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            Andreìs et Morad passèrent énormément de temps ensemble, à échanger savoirs et cultures ou à travailler sur l’équipement du géant tandis que celui-ci jouait de sa force chaque fois que des travaux sur le camp ou dans la caravane étaient nécessaires.

            Souvent, quand il tournait la tête, le guerrier pouvait constater qu’Assya l’observait en cachette. La jeune femme ne savait pas quoi penser de cet étranger. Il était visiblement plus petit que les Géno-modifiés habituels, ce qui le rendait trapu, et de nombreuses cicatrices parcouraient son corps noueux dont les muscles saillants roulaient sous sa peau épaisse et tannée par le soleil à chacun de ses mouvements. Plusieurs fois d’ailleurs, son père la taquina sur le rouge qui lui venait au visage quand leurs regards se croisaient, lui valant dans la foulée les insultes de la jeune femme.

            Au cinquième soir de son intégration au bivouac, le guerrier tendit l’oreille et huma l’air avec inquiétude, tel un animal aux aguets ayant flairé le danger. S’approchant lentement, Morad posa la main sur son avant-bras.

             — Tout va bien, mon ami ?

            Andreìs posa sur lui un regard froid avant de répondre d’un ton monocorde, comme usé par l’exercice qui allait se dérouler sous peu, devenant subitement plus machine qu’humain tandis que le guerrier en lui se réveillait. Il s’exprima alors sobrement, en bon soldat allant à l’essentiel.

— Une vingtaine de créatures arrivent à une vitesse non naturelle. Ils doivent être montés. Préviens tes hommes.

            Alors que le vieil homme lançait une flopée d’ordres accompagnés de jurons, Andreìs se rendit sous sa tente. Au même moment, dix-neuf lézards géants montés par plusieurs guerriers vêtus d’armures de cuir clouté, armés de cimeterre et de vieux fusils automatiques, surgirent au sommet d’une dune pour charger les tentes dans un hurlement guttural. Les monstres, d’immenses lézards mesurant presque vingt mètres de long et portant chacun cinq à six assaillants, lacéraient le sol de leurs lourdes pattes griffues pendant que leurs langues fouettaient l’air autour d’eux et que les munitions des Malgauaregs ricochaient sur leurs écailles.

            Trois nomades étaient déjà tombés sous les coups des pillards et les montures reptiliennes s’apprêtaient à franchir les derniers mètres pour dévorer leurs cibles, rugissantes par avance du festin qui les attendait. La première créature venait de plaquer un homme au sol et s’apprêtait le dévorer quand un trou immense se format dans sa boîte crânienne tandis qu’une déflagration plus sourde que les précédentes se faisait entendre. Sortant de sa tente, Andreìs brandissait son pistolet au calibre plus conséquent que celui des fusils d’assaut et aux ogives explosives d’une main, et sa hache à lame tronçonneuse de l’autre. Poussant un puissant cri de guerre semblable au rugissement d’une bête sauvage, il bondit sur les guerriers qui chevauchaient le monstre fraîchement abattu et engagea le combat.

            Il atterrit sur le premier en lui broyant le crâne sous son genou avant d’en faucher deux d’un revers de la hache dans sa main gauche tout en tirant dans la tête d’un quatrième à bout portant, la faisant exploser comme un fruit trop mûr. Alors que les corps finissaient de s’écrouler à terre, le guerrier se pencha sur le cinquième membre du groupe dont les jambes étaient coincées sous le cadavre de sa monture, et la dernière chose que ses yeux terrifiés purent voir fut le pied d’Andreìs s’écrasant violemment sur son visage.

            Pataugeant dans une pulpe sanguinolente, le Géno-modifié pivota sur lui-même et tira par trois fois sur une autre créature, lui arrachant une patte avant qui la fit s’écrouler en désarçonnant ses passagers. Sentant quelques coups dans son dos, il se retourna pour faire face à cinq pillards tirant sur lui sans discontinuer tandis que les balles de petit calibre s’écrasaient sur sa peau en ne lui occurrant que des blessures superficielles voir de simples hématomes. Dévisageant ses adversaires avec dédain plus que colère, il leva son arme de poing et fit feu à cinq reprises, calculant au passage qu’il ne lui restait plus que dix cartouches dans son chargeur sur les vingt initiales. Il choisit donc de tourner son arme vers les dix-sept autres lézards géants, prenant deux secondes par tir pour ajuster sa visée, faisant feu dans les yeux, la gueule ou derrière les ouïes, abattant une créature à chaque tir jusqu’à épuisement de ses munitions, avant de rengainer son arme et de basculer sa hache de la main gauche à la droite en chargeant.

            Quelques pillards s’interposèrent avant d’être systématiquement balayés dans une gerbe de sang sans ralentir leur adversaire dans sa course, jusqu’à ce qu’Andreìs saute sur l’un des douze monstres restants, brandissant sa hache bien haute, fermement tenue à deux mains, puis de l’abattre sauvagement sur la tête de sa cible dans un hurlement de rage, enfonçant la lame profondément dans l’os crânien et écrasant la tête de la créature au sol tandis que ses passagers étaient éjectés. Alors même qu’ils essayaient de se relever, Andreìs les extermina avec une vitesse et une dextérité que seules des décennies d’entraînement pouvaient apporter. Une fois que ce fut fait, il continua, encore, décimant le camp adverse et attirant à lui l’attention de tous les ennemis présents, laissant les Malgauaregs se jeter sur leurs blessés pour les traîner a couvert.

            Au bout de douze minutes de combat acharné, seul face aux deux derniers lézards, sa hache restée dans le torse d’un homme cloué au sol, Andreìs évitait les coups de griffes en assenant de puissants coups de poing aux prédateurs affamés. Lorsque l’un d’eux tenta de le gober, il lui saisit les mâchoires à deux mains et les écarta jusqu’à ce qu’elles cèdent dans un craquement que le glapissement de douleur du monstre ne couvrit pas. Sans avoir le temps de souffler, le guerrier ressentit une puissante douleur à l’épaule gauche alors que le dernier reptile venait de le mordre, la mâchoire couvrant son épaule, son bras et une partie de son torse.

— Espèce de…

            Tendant les doigts tels une lame, il plongea la main aussi violemment et profondément que possible dans l’œil de la bête, sentant rompre les membranes successives de son œil jusqu’à atteindre un organe mou qu’il identifia que le cerveau de son assaillant. Poussant encore un peu, il y enfonça les doigts phalange après phalange jusqu’à ce que l’étreinte de la morsure se relâche.

            Quand il fut enfin libre de ses mouvements, le corps recouvert de sang et d’autres liquides corporels, il repoussa celui du monstre d’un puissant coup de pied avant de faire rouler son bras gauche pour s’assurer que les muscles n’avaient pas perdu trop de mobilité suite à leur blessure.

— Et bien… Je suis plus rouillé que je ne le croyais…

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