Armist abattit son sceptre d’un puissant mouvement mais ne rencontra aucune résistance jusqu’à ce que son arme frappa le marbre en le concassant littéralement, et alors que les fragments projetés passaient devant son visage surpris, Gregor écrasait son poing contre sa joue de toutes ses forces, le projetant à son tour contre un mur dans lequel il s’encastra. Légèrement essoufflé, Gregor tint la pose quelques secondes avant de laisser pendre son bras en soupirant tandis qu’Armist relevait la tête, un sourire sadique au visage et du sang coulant de ses lèvres tuméfiées.

                 — Pas mal. Tu n’as perdu ni force ni vivacité.

— Toi non plus… Tu t’es donc quand même un peu entraîné pendant qu’on croupissait en prison ?

                Armist extrayait son corps du béton en répondant.

— Je savais pertinemment qu’un jour Andreìs viendrait pour m’arrêter. Mais je dois admettre que je suis très surpris… Vu comme il déteste mettre les autres en danger, je ne pensais pas qu’il impliquerait la planète entière…

                Gregor venait de ramasser son épée et son poignard en demandant.

— Tu ne sembles pas surpris qu’autant de monde se soit rallié à sa cause. Comment expliques-tu ça ?

                Armist se rapprocha du cratère avant de mettre un genou à terre pour récupérer son sceptre.

— Je n’ai confiance en personne. Si je voulais que la situation ne change pas, je ne pouvais pas me permettre de baisser ma garde…

                Tandis qu’Armist se relevait, Gregor faisait tourner son épée dans sa main en ricanant avant de lancer.

— La preuve que ça fonctionne.

                Armist affirma sa prise avant de se remettre en garde en plongeant son regard dans celui de son adversaire.

— En tout cas, ne t’attends pas à m’avoir par surprise une deuxième fois.

— C’est ce qu’on verra !

                Les deux adversaires bondirent l’un sur l’autre avec une rage séculaire qui n’avait fait que croître jusqu’à ce jour où elle pouvait enfin être libérée. Les armes s’entrechoquèrent, les guerriers s’esquivèrent, sautant et bondissant à travers la pièce, prenants parfois appuis sur les murs et le plafond, semblant parfois même se libérer de l’attraction terrestre.

                Gregor était grisé. Pour la première fois de sa vie, il pouvait libérer sa toute puissante, celle que les Géno-modifiés apprenaient à museler dès leur intégration afin que les simples humains ne les craignent jamais et continuent de voir en eux de puissants protecteurs plutôt que de potentiels dieux. Depuis la Grande Trahison, il rêvait de se laisser aller face à ce monstre qui avait jadis été son frère d’armes et qui maintenant était son ennemi mortel, mais il savait aussi qu’il devait vaincre au plus vite, son corps, bien que Géno-modifié, ne pouvant supporter une telle énergie libérée trop longtemps.

                De son côté, Armist semblait plus focalisé et plus concentré. S’il s’était toujours su supérieur à son adversaire, il ne parvenait malgré tout pas à le prouver. Son armure Titan l’entravait trop, sans parler de son poids largement supérieur aux armures empiriques, et son sceptre ne lui offrait pas la maniabilité requise face aux armes de Gregor. Heureusement pour lui, ces inconvénients étaient compensés par le blindage nettement plus conséquent et l’armure ne souffrait que de légères entailles dans ses motifs ornementaux. Le Guerrier de Jade sourit intérieurement en se disant qu’il avait été prudent en passant ces trois derniers siècles à maîtriser cet état de puissance, à le tenir le plus longtemps possible et à s’en remettre plus vite encore même si pour l’instant il restait à égalité avec Gregor.

                Dans les couloirs, courant à en arracher le marbre, Andreìs sentait l’inquiétude monter en lui. Deux puissantes énergies s’étaient élevées au-dessus de toutes les autres et s’affrontaient dans un combat à mort avec une puissance telle qu’il pouvait sentir les fondations du Palais Royal trembler à intervalles réguliers, et Fury à ses côtés semblait aussi inquiet que lui, les oreilles plaquées vers l’arrière de son crâne.

                Dans la salle du banquet, Assya soupira.

— Père, cette mascarade me pèse. S’il te plaît…

                Le vieil homme regarda sa fille adossée à une colonne, un blaster pulsant dans chaque main, en souriant. Les diplomates et leurs gardes d’élite tenaient toujours tête aux Guerriers de Jade mais les armures de ceux-ci les rendaient virtuellement invincibles face à leur armement conventionnel. Morad soupira avant d’acquiesser.

— Ainsi soit-il…

                Un sourire prédateur se dessina sur le visage de l’héritière tandis qu’elle murmurait.

— Merci.

                La jeune femme se redressa aux côtés de son père, et tous deux retirèrent leurs tenues d’apparat avant de bondir à l’assaut en zigzaguant entre les tirs ennemis. Le premier Guerrier de jade sur la route de l’héritière vit une femme en tenue d’écailles bleu nuit ornée de fourrures bondir sur lui en brandissant un tube qui s’avéra être une lance pulsante télescopique qui lui traversa le cou tandis que la jeune femme dégainait un canon accroché à son bras gauche avant de tirer de puissantes salves de plasma sur d’autres traîtres alors que derrière elle, en armure assistée pour humain aux couleurs de la nation Malguareg, Morad faisait danser son fauchard énergétique, frappant avec une précision mortelle sur les jointures de quatre Guerriers en les mutilant définitivement. Dans la foulée, le reste des dignitaires et représentants étatiques les imitèrent et se lancèrent à l’assaut des Guerriers qui osaient leur faire face.

                Edwin, qui se tenait en tête du cortège d’escortes du champ stasé, sentit les vibrations du duel fratricide tandis que le béton s’effritait sur leur passage.

— Ces idiots sont en train de détruire un si bel ouvrage… S’ils survivent, je les étripe moi-même.