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Armist affichait un sourire sadique. La victoire de ce duel, et de cette guerre dans sa globalité, était sienne. À l’extérieur, les tirs diminuaient d’intensité et le palais lui-même ne laissait plus résonner que des déflagrations sporadiques. Ses Guerriers de Jade suréquipés avaient terrassé leurs adversaires, tout comme il s’apprêtait à le faire avec le sien. Il marcha calmement vers Gregor avant de balayer son arme d’un mouvement ample du bras, faisant lâcher prise au guerrier épuisé qui lui faisait face, et alors que la lame de l’épée rebondissait sur le marbre l’usurpateur lançait un puissant coup de pied dans le torse du loyaliste, le repoussant avec assez de force pour qu’il traverse le mur et s’écroule au sol.
Épuisé, Gregor peina à se redresser jusqu’à être assis par terre, sa tête ballotant dans le vide et la bouche grande ouverte, cherchant avidement de l’air à faire entrer dans ses poumons perforés et broyés, l coup de pied qu’il venait de recevoir ayant fini de détruire la plaque thoracique de son armure et avait enfoncé ses côtes, l’empêchant de respirer pleinement.
Armist ramassa son sceptre qu’il observa avec déception. L’arme avait pris trop de coups et avait fini par se casser lors de leur dernière chute. Maintenant totalement inopérant, il fut jeté négligemment par son propriétaire qui tira la longue épée royale contrefaite de son fourreau, avant d’en appliquer la pointe contre la pomme d’Adam de son ancien frère d’armes.
— Que choisis-tu ? Je te laisse mourir comme ça, ou je t’achève ?
Gregor repoussa mollement l’épée de la main avant de répondre d’une voix d’outre-tombe tout en se trainant à reculons jusqu’au mur le plus proche.
— Ni l’un ni l’autre… Laisse-moi quelques secondes, que je me relève…
Armist partit d’un rire dément avant de demander tout en le suivant lentement.
— Comment comptes-tu faire ? Tu es toujours vivant, ce qui est déjà très impressionnant, mais il va te falloir des années avant que ton corps se remette de ce qu’il vient de subir.
Enfin adossé au mur, Gregor tenta de se relever en s’appuyant dessus avant de glisser et de retomber lourdement au sol, déclenchant une nouvelle hilarité chez son adversaire. Serrant les dents, il se rassit comme il put en tâchant de rester conscient alors que la tête lui tournait plus que jamais.
— Alors on reprendra le combat à ce moment-là… Tu nous as attendus sept cent cinquante ans, tu peux bien attendre encore un peu, non ?
Le visage d’Armist se ferma.
— Non. Je ne ferais pas deux fois la même erreur.
Sans prévenir, l’usurpateur abattit son épée par quatre fois, arrachant à chaque coup un hurlement de douleur au guerrier agonisant.
— Maintenant, je suis sûr que tu ne me poseras plus de problème, quoi qu’il arrive.
Gregor bascula sur le côté en gémissant. Armist venait de lui trancher les bras et les jambes, le réduisant à l’état d’homme-tronc, et rigolait comme un dément tandis que lui hurlait sa rage et sa haine.
— Pauvre Gregor ! Je t’avais dit que tu ne ferais pas le poids ! Mais j’ai pitié de toi, aussi je vais t’achever en souvenir du bon vieux temps !
Luttant contre l’évanouissement, Gregor ne quitta pas la lame ruisselante de son sang des yeux pour autant. Son impuissance le mettait dans un état de rage qu’il n’avait jamais connu, mais son destin ne lui appartenait plus, et il ne lui restait plus qu’à recevoir la mort. Dans un cri de victoire, Armist abattit sa lame, mais le coup ne vint jamais. Andreìs venait de percuter le tyran de plein fouet et de l’enfoncer dans trois colonnes de marbre de suite avant d’être arrêté par un mur trop épais pour être traversé. Tenant son adversaire par le col de son armure et le rouant de coups au visage, Andreìs hurla, les yeux débordants de larmes de douleur et de colère.
— Dément ! Monstre ! Assassin ! Traître !
Il raffermit sa prise sur l’armure Titan d’Armist et le jeta contre le plafond puis au sol avant de le lancer à travers la pièce, et Armist atterrit lourdement sur le marbre avant de glisser sur quelques mètres, légèrement sonné par tous ces coups successifs l’ayant pris au dépourvu. Se redressant de toute son imposante stature, Andreìs s’approcha lentement de lui en crachant.
— Tu ne tueras plus personne. La seule personne chère à mon cœur qui perdra la vie aujourd’hui, ce sera toi, mon frère.
Armist, peinant à reprendre ses esprits, se releva lentement, et en un clin d’œil son nouvel adversaire fut à son niveau, lui portant un violent coup de coude en plein nez qui le jeta au sol une fois de plus. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il vit Andreìs se tenant droit et fier devant lui, un regard assassin dans les yeux. Roulant sur le côté, le régicide cracha une dent avant de demander.
— Pourquoi ne m’as-tu pas achevé ?
— Ramasse ton arme. Je veux te tuer à la loyale.
Armist toussa avant de répondre.
— Ton sens de l’honneur te perdra.
— Peut-être, mais avant, je t’aurais découpé en morceaux comme tu l’as fait avec Gregor. Dépêche-toi !
Armist se retourna et rampa lentement vers son épée dans l’espoir de gagner du temps de récupération. Lorsqu’il l’eut en main, il se releva laborieusement en restant dos à son adversaire.
— Tu aurais vraiment dû m’achever. Cette erreur te coûtera la vie !
Il se retourna sans crier gare en braquant son pistolet lourd sur Andreìs et fit feu jusqu’à épuisement de ses munitions, faisant mouche à chaque tir, forçant son adversaire à reculer tandis que les balles perforaient son armure et pénétraient son corps en brisant ses os et en déchirant ses organes. Chancelant, Andreìs ne tomba pourtant pas à terre, et alors que le sang s’écoulait lentement par ses nombreuses blessures, il murmura.
— Tu n’es vraiment qu’un lâche… Mais ça ne me dérange pas.
Il se redressa alors sans même comprimer ses plaies, et s’empara de sa hache qu’il brandit devant lui.
— Maintenant, si tu le permets, je dois briser ton épée avant de te terrasser. En garde !
Par une rapide analyse mentale de son corps, Andreìs découvrit qu’il n’avait pas beaucoup de temps devant lui avant d’être exsangue, certaines de ses artères et son cœur ayant été lacérés par les tirs subits. Il se mit alors en position de salut tandis qu’Armist jetait son pistolet et brandissait son épée devant lui.
— Andreìs… Si tu ne t’étais pas interposé par le passé, nous siégerions ensemble aujourd’hui…
— Nous avons juré fidélité au peuple et à la Famille Royale. Si tu l’as oublié et t’es renié, moi pas.
Armist haussa les épaules.
— Soit… Puisque tu refuses d’entendre raison, réglons ceci une fois pour toute.
Armist rendit le salut avant de se jeter sur Andreìs.
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