je ne saurais pas. Cela peut te sembler stupide, mais j’ai peur.
— Peur ?
— D’elle, des deux… De ce que cela pourrait réveiller, chez moi et chez eux… Tu vois, si c’est vraiment ça qui se dévoile, qu’elle voulait des droits sur Alice, tout ça.
Il la sentit tout d’un coup tendue, très tendue, une vague d’angoisse avait traversé ses yeux lorsqu‘elle lui avait demandé « d’amener l’affaire ». Il la serra contre lui et posa un baiser sur sa tempe.
— Eh, Val, calme-toi !
Il la berça doucement,
— J’amènerai l’affaire, moi, pas de souci. Si tu veux, je peux même le faire seul, avec eux.
Elle hésita puis lui dit,
— Non, je pense que je dois être avec toi.
Sébastien lui caressa la joue et lui dit,
— Mais tu trembles comme une feuille rien qu’à l’idée de cette rencontre Val. Ta mère a encore un énorme ascendant sur toi.
— Je sais !
Elle lui avait répondu sèchement et se rembrunit tout à coup. Sébastien l’enlaça et lui caressa le dos et la taille en lui glissant au creux de l’oreille,
— Val, calme-toi, je ne fais que constater que la souffrance qu’elle a plantée en toi est encore bien vivace, malgré ses changements.
Il la sentit sangloter après lui avoir lâché un « je sais » presque étouffé. Il continua à la serrer contre lui, il savait que, souvent, cela la calmait mieux que n’importe quelle parole.
Une fois son sanglot apaisé, elle leva la tête vers lui et lui dit,
— J’en ai tellement marre de réagir comme cela, mais c’est plus fort que moi.
Elle chassa les dernières larmes de ses yeux puis continua,
— Tu sais, même Fran trouve qu’elle a vraiment changé, en bien… Elles se baladent maintenant ensemble au parc avec Nathan et Raphaël. Mon père les rejoint souvent, elle m’explique qu’ils se comportent comme des grands-parents normaux. Elle m’a dit qu’elle n’avait jamais eu le moindre geste déplacé avec ses fils.
— Oui, je sais, et Greg reparle à ton père.
— Oui… Ils ont décidé de faire la paix, d’accepter le passé comme il était. Mais moi, j’ai du mal Seb, je… Je ne sais pas… Je ne sais pas si je pourrai arriver à ça, à accepter le passé. C’est dans mon ventre que j’ai peur quand ma mère s’approche d’Alice, j’ai beau me dire que tout va bien, mon cerveau voit que ça va bien, mais c’est tout mon corps qui réagit et qui exprime ma peur. C’est fatigant.
— Tu as un autre vécu que ton frère aussi, c’est toi que ta mère a voulu tuer.
— Oui… Et c’est imprimé en moi, je crois.
— Je le crois aussi.
Elle soupira,
— Qu’est-ce que je peux faire Seb… Je ne sais plus quoi faire.
— Tu vois encore le psy que tu avais vu après l’aveu de ta mère ?
— Non… Ça ne passait plus trop entre lui et moi, je n’avais plus l’impression d’avancer ; il n’avait pas l’air très à l’aise avec les traumatismes précoces.
— Et ? Tu ne verrais pas quelqu’un d’autre ?
— Je ne sais pas, enfin… Oui, j’ai pensé à peut-être tenter l’EMDR, cela semble bien fonctionner pour les traumatismes, je pourrais tester.
— Pourquoi pas, c’est le truc avec les rythmes, les choses qu’on fait bouger devant toi, c’est ça ?
Valentine sourit,
— Oui, en gros, c’est ça.
— J’ai un patient en consultation qui en fait, et depuis, côté exercices de kiné, il est beaucoup plus relax, je pense que c’est lié.
— Oh, tu en vois les effets alors Monsieur le Kiné !
— Oui, tu veux que je lui demande le nom du thérapeute ?
— Pourquoi pas, mais il faudrait que ce soit un thérapeute qui s’y connaît en trauma de l’enfance, et même de l’enfance précoce.
— Mmh, ouaips, je ne sais pas pourquoi il consulte au juste ce patient… Écoute, je verrai si je sens que je peux lui demander ou pas lors de sa prochaine consultation.
Annotations
Versions