Chapitre n°10 : Intrusion nocturne

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Les journées s’allongent, comme à leurs habitudes. Je n’aie toujours pas réussi à déterminer s’il fallait que je parle de la menace d’Arthur à Eliott ou non. Même si Eliott est mon copain, je ne crois pas encore lui faire assez confiance. C’est vrai, le seul temps que l’on passe ensemble est lors de randonnée loupée en sortie scolaire ou à fuir son demi-frère. Je sais qu’il me cache des choses alors comment pourrais-je lui faire confiance en sachant ça ? Tu sais que tu délires ma pauvre vieille. Je dois retourner à la pêche aux infos sur internet, essayer de trouver un peu plus que les possibles prénoms de ses parents. Je réfléchis depuis plusieurs minutes, allongée en étoile sur mon lit. Je me lève soudainement et bondis sur mon bureau. Je relève mes cheveux blonds bouclés en une queue de cheval rapide et ouvre mon ordinateur. Il est temps de faire de sérieuses recherches. Je devrais déjà chercher à savoir où il étudiait avant d’arriver ici. Mes doigts s’agitent sur le clavier, tapant le mot clef « Levigne ». Je tombe à nouveau sur cette page sur ce fameux Frédéric Levigne. Son profil Wikipédia est bien rempli, grand homme d’affaire, il a créé une société d’import-export qui fonctionne toujours autant et qui est renommée mais, attendez, il a soixante-dix ans ! Est-ce que c’est vraiment possible qu’il soit le père d’Arthur ? Direction Facebook, j’aurais peut-être plus de chance. En tapant « Arthur Levigne » tout sauf son potentiel profil s’affiche. Lucie l’a peut-être en ami ! Je vais donc sur son profil et cherche un possible Arthur et bingo ! Bonjour Arth_Lev. Je clique sur sa page, et fais défiler ses photos et tout ce qu’on peut afficher de nous-même sur un réseau social. Les photos s’arrêtent à cet été et rien au niveau des post. On dirait qu’il a créé ce profil il y a quelques mois. Aucune information sur là où il vivait non plus. Je pense devoir y aller un peu plus intelligemment.

***

Les choses sont bizarres ce soir parce que je sens que quelque chose de bizarre va se passer. Ça commence déjà avec le fait que j’ai une pince coupante avec moi pour me permettre de sortir du lycée qui est fermé à clef dès que tout le monde est parti. Sauf que j’ai presque campé dans les toilettes pour me permettre de rester après la fin des cours. Il fait nuit et j’ai menti à mes parents en disant que j’étais chez Lucie. Maintenant que je suis là je ne peux plus reculer. Je dois trouver le plus d’information sur Arthur, je sens que quelque chose cloche avec ce mec et je ne peux pas demander à Eliott, de toute façon il refuserait de répondre à mes questions comme il le fait toujours. Le lycée est effrayant de nuit mais je dois trouver ce que je cherche, la pince coupante dans une main et une lampe torche de l’autre, je décide de ranger la pince coupante dans mon sac, j’en aurais besoin plus tard. Le zip de mon sac résonne dans le couloir qui a l’air sans fin. Les talons de mes bottes résonnent contre le sol, les casiers et les murs donnant un son métallique et étouffé à leurs échos. Pointant ma lampe torche vers le haut des portes où est noté les numéros des salles et leurs spécialités, je passe devant un des laboratoires du lycée. Le bureau des archives se trouve au sous-sol du bâtiment zéro, je dois donc traverser la cour pour rejoindre le premier bâtiment, je ne sais même pas si je pourrais passer les grandes portes, il faudra probablement trouver une alternative pour ne rien casser. Je sursaute soudain quand mon téléphone vibre dans ma poche. L’atmosphère sinistre et le bruit du vent dans les arbres m’avait fait oublier que je n’étais pas entièrement seule. L’écran de mon téléphone affiche « Eliott ». Je repose mon portable dans ma poche, il aurait pu me parler et je ne serais pas aller jusque-là. Le frais vent de janvier me rappelle que l’hiver est toujours là. Une petite pluie fine s’amoncelle sur mon bonnet noir et dans mes cheveux qui retombe lourdement dans mon dos. Ma veste en cuir me semble soudainement bien collante et grinçante lorsque je bouge. Je me presse de traverser la cour, le bruit de mes pas tombent dans l’oreille sourde de la nuit dans un crissement d’enfer.

Je monte les derniers escaliers qui me séparent du bâtiment. J’espérais que les portes seraient ouvertes mais je ne me faisais pas d’illusion : elles sont belles et bien closes. Je ne peux que faire le tour à partir de maintenant, essayer de trouver une entrée secondaire. Ma lampe torche n’est pas discrète mais je ne pourrais pas me guider sans elle. Je cherche toujours une entrée, me collant au mur, je ne suis jamais passée par se côté car il est usuellement réservé aux professeurs. Je manque de tomber contre un trottoir qui n’aurait pas dû se trouver là, quelle ironie, et me rattrape de justesse contre le mur dans un fracas. Il faut vraiment que j’arrête de tomber tout le temps. En relevant les yeux je vois mon entrée, il me semble que c’est le bureau de la secrétaire du proviseur. Elle a laissé la fenêtre entrouverte, de pas grand-chose, mais assez pour que je puisse passer la main et l’ouvrir plus. Le problème c’est qu’elle est au premier étage. Tu devrais faire demi-tour et abandonner cette idée. Un arbre se trouve en face est-ce que c’est faisable ? Rentre à la maison. J’enfonce mon bonnet sur ma tête et met la lampe torche dans ma bouche pour me propulse vers la branche la plus proche de moi. On va voir si six ans de gym sont utiles. L’écorce humide se dérobe sous mes doigts et je retombe lourdement au sol. J’avais dit que j’arrêtais de tomber ! Je me relève, déterminée à faire ce pourquoi je suis là. La lampe toujours bien accrochée dans mes mâchoires, je saute et coince mes doigts comme sur les barres asymétriques, remontant à la force de mes bras j’atteins le premier palier. La fenêtre semble plus proche de moi, je saute sur celle d’en face avec prudence et me retrouve en parallèle de la fenêtre qui est en face mes yeux. La distance est légèrement trop importante, comment l’ouvrir et y entrer en même temps. Je dois faire l’un ou l’autre mais pas les deux en même temps, ces fenêtres sont lourdes, je ne serais pas assez rapide. J’observe autour de moi et au sol j’aperçois une branche épaisse qui me semble assez légère pour la porter à bout de bras mais assez solide pour pouvoir forcer dessus et ouvrir cette fenêtre. Je redescends avec la souplesse d’un chamois et m’éclabousse malgré tout de quelques gouttes de boue sur la joue. Je m’approche de la branche convoitée et effectivement, elle est légère et lourde à la fois, parfait. J’essaye de la coincer un peu plus haut dans les branches, je pourrais la récupérer une fois sur la branche stable, au plus près du tronc. Une fois m’être assurée qu’elle est bien coincée, je réitère mon numéro de gym avec plus d’assurance et reviens à mon dernier palier passé. Je m’étire alors vers le bas pour attraper la branche que j’avais coincée un peu plus près du sol. Je manque d’ailleurs de perdre ma lampe torche dans l’opération. Une fois mon équilibre retrouvé, je me bats avec ma précision pour pouvoir coincer le bout de la branche dans l’entrebâillement de la fenêtre qui s’ouvre de bas en haut. Ça y est ! Je sens de la résistance quand je bouge la branche vers le haut, ça devrait le faire. J’appuie de toute mes forces vers le haut pour ouvrir la fenêtre en acier sans succès. Est-ce que je dois chercher une autre solution ? Me vient alors une idée. Je jauge la longueur de la branche d’un coup d’œil, ça peut marcher. Je cale mon bâton de fortune contre la branche vivante de l’arbre, vérifiant que de l’autre côté elle est toujours dans l’ouverture de la fenêtre. Voyant que mon bout dépasse bien de l’autre côté de la branche en vie de l’arbre, je tente de me suspendre pour faire levier. Faisant peser de tout mon poids vers le bas, le bout de la branche coincé à la fenêtre fini par l’ouvrir dans un fracas brusque. Réprimant un cri, de joie ou de peur sur le moment, je m’accroche à ma branche et me balance jusqu’à la fenêtre et entre dans le bureau de la secrétaire. Yes ! Je suis déjà fière de moi d’avoir réussi à être aller jusque-ici, mais je n’ai pas fini.

Mon téléphone vibre de nouveau dans ma poche. Je desserre enfin mes mâchoires de ma lampe torche, où l’on peut voir la trace de mes dents par endroit, et prend à nouveau mon téléphone où un nouveau message d’Eliott s’affiche non lu. Je ne dois pas me laisser distraire, et sur ce je le remets à sa place. Le bureau de la secrétaire est d’un impeccable à faire tourner la tête, aucune feuille volante ou de post-it et encore moins de poussière. On aurait dit que quelqu’un venait de faire le ménage à l’instant. Je m’approche de la porte qui mène au couloir, il me faudra ensuite traverser devant une baie vitrée pour atteindre l’escalier qui mène soit au deuxième étage soit le rez-de-chaussée et encore plus en bas, la salle des archives. Mais un bruit de porte m’interpelle. Tout le monde devrait être parti ! Je me cale sous le bureau qui est fermé par une paroi à l’avant. Ce fut de peu, car la lumière de la pièce s’allume. Je dois me mettre la main devant la bouche pour m’empêcher de respirer trop fort. Lorsque les talons, que je devine ceux de la secrétaire, s’approchent de moi, ma respiration se bloque et mon corps entier s’immobilise. Je peux la voir alors qu’elle passe à l’arrière du bureau, elle referme la fenêtre que j’avais laissée ouverte et la ferme à clef. Quelle poisse ! Je ne pourrais pas compter là-dessus pour sortir d’ici. J’entends un bruit de manteau puis la lumière s’éteint pour laisser place aux ténèbres, et la porte se ferme derrière la secrétaire. Je prie un instant pour qu’elle ne ferme pas la porte à clef et heureusement, je n'entends aucune clef tourner dans la serrure. Une fois sûre qu’elle soit partie, je me relève de sous le bureau, à bout de souffle de l’avoir retenue aussi longtemps. Je tourne la clenche et vais au-devant du couloir vitré, je le traverse rapidement et remarque les phares de voitures qui passent devant le lycée dans l’obscurité. Il y en a une paire justement qui ne bouge pas mais je n’ai pas le temps de m’en préoccuper, je dois rester furtive et discrète.

J’atteins l’escalier sans grand encombre, j’aimerais que ce soit comme ça jusqu’à la fin de ma mission. Je m’élance dans les escaliers qui mènent au rez-de-chaussée, ils me semblent familiers car je les utilise tous les lundis mais lorsque j’arrive au-dessus de ceux qui mènent vers la salle des archives, je sens la panique monter. Personne n’a le droit d’y descendre d’accoutumer et la seule lumière qui s’en dégage est une lueur rouge qu’on ne voit pas de jour. J’hésite un instant avant de me rappeler pourquoi je suis là. Alors je m’engage dans cet escalier, sur mes gardes et attentive à tout bruit ou mouvement, tous mes sens en éveils. Pas à pas, j’atteins le bas de l’escaliers en spirale, étriqué. Une lourde porte en métal m’attend en bas et dans élan je la pousse et l’ouvre. Des allées entières s’étalent devant moi, remplis de cartons où des noms y sont notés. Je suis même étonné que notre lycée dispose d’un espace aussi grand. Ça va me prendre toute la nuit ! Alors autant pas trainer. Je passe à travers les allées en vitesse, essayant de repérer un système de classement logique à tout ça et il ne prit pas longtemps avant de voir que leur système basique ce trouvait être le classement alphabétique. Le « L » de Levigne se trouvant être la dix-septième lettre d’alphabet, je m’avance vers le fond de la salle jusqu’à voir le nom d’une fille que je connais « Laroud Emilie ». Je continue mon chemin, me murmurant le nom de famille d’Arthur jusqu’à trouver un « Levigne ». J’attrape le carton où est noté en lettre capitale le nom du jeune homme et manque de le faire tomber. Je me rattrape à nouveau de justesse et pousse un soupir de soulagement et d’exaspération. Je le pose au sol et examine les différents dossiers. J’ouvre le premier où est noté ses résultats scolaires, pas forcément bon mais suffisant pour ne jamais avoir eu d’avertissement de travail ou quoi que ce soit de notable. Le second se trouve être son dossier d’identité ! Pile ce qu’il me faut ! Je m’empresse de l’ouvrir. Ma main avec laquelle je tiens la lampe commence à trembler, j’ai peur de ce que je vais trouver et je ne sais pas pourquoi. Une photo d’Arthur est épinglée sur le dossier, ses cheveux blonds ont de doux reflets solaires sur ce cliché. Je lis les premières infos. Son père s’appelle Robert Levigne et sa mère s’appelle Laura Levigne. La page internet était donc une coïncidence. C’est stipulé qu’ils ne sont plus ensemble, jusque-là ça semble logique. Il y a la ville où ils habitaient avant : Eire. Mon téléphone vibre de nouveau mais cette fois c’est un appel. Je décroche à Eliott.

« Je peux pas Eliott, je suis… Occupée.

-Je sais que tu es au lycée, je suis devant t’as intérêt à sortir vite-fait y a le gardien qui vient d’arriver. »

Et il a raccroché. Je range aussi vite que je peux les dossiers, si le gardien décide de descendre je serais coincée dans les escaliers. Je remonte alors en vitesse, replaçant tout sur mon chemin. Je vois par la porte vitrée le gardien entrer dans le premier bâtiment, muni de sa lampe torche, j’éteins la mienne rapidement avant qu’il ne me remarque. Je vois soudain une issue. Il a laissé ses clefs sur la porte, s’il pouvait entrer dans une salle ce serait l’idéal, cette porte mène vers le parking, là où j’avais vu les lumières des phares de la voiture d’Eliott stationner. Il s’avance vers moi mais ne me vois pas encore. Je dois agir ou il va me trouver et je vais avoir de sérieux problèmes. Je décide de me séparer du porte clef que j’ai sur mon sac, en forme d’une ancre, elle fera très bien l’affaire. Je la détache et le lance vers la salle d’à côté de lui. Il y rentre. Victoire ! Je cours discrètement vers la porte qui me mène à la sortie. J’entends alors un « Hé ! » derrière moi. Tant pis pour la discrétion, je cours tout ce que je peux et rejoins la voiture d’Eliott, je m’assois du côté passager et referme aussi vite la portière.

« Roule !! »

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