Chapitre 20: Caleb (1)
Dans la salle de bain de son appartement, Jason appliquait les premiers soins à sa petite-amie. Celle-ci dont le regard était fixé sur l’entaille dans sa main était alors silencieuse. Même lorsque le jeune homme appliqua une compresse imbibée d’alcool sur sa blessure, Aurélie ne fit aucun bruit. C’était comme si elle était là, mais sans être vraiment là. Son corps était bien présent dans la pièce avec lui, mais son esprit était ailleurs. Pour Jason Hampton, ça en était trop. Même s’il n’avait pas été témoin de ce qui l’avait mis dans cet état, il était clair que le responsable, ou plutôt la responsable de toute cette histoire était Chérone. Il prit donc la décision de se rendre chez elle le lendemain matin à la première heure afin que cette dernière trouve une solution. S’il ne faisait rien, cette situation risquerait de détruire la santé mentale de sa petite-amie et c’était quelque chose qu’il ne pouvait pas laisser arriver.
En attendant que la nuit soit remplacée par le jour, Jason devait d’abord s’occuper d’Aurélie. Il se dépêcha donc de panser sa blessure avant de la reconduire au salon où il l’aida à s’asseoir dans le canapé. Avec ce qui s’était passé, il leur était impossible de poursuivre leur soirée cinéma. Le jeune homme éteignit donc le poste de télévision, se rappelant à ce moment qu’il avait du ménage à faire dans la cuisine. Cependant, au moment où il voulut se lever, mademoiselle Busby attrapa fermement son bras.
- Je vais juste nettoyer ce qu’il y a dans la cuisine, s’exprima-t-il.
Malheureusement, dès l’instant où il lui dit cela, la jeune femme resserra son étreinte autour de son bras. Elle n’avait clairement pas envie de rester seule, ce qui était tout à faire normal. Il n’avait fallu que quelques mètres d’écart entre eux pour qu’elle se retrouve en face d’un monstre. Elle n’avait aucune envie de revivre cela d’où le fait qu’elle ne voulait pas que Jason s’éloigne d’elle.
Voyant qu’elle ne voulait pas lâcher son bras et comprenant où elle voulait en venir, le jeune homme lui dit qu’elle pouvait venir avec lui. Aurélie ne prononça aucun mot et se leva doucement du canapé. Les deux se rendirent ensuite dans la cuisine où Jason commença par ramasser les bouts de la tasse de café de mademoiselle Busby qui traînaient parterre tandis que cette dernière était assise sur une des chaises.
Quelques minutes plus tard, alors qu’il jetait les derniers morceaux de porcelaine dans la poubelle et qu’il s’apprêtait à passer à la suite de sa phase de nettoyage, Jason, lançant un regard observateur à sa petite-amie, se rendit compte que son regard était toujours aussi vide. C’était un véritable choc pour Hampton qui avait toujours du mal à croire que la jeune femme épanouie et débordante de vie d’il y a quelques jours était désormais réduite à une personne au bord de la dépression. Cela le conforta davantage dans l’idée qu’il devait impérativement se rendre chez Chérone le lendemain matin à la première heure. Il ne pouvait absolument pas laisser la femme qu’il aimait finir dans cet état.
Maintenant qu’il venait finir de nettoyer la cuisine, un problème plus important se posa aux yeux de Jason à savoir ce qu’Aurélie et lui allaient faire par la suite. Poursuivre leur soirée cinéma n’était plus au programme après ce qui s’était passe, la jeune femme n’étant également pas en état de suivre des films d’horreur. De plus, il commençait à se faire tard, ce qui voulait dire que ce n’était qu’une question de temps avant que Morphée s’empare de lui, ce qui posait bien évidemment un autre problème. En effet, sa petite-amie avait consommé une assez grande qualité de café pour éviter de dormir, ce qui n’était pas son cas. Ne pouvant laisser sa petite-amie toute seule, Jason prit également la décision de ne pas fermer l’oeil de la nuit, ce qui était une chose plus facile à dire qu’à faire. Comme elle, il se servit une tasse de café.
Bien que cela fut une excellente idée sur l’instant, ça ne réglait toujours pas le problème qu’ils avaient. Même si la caféine contenue dans la boisson avait pour effet de les maintenir debout, ce n’était pas le cas de l’ennui qui pouvait dans la plupart des cas avoir l’effet inverse. Il fallait donc que Jason trouve un divertissement pour la nuit. Peut-être une partie de cartes, mais en voyant l’état dans lequel Aurélie se trouvait, il pouvait rayer cette option de sa liste. Il lui fallait une activité qu’ils pourraient tous les deux apprécier, une activité qui ne risquait pas de déclencher une mauvaise réaction chez mademoiselle Busby.
Ce fut à cet instant que le jeune homme eut la brillante idée de conter leurs aventures passées. Aurélie et lui se fréquentaient depuis plus d’un an et avaient donc à leur disposition un nombre incalculable de bons souvenirs allant du plus simple au plus loufoque. De plus, avec toutes les photos qu’il avait dans son téléphone portable, mais également dans son ordinateur, ce serait facile pour lui d’illustrer ces moments. C’était donc ce qu’il allait faire. Aurélie et lui allaient donc passer toute la nuit à revisiter leurs meilleurs souvenirs. Hampton s’empressa donc de finir sa boisson et le jeune couple partit récupérer l’ordinateur dans la chambre avant de revenir s’installer dans le canapé du salon.
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Pendant que le couple Busby-Hampton s’installait confortablement dans leur fauteuil, Chérone errait toujours dans les divers couloirs presque vides de l’hôpital à la recherche de la pharmacie. Elle était nerveuse, ce qui pouvait s’expliquer par le fait qu’il y avait de grandes chances qu’elle se fasse de nouveau poursuivre par la créature du livre. Elle était parvenue à lui échapper une première, ceci grâce à l’heureuse intervention du personnel d’hôpital, mais elle n’était pas sûre de pouvoir le faire une seconde fois. Elle devait donc se dépêcher de trouver ce qu’elle cherchait.
Après plusieurs minutes de marche, mademoiselle Parker arriva finalement devant ce qu’elle recherchait. Malheureusement pour elle, l’endroit était occupé par un des membres du personnel. Ce n’était absolument pas une bonne nouvelle pour Chérone qui se mit à réfléchir sur ce qu’elle devait désormais faire. Ce n’est pas comme si elle pouvait se présenter devant lui et lui demander d’un coup de lui fournir quelque chose contre le sommeil. Il la questionnerait sûrement sur le pourquoi du comment.
En parlant de médicament, la jeune femme ne savait toujours pas lequel elle devait lui demander. Elle avait été tellement préoccupée par tous les évènements qui s’étaient produits depuis son arrivée à l’hôpital qu’elle avait oublié de faire des recherches sur ça. Heureusement, elle était en possession de son téléphone portable. Il ne lui fallut que quelques dizaines de secondes sur internet pour obtenir des informations vis-à-vis du médicament qu’elle devait se procurer. Il s’agissait en autre de la « modafinil ».
D’après ce qu’elle avait découvert, c’était un médicament destiné aux personnes souffrant de narcolepsie et qui leur permettait de rester éveillés, exactement ce dont elle avait besoin. Néanmoins, en faisant ses recherches, ce ne fut pas la seule chose qu’elle découvrit. En effet, Chérone apprit que ce qu’elle désirait ne pouvait s’obtenir que grâce à une ordonnance fournie par un médecin, ce qui n’arrangeait clairement pas ses affaires. La jeune femme en avait grave besoin et elle était prête à tout pour l’avoir, et ce même si elle devait commettre des actes immoraux.
Après avoir brièvement réfléchi sur ce qu’elle allait dire, la jeune femme s’approcha du comptoir une fois que le client précédent s’en alla.
- Excusez-moi, bonsoir. Pourrai-je avoir de la modafinil ? rétorqua-t-elle.
- Bien sûr. Vous avez une ordonnance ?
À cet instant, mademoiselle Parker fit semblant de fouiller l’intérieur de ses poches.
- Je ne la retrouve pas. Le docteur March me l’a pourtant remise il y a de cela quelques minutes. Pourrai-je en avoir sans ?
L’employé lui fit signe de la tête avant de lui dire qu’elle obtiendrait le médicament qu’elle désirait avoir uniquement après qu’elle lui ait présenté une ordonnance écrite.
- OK ! OK ! Pouvez-vous préparer mon médicament le temps que j’aille chercher où j’ai fait tomber mon ordonnance ?
- OK.
La jeune femme s’éloigna ensuite de la pharmacie, prétendant chercher quelque chose sur le sol. Lorsqu’elle s’assura être suffisamment loin pour ne pas être vu par l’employé, Chérone arrêta de faire semblant et l’observa. Son plan était simple. Elle attendrait qu’il aille chercher sa modafinil et le pose à côté de lui. Elle reviendrait ensuite, prétendant avoir retrouve son ordonnance. Et pendant qu’il serait occupé à rentrer le médicament dans leur système, elle s’emparerait de ce dernier avant de prendre la fuite. Rien ne pouvait mal se passer, du moins elle l’espérait.
Après quelques dizaines de secondes d’attente, Chérone vit le pharmacien revenir vers le comptoir en tenant dans une de ses mains ce qui semblait être le médicament dont elle avait grandement besoin. Alors qu’elle s’apprêtait à s’avancer vers lui, la jeune femme sentit quelqu’un poser sa main sur son épaule, ce qui la fit immédiatement sursauter. Alors qu’elle venait de hurler, mademoiselle Parker se cacha afin de ne pas attirer l’attention de l’employé de l’hôpital vers elle.
- Désolé, je ne voulais pas te faire peur.
La personne qui venait de surprendre Chérone et de l’effrayer par la même occasion était un jeune homme qui devait avoir à peu près le même âge qu’elle. De plus, en le regardant de plus près, elle se souvint qu’il faisait partie des clients qui étaient passés chez le pharmacien après elle.
- Ce n’est rien, t’inquiète. Sinon, qu’est-ce que tu veux ? Je suis plutôt occupée en ce moment, lui dit-elle.
- Ce que tu t’apprêtes à faire ne fonctionnera pas.
La jeune femme ne comprit pas ce qu’il voulait dire par-là et elle lui demanda donc où il voulait en venir.
- Le médicament que tu as demandé au pharmacien tout à l’heure, tu essaies de le voler, n’est-ce pas ?
- Je ne vois absolument pas de quoi tu parles.
- Je t’observe depuis tout à l’heure et le coup de l’ordonnance oubliée ne fonctionnera pas. Tu ne parviendras pas à sortir de l’hôpital sans te faire attraper par les membres de la sécurité.
- Je ne sais pas ce que tu crois savoir sur moi, mais c’est sûrement de la merde. D’ailleurs, en quoi ce que je fais ou compte hypothétiquement faire te concerne ?
Mademoiselle Parker était vraiment sur la défensive, et pour cause, cet inconnu l’avait non seulement surprise, mais il osait tenir des propos quelque peu véridiques à son égard. Qui était-il pour se mêler de sa vie ? De quel droit se le permettait-il ?
- En effet, tu as raison. Cela ne me concerne en rien. D’ailleurs, j’aurais bien pu te laisser faire sans intervenir et juste observer le résultat. C’était aussi une option. Mais je trouve ça dommage que fille aussi jolie que toi finisse en prison à cause d’une bêtise. Alors, tu veux ce médicament pourquoi ? Te défoncer ? Pour tes examens ?
Énervée, la jeune femme lui demanda de la laisser tranquille avant de prendre la direction de la pharmacie.
- Je sais comment tu peux obtenir ce que tu veux plus facilement ! s’exclama-t-il soudainement.
Chérone s’arrêta immédiatement lorsqu’elle entendit ce qu’il venait de dire. Alors qu’elle se retournait vers cet inconnu, celui-ci réitéra ses propos. Les deux jeunes s’observèrent ensuite mutuellement, attendant désormais que l’autre fasse le premier pas.
A suivre !!!
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