A la rencontre de Mickaël
J'avais failli me perdre, pourtant, j'avais bien noté l'adresse. Mais malgré le GPS, ce n'était pas simple de trouver l'ancienne ferme, sur le flanc du Ben Nevis, face au Loch Linnhe. Enfin, j'y étais. Je me garais dans la cour, il m'attendait, un sourire au bord des lèvres.
Nous prîmes place sur le banc, devant la maison. Il avait préparé le thé, et une tarte aux pommes, forcément. J'avais imaginé que l'interview ne serait pas facile pour lui, et finalement, c'était moi la plus gênée. Il me servit, puis attendit.
Bien... Je devais commencer. Alors, par le commencement, non ?
- Mickaël... Mickaël, voyons. Rappelle-moi ton nom, s'il te plaît ?
- Mickaël Graham McLeod d'Inverie, pour le nom complet. Mais au quotidien, franchement, c'est beaucoup plus simple d'utiliser seulement Mickaël Graham. Après tout, j'ai porté ce nom durant des années avant de pouvoir y ajouter la suite...
- Quel âge as-tu ?
- Celui de mes artères...
J'adorais. Il avait cette touche d'humour que je lui avais bien imaginée. Alors, continuons.
- As-tu des pouvoirs ?
- Oh...
Il s'abîma un instant dans une profonde réflexion, puis je vis son regard pétiller :
- Si je dois n'en avoir qu'un, ce serait celui de réveiller l'enfant en chacun de nous.
- C'est beau, fis-je. J'aime ce pouvoir. Maintenant, parle-moi...
- ... de Maureen ?, compléta-t-il.
- Oui, lui souris-je.
- Tu dois écrire long ou court ?
- Je ne sais pas. Ne faisons pas trop long.
- Alors, c'est juste la femme de ma vie.
Un sourire s'incrustait sur ses lèvres, ses cheveux couleur de blé mûr encadraient son visage, et un éclat bleuté s'était allumé dans ses yeux verts. Cela me fit penser à la question suivante.
- Quelle est ta couleur préférée ?
- Ce gris-bleu des yeux de Maureen, cette couleur toujours changeante, comme celle du Loch, là. Avant, je veux dire, avant de la rencontrer, ma couleur préférée était toutes les couleurs de mon pays.
- Hum... Je pense que la question suivante va être aussi difficile que celle concernant Maureen.
- Tu veux que je parle de Sam ?, éclata-t-il de rire. Ah, Sam... ou peut-être de Willy ?
- Bon, ok, on va pas écrire un roman non plus...
- Surtout que c'est déjà fait. Et pas qu'un, en plus.
- Effectivement. Tu as raison. Mais si nous ne nous attardons pas sur eux, peut-être as-tu des ennemis ?
- Pas à ma connaissance.
- Alors, parle-moi de cet endroit, maintenant. Là où tu vis. Là où tu as choisi de vivre.
- Le plus bel endroit du monde. Le bout du monde. Les Hautes Terres. Cet endroit que mon grand-père a tant vanté à ma grand-mère, pour pouvoir l'arracher à sa Normandie natale. Cet endroit qui a enchanté Maureen la première fois que nous sommes venus. Là où je suis né, là où nos enfants sont nés. Et quelques générations avant nous, aussi. Cette maison... Cette maison a vu tant de choses, tant de gens, entendu tant de rires, de pleurs entre ses murs. La vie, tout simplement. Et puis cette vue... N'est-ce pas une des plus belles vues au monde ?
J'acquiesçai : le bougre, il avait sacrément raison.
- Finalement, tu en parles plus que de Maureen ou de Sam.
Il eut un petit sourire en coin, à nouveau.
- Certes. Mais je peux te parler d'eux, un peu, de ma famille aussi.
- Une sacrée histoire, que celle de ta famille, n'est-ce pas ?
- Oui. Une histoire qui plonge ses racines bien loin dans le passé de ce pays, mais qui les prolonge encore vers l'avenir. Demain sera autre, demain sera comme une révolution. Et mes enfants connaîtront ce jour. Ils le feront.
- Ils te feront, Ecosse...
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