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Calendrier du Saint de Jade, six semaines avant le sept cent cinquantième anniversaire de l’Ascension du Saint de Jade, sur le continent Magrafricain, dans le désert représentant la majorité du cœur du continent ravagé par une guerre thermonucléaire puis une invasion extraterrestre, un homme marchait difficilement à travers une violente tempête de sable, titubant sous les rafales de vent, tâchant de maintenir un linge devant son visage et peinant sous le poids de son barda malgré sa carrure hors-norme. Il errait là depuis longtemps, bien plus qu’il ne parvenait à se souvenir, cherchant tant bien que mal un point de repère ou un abri, un débris de vaisseau échoué, les ruines d’une cité, n’importe quoi pour se reposer un peu en se mettant à l’abri, mais le sort ne semblait pas décidé à lui venir en aide.
Avec les bourrasques de sable, sa carte holographique était illisible et ses lunettes de protection ne lui permettaient de toute façon que de voir un épais rideau sableux à travers lequel il avançait lentement, inexorablement, tandis que sous le coup de la fatigue, ses vieilles blessures se rappelaient douloureusement à lui. Écartant délicatement le voile couvrant sa bouche, il porta une paille à ses lèvres desséchées et aspira quelques courtes gorgées d’une substance ultra-hydratante et énergisante avant de ranger sa gourde et de reprendre sa marche, incapable de se rendre compte qu’il tournait en rond.
Après deux heures de marches supplémentaires, il entendit les moteurs antigrav de son paquetage toussoter puis se couper, et le poids de son équipement augmenta d’un coup, manquant de le faire tomber tout en lui arrachant un juron en langage commun. Mettant genoux à terre, le colosse se pencha par-dessus son sac pour le protéger autant que possible des vents tourbillonnants, avant de regarder les moteurs et de pousser un profond soupir de désespoir. Le sable avait fini par boucher les ventilations du système antigravitationnel, entraînant la surchauffe puis la défaillance de celui-ci. Se relevant avec autant de calme que possible, le géant se saisit alors de son équipement et reprit sa route, déterminé à aller de l’avant quoiqu’il arrive, progressant pas à pas dans les tumultes de la tempête qui lui cachait même la course du soleil.
Presque deux jours plus tard, après avoir épuisé ses vivres et alors que le vent n’avait pas faibli de la semaine, l’homme tomba en avant. Ce n’était pas sa première chute depuis le début de la tempête, mais cette fois il ne se releva pas, laissant les bourrasques lui arracher le tissu couvrant son visage tandis que ses lèvres s’agitaient silencieusement et que le sable recouvrait petit à petit son corps, comme si le désert souhaitait, maintenant qu’il l’avait arrêté dans sa progression, effacer toute trace de sa présence.
Des années en arrière, il serait resté debout, à commander ses hommes malgré la douleur et la famine, mais maintenant, son esprit embrumé par les manques et l’épuisement partait en divagations fiévreuses dans lesquelles d’immenses guerriers en armures étincelantes combattaient des monstres aux côtés d’humains, avant de se dresser les uns contre les autres, opposant des marées d’armures vertes et or contre d’autres rouges et noires, jusqu’à ce qu’enfin il sombre dans le néant de l’évanouissement.
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