Chapitre 12 - La rentrée (1)
Samedi 29 août 1964, en train entre Amsterdam et Interlaken
Frédéric avait profité de la dernière semaine de vacances pour réviser son vocabulaire allemand en lisant les revues de son père, apprenant ainsi tous les mots qui ne figuraient pas dans les manuels scolaires. Daniel avait passé quelques jours à Lausanne sans son amie Dominique qui suivait une formation continue. Les deux cousins avaient fait ensemble quelques exercices afin que leurs corps caverneux ne s’ankylosassent pas en l’absence de l’être aimé.
Koen en avait profité pour réviser l’anatomie masculine dans ses livres. Greta, l’amie de Piet, étant en vacances avec ses parents, les deux frères avaient fait ensemble quelques exercices afin que leurs corps caverneux ne s’ankylosassent pas en l’absence de l’être aimé. Piet était passé de 1 à 2 sur l’échelle de Kinsey : prédominance hétérosexuelle, occasionnellement homosexuel.
Le samedi soir, Koen fut accueilli sur le quai de la gare d’Amsterdam Centraal par Dirk, le conducteur du wagon-lit :
— Bonsoir Monsieur Grotelul, heureux de vous revoir.
— Bonsoir Dirk, heureux d’être tombé de nouveau sur vous. Serai-je seul cette nuit ?
— Non, je vous rassure, deux hommes monteront à Duisburg, en Allemagne.
— Vous les connaissez ?
— Non. Ils portent le même nom, ils seront probablement de la même famille. Installez-vous dans le compartiment numéro 1. Je vous apporterai une bouteille de champagne.
— Ce n’est pas nécessaire, la bouteille d’eau minérale suffira pour manger avec mes sandwiches.
— Je vous l’offre ! dit Dirk.
— Merci, pourquoi cette générosité ? Je n’ai pas mon anniversaire.
— Lors de votre dernier voyage vous avez été très aimable avec la comtesse en lui montrant votre… vous voyez ce que je veux dire. Elle m’a offert un pourboire royal et je désire aussi vous en faire bénéficier.
— Servez la bouteille à Duisburg, comme cela je pourrai aussi en offrir à mes compagnons.
— Comme il vous plaira, Monsieur Grotelul.
Koen s’installa dans le compartiment, il avait enregistré sa valise comme d’habitude et n’avait qu’un petit sac de voyage avec un slip de rechange, des affaires de toilette, du gel lubrifiant et des préservatifs. Il avait également pris un livre : Faust, de Goethe, qui serait au programme de l’année scolaire. Il s’assit sur le siège du milieu, mangea ses sandwiches, puis commença à lire le bouquin. Il s’endormit après dix pages.
Il se réveilla lorsque le conducteur frappa à la porte, en gare de Duisburg.
— Entrez ! dit Koen, encore à moitié dans les vapes.
Il se réveilla complètement lorsqu’il vit les deux jeunes hommes du même âge que lui. Ils avaient des cheveux blonds fournis arrivant jusqu’au col, les yeux bleus, le teint pâle. Ils étaient vêtus de polos Lacoste blancs et de blazers bleus aux boutons dorés. Et surtout ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, assurément des jumeaux.
— Bonjour Monsieur, dirent-ils en chœur.
— Bonjour Messieurs, fit le Néerlandais.
— On ne vous dérange pas ? demanda l’un des deux.
— Pas du tout, prenez place.
Koen se retrouva entre les deux éphèbes, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Le conducteur apporta une demi-bouteille de champagne sur un plateau et remplit des flûtes.
— Quel service de première classe ! s’exclama l’un des jumeaux.
— Euh… fit Koen. Ce n’est pas toujours ainsi, j’ai rendu service à une dame lors de mon dernier voyage.
— Quel genre de service ? demanda l’autre.
— Tu ne dois pas demander ça au monsieur, tu es trop curieux.
— Désolé. J’ai entendu parler de la Madone des sleepings, je pensais qu’on pouvait… faire l’amour dans les wagons-lits.
— Tout est permis ! dit Koen en riant. Même dans les compartiments où il n’y a que des hommes. Santé, Messieurs !
— Santé, Monsieur ! dirent les jumeaux en chœur.
Ils trinquèrent.
— Je ne me suis pas présenté, Koen Grotelul, étudiant en médecine.
— Étudiant en médecine ? Ça en jette. Nous ne sommes que des gymnasiens, je m’appelle Sacha Belosselski-Belozerski, à moins que je sois Vania.
— Et moi Vania Belosselski-Belozerski, à moins que je sois Sacha.
— Vous venez d’URSS ?
— Ancienne noblesse russe, nos grands-parents ont fui la Révolution d’Octobre et se sont réfugiés en Allemagne.
— Pourquoi avez-vous dit : « à moins que je sois » ?
— Parce que personne ne sait qui est Sacha et qui est Vania, nous changeons constamment nos rôles, expliqua Vania à moins que ce fût Sacha. Même notre mère n’y arrivait pas sans le détail qui nous différencie.
— Il y a quelque chose pour vous différencier ?
— Penses-tu qu’on peut le dire au monsieur ?
— Je le pense, il a l’air sympathique. Voilà, Sacha a un grain de beauté et pas Vania.
— Il faut donc nous déshabiller pour savoir lequel est Sacha.
— On peut ensuite déduire que l’autre est Vania.
— Intéressant, dit Koen. Je vais prendre des notes.
Il sortit son carnet de son sac et demanda :
— Pourriez-vous me dire à quel endroit vous avez ce grain de beauté ?
— On peut le dire au monsieur ?
— Ce n’est pas un endroit très décent…
— Ce monsieur est médecin, il doit savoir ce que c’est.
— Tu as raison. Vas-y.
— Non, je n’ose pas, vas-y.
— Eh bien, Monsieur Grotelul, c’est un organe qu’on utiliserait avec la Madone des sleepings, pour lui faire l’amour.
— Sous le prépuce pour être plus précis, et, comme nous ne sommes pas circoncis, il faut nous décalotter pour constater la présence ou l’absence du grain de beauté.
— Passionnant ! fit Koen.
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