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Le garde désigné à l’évacuation venait de faire irruption dans le bureau du Commissaire qui le regarda tristement, voyant depuis l’angle de la porte sa secrétaire partir en courant.
— Ce n’est pas la peine de venir me chercher… Je suis couvert de honte, et il vaut mieux que je sombre avec mon navire…
Le garde le regarda avec surprise avant de répondre plein de colère.
— Franchement, je ne suis pas venu pour vous. Vous étiez prêt à nous sacrifier et vous méritez ce qui va vous arriver.
Le Commissaire le regarda alors avec étonnement.
— Mais alors pourquoi ?
Sans dire un mot, le garde le bouscula pour s’emparer du communicateur.
— Évacuez la prison au plus vite, elle va exploser ! Il doit vous rester trois minutes. Ne prenez rien avec vous et sortez ! Et si vous pouvez ouvrir les cellules, c’est encore mieux ! Personne ne mérite de mourir comme ça ! On nous qualifiera de traîtres, mais je préfère encore survivre plutôt que de servir de pseudo martyr, parce que ce n’est pas ce qui nourrira ma famille ! Allez, et bonne chance à tous !
Jetant le communicateur, il quitta la pièce sans un regard pour le Commissaire qui venait de s’asseoir à son luxueux bureau. Ouvrant un tiroir, il en sortit un verre et une bouteille de borgnac qu’il posa sur la table, puis fixa le petit récipient qu’il balança en travers de la salle avant de boire au goulot.
Dans la cour, les cinq guerriers Géno-modifiés à la manivelle faisaient jouer leurs muscles et leur force, ouvrant la porte plus grande à chaque tour, tandis que les gardes, gardiens et prisonniers sortaient en aussi bon ordre que possible quand Gregor demanda.
— Combien de temps encore, Edwin ?
— Deux minutes.
— OK, alors dans une minute environ, on lâche ce bazar et on sort…
Edwin le corrigea.
— Dans moins de trente secondes, on devrait avoir fini d’ouvrir en grand, tu sais… Tiens, regarde, ça y est !
La manivelle se bloqua alors que l’immense porte de plusieurs mètres de large était maintenant complètement ouverte. Les géants lâchèrent la barre et partirent en courant rejoindre les leurs qui les attendaient déjà dehors. Ils avaient atteint le périmètre de sécurité depuis seulement quelques secondes qu’un voile bleu nuit grésillant se déployait autour du bâtiment de la taille d’une ville, déchirant les corps qui se trouvaient travers de son chemin et gardant prisonniers ceux qui n’avaient pas eu le temps de s’échapper, tandis qu’en son sein quelques explosions silencieuses apparaissaient. Soupirant d’abord de tristesse à l’idée de n’avoir pu sauver tout le monde, Edwin tourna ensuite la tête vers son coéquipier et chef pour demander
— Prêt ?
Gregor finissait à peine de hocher la tête qu’une énorme boule de feu dévorait la bâtisse pour venir se coller à la bulle bleuâtre qui grésilla plus fort sous la pression et la chaleur qu’elle subissait, avalant les prisonniers du bouclier qui martelaient celui-ci dans l’espoir fou de passer au travers, réduisant leurs espoirs et leurs corps à néant.
Dans son bureau, le Commissaire venait de lancer sa bouteille vide en travers de la fenêtre de son bureau et dégaina son arme qu’il porta, tremblant, à sa tempe. Il savait qu’il n’aurait pas le courage d’appuyer et pourtant… Il puisa au fond de lui la force de se sentir capable d’aller au bout des choses au moins une fois dans sa vie au moment même où une explosion magmatique avalait son bureau tout entier, le réduisant en cendres en une fraction de seconde.
Ce phénomène dura presque une minute sans un bruit, sans un souffle, sans même que la lumière aveugle les spectateurs tandis que tous avaient une pensée pour ceux qui n’avaient pas eu la chance de pouvoir s’échapper de cet enfer. Se tournant vers les survivants, Gregor prit la parole de sa voix la plus forte.
— Vous avez tout perdu, je le sais, et j’en suis désolé… Vous ne pouvez même pas rentrer chez vous, vous mettriez vos familles en danger… Alors, ce que je vais vous proposer va vous sembler fou, mais… Venez avec nous, et aidez-nous à rétablir la famille royale sur le trône et à faire tomber le despote qui nous a tous condamnés à mort. Suivez-nous, ou…
Il fit un petit mouvement de la main et reprit.
— Ou bien débrouillez-vous… Notre temps est compté avant l’action finale, alors nous devons partir. Votre avenir est entre vos mains.
Le guerrier s’en alla comme s’il connaissait le chemin par cœur, suivi de près par ses frères, et les gardes regardèrent quelques instants ces colosses encore nus et couverts des stigmates des conflits passés avancer en silence. Toute leur culture, tout ce qu’ils avaient appris venait d’être ébranlé. Ces hommes n’avaient pas agi comme les monstres qu’on leur avait dépeints dès leur plus jeune âge, et nombre d’entre eux se mirent à douter.
Le garde qui avait procédé à l’évacuation fut le premier à les suivre, vite imité de tous les survivants. À ce moment-là, et sur ordre de Gregor, quelques Génos prirent les gardes blessés sur leurs dos et tous purent repartirent vers une destination connue d’Edwin et Gregor uniquement.
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