Chapitre 10 - Vacances aux Pays-Bas (12)
Mercredi 19 août 1964, Amsterdam
Le capitaine recommença à jouer de l’accordéon, Marlène entra et se plaça sous le projecteur. Elle portait un chapeau noir, elle enleva sa robe de chambre blanche et la laissa tomber langoureusement sur le sol. Elle avait un bustier noir, une jupette blanche, des bas résille accrochés à des jarretelles et des chaussures à talons aiguille. Le barman lui tendit un tabouret pour faire son numéro.
Frédéric reconnut immédiatement la personne qu’elle incarnait, c’était Marlene Dietrich. Sa mère en était fan, elle avait une collection de disques et des bouquins. Frédéric avait souvent regardé les images, se demandant pourquoi il n’avait aucun émoi en voyant une femme dans cette tenue soi-disant affriolante pour les hommes. Une pensée bizarre lui traversa l’esprit : sa mère serait-elle bisexuelle, comme son père, et coucherait-elle aussi avec des femmes ?
Marlène alluma une cigarette et entonna la célèbre chanson Lili Marleen. Sa voix était basse, rauque, peut-être à cause du tabac. Son interprétation était malgré tout prenante, même Koen semblait ému. Elle fut chaleureusement applaudie à la fin.
Elle fit ensuite un strip-tease, ouvrit son bustier et dévoila une paire de gros seins, ce qui déçut Koen, c’était bien une femme. Il se consola en pendant que cela ferait une expérience de plus lorsqu’il écrirait ses mémoires. Elle enleva ensuite sa jupe, dessous une petite culotte en dentelle noire. Elle baissa ses bas, jeta une jarretelle à Koen. L’homme au débardeur lui dit en riant :
— Tu as gagné le gros lot, elle est amoureuse de toi.
Koen ne répondit pas, regardant Marlene ôter la petite culotte qui prit le même chemin que la jarretelle. Il fut très surpris de constater qu’elle avait des organes génitaux masculins. Elle disparut avant qu’il ne pût réagir. Le barman ramassa les habits et rangea le tabouret.
— Tu as vu ? dit Koen à son ami, très excité. Elle avait des seins et un pénis !
— Il faut croire que ça existe. Tu es rassuré, elle pourra te pénétrer.
— C’est extraordinaire, je vais pouvoir examiner son corps et parfaire mes connaissances anatomiques.
Rembrandt entra sur la scène, vêtu d’une combinaison rouge pailletée, largement ouverte sur son torse glabre et blanc, il avait des cheveux blonds mi-longs soigneusement brushés.
— Il n’a pas de seins, fit Koen, peut-être une chatte ?
— Non, répondit Frédéric, il m’a dit qu’il a une grosse bite. Tu vois bien la bosse sous son costume.
Le jeune homme prit la parole :
— En l’honneur de notre visiteur suisse qui parle français, une chanson qui a remporté le Concours Eurovision de la Chanson 1961 : Nous les amoureux, de Jean-Claude Pascal. Les amants dont elle parle sont des homosexuels.
Frédéric comprit pourquoi il avait tant aimé cette chanson, il l’avait entendue à la radio sur son transistor et avait acheté le 45 tours avec son argent de poche.
Nous, les amoureux
Nous les amoureux
On voudrait nous séparer
On voudrait nous empêcher d'être heureux
Nous les amoureux
Il paraît que c'est l’enfer
Qui nous guette ou bien le fer
Et le feu
Frédéric fut bouleversé par l’interprétation de Rembrandt qui chantait beaucoup mieux que son collègue. Il proposerait cette chanson à Peter dès qu’il le reverrait.
Le Néerlandais fit ensuite son strip-tease, lentement et sensuellement, ses mains se baladaient sur son corps, retardant le moment où il dévoilerait son intimité. Il avait encore mis un string sous sa combinaison, il l’enleva rapidement et le jeta au Suisse avant de s’éclipser.
— Tu as vu sa queue ! s’exclama Koen.
— Non, j’ai été troublé par l’arrivée du slip.
— Très longue et fine, long prépuce. Pâle, très belle.
— Tu donnes des appréciations sur les queues à présent ? Je croyais que ce n’étaient que des objets à examiner.
— Es-tu sûr que ce sont des objets ? N’ont-elles pas une âme ? Quand elle bandent sans ton accord ou refusent de le faire malgré ton désir ?
— Toi ? Un scientifique qui raconte des fadaises ? s’étonna Frédéric. Je ne te reconnais plus.
— Je plaisantais.
Le capitaine les invita à passer dans la pièce adjacente qui allait jusqu’à la poupe de la péniche. Il y avait quatre lits placés perpendiculairement. Aucune séparation, à part des rideaux qui étaient ouverts. Les prostitués étaient couchés, attendant leurs clients, ils avaient remis un sous-vêtement. Le culturiste était au fond, ensuite le barman puis Marlène et Rembrandt.
— Ça manque un peu d’intimité, dit le capitaine, mais nous ne voulons pas mettre de parois. C’est plus agréable lorsque nous organisons des partouzes. Vous pourrez tirer les rideaux et ignorer les bruits.
Le capitaine sortit. L’homme au débardeur alla immédiatement au fond, en habitué, il ferma le rideau. L’employé de banque ou fonctionnaire hésitait, le barman lui fit signe de le rejoindre, ils tirèrent également le rideau. Koen se coucha à côté de Marlene et Frédéric à côté de Rembrandt.
— On ferme le rideau ? demanda ce dernier.
— Non, fit Frédéric, on a l’habitude de faire les quatre cents coups ensemble.
— Je pensais que vous étiez amants, ce n’est pas vrai ?
— Si, on l’est, un peu, beaucoup ou même passionnément, ça dépend des jours. À la folie pas encore, ça viendra.
— Mais pourquoi vous avez payé pour avoir du sexe ? s’étonna Marlène. Vous pourriez baiser les deux ensemble. Enfin, ça ne me dérange pas, on doit bien vivre.
— Le père de Frédéric est riche, fit Koen, il faut en profiter.
— Tant mieux, si ça vous plaît vous pourrez aussi laisser un pourboire, il y a une tirelire en haut. Nous partageons entre les quatre.
— Et il n’y avait pas que du sexe, dit Frédéric à Rembrandt, j’ai beaucoup apprécié ta chanson et les strip-teases.
— Merci, j’espère que tu apprécieras aussi la suite. Tourne-toi, que je voie ton petit cul.
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