Puzzle familial
« Toute une famille disparaît en plein centre ville de Paris
Suite à la disparition de Véronique Levasseur signalée hier par son ex compagnon, comme nous vous l'indiquions en exclusivité dans notre édition d'hier, les services sociaux ainsi que les agents de la police nationale ont pénétré dans le petit appartement familial situé rue Saint-Maur dans le 10ème arrondissement afin de retrouver les enfants de Véronique. En effet, les deux garçons, Adrien et André, de respectivement sept et neuf ans, n'ont plus donné aucun signe de vie depuis la disparition de leur mère. Mais à l'intérieur, la police n'a trouvé aucune trace des enfants. Un avis de recherche a été lancé pour essayer de les retrouver le plus vite possible. Pourtant les enquêteurs ne semblent pas des plus optimistes en n'excluant pas la piste criminelle. Si vous avez quelque renseignement en votre possession, vous pouvez d'ores et déjà appeler le 17 ou directement le 04 67 39 21 12. »
L'inspecteur, après avoir terminé sa lecture à voix haute de l'article, referma Le Parisien et s’insurgea :
— C'est pas possible ! Je lui avais dit d'attendre, il va m'entendre ! Après s’être un peu éloigné de ses collègues, il composa le numéro de l'agence qu'il connaissait depuis longtemps par cœur.
— Allô, Le Parisien, bonjour.
— Bonjour. Je peux parler à monsieur Puig, s' il vous plaît ?
— C'est à quel sujet, demanda la secrétaire ?
— C'est l'inspecteur Gaspard. J'appelle au sujet de l'affaire Véronique Levasseur.
— D'accord, je vous le passe. Au revoir inspecteur.
Quelques secondes plus tard, il avait Édouard Puig.
— Salut Édouard. C'est Gérard. C'est quoi cet article qui est paru aujourd'hui ? Je t'avais demandé d'attendre au moins un ou deux jours !
— Je pouvais pas attendre : tout le monde est au courant ! Et la concurrence aussi ! Mais j'ai une info qui pourrait t'intéresser... Cette Véronique, elle a une fille. Qui ne vivait pas chez sa mère.
— Non, désolé mais t'as de mauvaises infos cette fois-ci : C'est pas une fille, ce sont deux fils. Et, justement, on les cherche. C'est pour ça que je ne voulais pas que l'info soit diffusée tout de suite.
— Je sais qu'elle a deux fils mais elle a aussi une fille : Une fille qui s'appelle Charlie. Ça te dit pas quelque chose ? Charlie, c'est CDC, cette écrivaine délurée qu' on voit partout en ce moment à la télé...
— ... T'es sûr de ton info ? CDC ? C'est pas celle qui a mis une baffe à Jean-Pierre Tournier ?
— Si, voilà, c'est elle ! Elle est complètement accro à la cocaïne et toutes autres sortes de drogues...
— Et comment tu sais ça toi ?
— Désolé, protection des sources, je peux rien dire.
— Bon, OK, concéda Gérard qui ne voulait pas se mettre à dos un grand ami et si bon informateur.
— J'ai autre chose…
— Quoi ? s'empressa de demander Gérard.
— Attends, moi, ce qui m'intéresse, c'est l'exclu sur la suite… et la fin de l'affaire.
— OK, OK, je te la donne. Une journée avant la conférence de presse. Ça te va ?
— Sûr ? Je peux te faire confiance ?
— Édouard, tu me connais quand-même, s’offusqua Gérard.
— Justement, répondit Édouard en riant.
— Alors, tu la craches, ton info, dit Gérard sur un ton goguenard car il savait lui aussi que, tout ami qu’ils étaient, les affaires étaient les affaires. Vas-y, accouche !
— OK, il se pourrait bien que Véronique ait un autre garçon, un aîné, un fils caché... À vérifier…
— D'accord... Et je suppose que là aussi tu vas me ressortir ta protection des sources?
— Oui, exactement. T'en sauras pas plus, désolé. Mais c'est déjà pas mal quand même, non?
— Oui, oui. Merci Édouard. À ce soir.
— Ouais, à ce soir. N'oublie pas, la soirée commence à vingt et une heurese. C'est pas la peine de venir trop tôt.
L'inspecteur raccrocha et appela immédiatement son vieux pote, Frédo, qui travaillait au stup.
— Salut Frédo ! Je t'appelle parce que je suis sur l’affaire de la disparition de Véronique Lavasseur : CDC, tu connais?
— CDC ? Tu veux dire l'écrivaine, Charlie de Condillac. Oui, évidemment, on ne connaît qu’elle ici, plaisanta Frédo. Qu’est-ce qu’elle a encore fait cette fois-ci ? Elle est surtout connue pour consommer mais aussi vendre toutes sortes de drogues.
— Non, il ne s’agit pas de drogues, enfin pas pour l'instant, mais sa mère a disparu.
— Et vous pensez qu'elle peut être trempée dans l'histoire?
— Pas encore. Mais toute la famille a disparu alors si c'est la seule qui ne l'est pas, pour l’instant en tout cas, il faudra qu' on lui pose quelques questions… Tu crois, toi, qu’elle pourrait être mêlée d’une façon ou d’une autre à tout ça ?
— Charlie ? Je crois qu 'objectivement, Charlie pourrait être mouillée dans à peu près tout ce qui se passe à Paris ou à mille kilomètres à la ronde... Au moins. Mais elle est maligne : à chaque fois qu’elle trempe dans une affaire, elle assure ses arrières. On a jamais trouvé grand-chose contre elle. Tu veux que je t’envoie ce qu’on a sur elle ?
— Oui, parce qu’il faudrait qu’on la retrouve vite.
— Et elle sait que sa mère a disparu ? Parce que je sais qu’elle n'est pas en bon termes avec elle... Mais si quelqu'un l’a prévenue ou si elle s’est rabibochée avec elle et qu’elle est au courant, d’une façon ou d’une autre, de ce qu'il s'est passé, elle n’attendra pas qu’on vienne la cueillir...
— Je ne sais pas. Ici, on ne la connaît pas encore. Mais un article est paru aujourd'hui dans 20 minutes qui annonçait la disparition... Lequel est sans doute sur leur site depuis ce matin.
— OK, on risque d'avoir du mal à la trouver alors... Ils sont pas possibles, ces journalistes : C'est plus fort qu' eux, ils peuvent pas s'empêcher de débiter leurs conneries sans se soucier des dégâts qu’ils font!
— C'est clair: ça devient de plus en plus dur de faire son travail avec eux dans les pattes ! Au fait, dis-moi, il n'y aurait pas un mec qui traîne avec elle en ce moment ?
— Si, si ! D'où tu tiens ça ? On se demandait qui c'était.
— On a mené l'enquête. Et, apparemment, il s’agirait de son frère...
— Son frère ! Mais elle en a deux et ils ont disparu eux aussi !
— Non, c'en est un autre. La mère l'aurait abandonné à sa naissance.
— Un troisième frère alors !
— Oui, qui aurait retrouvé sa sœur...
— Et sa mère.
— Peut-être...
— Quelle famille ! Ça fait un petit moment qu’il traîne avec elle: on pensait que c'était peut-être son dealer. Si c'est bien son frère, il a largement eu le temps de passer la voir...
— On va leur rendre une petite visite alors ! Son frère sera peut-être chez elle. Est-ce-que tu as d'autres renseignements le concernant ?
— Non, pas encore. Je t'appelle si j'en ai.
— D'accord. À plus alors.
Gérard raccrocha et se tourna vers le premier de ses collègues qu'il aperçut :
— Sylvain, ramène-toi : on va rendre une petite visite à Charlie De Condillac.
— Ah ouais, je dis pas non !
— Dépêche-toi, je te raconterai en route.
Quinze minutes plus tard, les deux hommes étaient devant l'entrée de l'immeuble de Charlie. Gérard posa une dernière fois la main sur son arme, geste qui était devenu une habitude, afin de vérifier qu'elle était toujours accrochée à sa ceinture mais aussi pour se rassurer : ça ne le mettait pas à l'abri d'une balle mais il se sentait quand même un peu plus en confiance. Sylvain, lui, sortit un passe de sa poche et déverrouilla le digicode. Puis tous deux s'engagèrent dans le magnifique hall et empruntèrent, le plus silencieusement possible, les larges escaliers revêtus du long tapis rouge. Quand ils arrivèrent devant la porte de Charlie, Sylvain utilisa la formule d'usage.
— Police! Ouvrez !
N'ayant pas de réponse, il répéta une ultime fois avant d'essayer d'ouvrir la porte. Celle-ci était fermée à clef.
— Ils sont à l'intérieur, commenta Sylvain qui s’était penché près de la porte. Je les entends bouger. Qu’est-ce qu’on fait ? On entre ?
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