Lettre ouverte - rupture
J’ai rompu il y a peu avec ma petite amie. Plutôt mon ex-petite amie, j’ai encore du mal à utiliser ce terme la concernant… Nous sortions ensemble depuis plus de trois longues années… Nous avions connu des hauts et des bas. Une dispute a éclaté ; mais cette fois-ci, impossible de faire marche arrière.
Je me rappelle nos premiers échanges. À l’époque, j’avais 14 ans, j’ignorais tellement de choses sur la gent féminine. Vous pouvez imaginer la parfaite caricature du geek : un adolescent enfermé dans sa chambre, en ligne jusqu’à pas d’heure. Le collège m’a sauvé de l’isolement total.
Nous nous étions rencontrés sur un jeu vidéo. Au début, ce n’était qu’une camarade fictive, un pseudo parmi tant d’autres. Mais rapidement, nous quittâmes le monde virtuel. Grâce à Skype et aux réseaux sociaux de l’époque, nous discutions plus régulièrement. Et puis, le temps passant, nous grandîmes.
Trois ans plus tard, notre amitié perdurait. Mais au fond de moi, je ressentais autre chose. Notre relation accéléra sans crier gare et je finis par avoir des sentiments pour elle… J’attendais ses messages avec impatience, voir son nom me donnait le sourire. Il faut dire qu’elle avait tout pour plaire. Ses cheveux sombres ondulaient jusqu’au creux de son dos, elle adorait glisser une mèche entre ses doigts pour jouer avec. Ses yeux, d’un bleu encore inconnu, pétillaient d’espièglerie. Je pouvais me perdre des heures dans son regard. Elle rayonnait, c’était indescriptible.
Un peu confus par mes sentiments, je décidai de tout lui avouer. Après une longue discussion téléphonique, elle me confia ressentir la même chose. Cette simple information me donna tellement de papillons dans le ventre que je n’ai rien pu avaler ce soir-là. Nous habitions tous les deux à l’autre bout de la France, une relation à distance se construisit lentement. Nous avions 18 ans et notre couple venait de naître.
Durant une période de presque un an et demi, aucune rencontre in real life ne fut organisée. Le manque de moyen, notamment financier, nous impactait grandement. Pour pallier ce manque, nous nous appelions énormément. Je me souviens de discussions vidéo jusqu’à pas d’heure, à bavarder de tout et de rien. Je n’ose imaginer la quantité de photos que nous avions pu échanger. Malgré tout, je voulais passer à quelque chose de plus concret.
Pendant ce temps-là, son ex lui tournait autour, pleinement conscient de la faille qu’une relation à distance engendrait. Il ne se gêna pas pour en profiter et flirta avec elle. La pauvre, si facilement influençable, ne vit pas le piège se fermer lentement sur elle et ils s’embrassèrent.
La colère, ce sentiment acide et pourtant si fort, m’emporta. Je ne me serais jamais cru capable de dire de telles atrocités. Encore aujourd’hui, je n’en suis pas fier. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Plus de 800 kilomètres nous séparaient, je ne pouvais qu’assister à ma décadence, impuissant. Ce gros porc ne voulait qu’une chose : coucher de nouveau avec elle. Quel chien !
Je ne sais pas quel miracle nous toucha de sa main divine, mais tout rentra dans l’ordre. Mais cette mésaventure ébranla les bases que nous avions peiné à construire. L’été vint, et j’obtins un travail à temps plein ; mettre quelques pièces de côté. La saison chaude, intense, presque interminable, s’acheva.
Ce job fut mon premier pas vers la liberté, l’autonomie, l’indépendance. Je vivais dans un petit studio à côté de l’entreprise, sous la tôle d’un hangar. La journée, l’ambiance était digne des plus grands saunas de notre époque. Mais l’espace de deux mois, ce T1 miteux se transforma en « chez moi ». Ce fut une expérience si enrichissante que je la recommande encore aujourd’hui à tous les jeunes en quête d’indépendance.
Mon contrat s’acheva en septembre. J’achetai presque immédiatement mes billets de train pour monter la voir. J’avais 19 ans et j’étais prêt à tout.
Alors que la locomotive approchait de ma destination, mon cœur battait à tout rompre. Les mains moites, les jambes tremblantes, je marchais dans l’allée du wagon vide. Mes allers-retours auraient pu donner le mal de mer à n’importe qui. Malgré tout, je trépignais d’impatience.
Le serpent de métal entra en gare. Déambulant parmi la foule grouillante, elle cherchait ma voiture. Chaque pas me rapprochant d’elle sonnait en moi comme une libération. Le sentiment d’avoir accompli quelque chose d’impossible. Mon corps fuyait ; mon cœur la rejoignait.
Elle était encore plus belle en vrai. Je me rapelle m’être perdu dans ses boucles noires. La brise légère arpentant les quais s’amusait à agiter cette mer sombre. Ses lèvres effleurèrent les miennes, je goutais au Paradis… Sa peau, douce et sucrée, sentait délicieusement bon. Un parfum à la vanille à l’odeur sirupeuse et enivrante, je m’en souviendrai toute ma vie.
Elle me prit par la main et m’emmena en ville. Elle parlait, je buvais ses paroles. Nous nous assîmes sur un banc sur les murailles de l’ancienne cité. Nous discutions, mais je la sentais dans la retenue. Je la savais timide, je me montrais plus attentif encore. L’avais-je blessée ? Nous continuâmes notre promenade le long des remparts avant de rejoindre le centre-ville. Alors que nous étions installés devant un musée dans une rue calme et isolée, elle m’annonça qu’elle n’était pas prête pour la suite.
Ses mots résonnèrent en moi, ravageant tout sur leur passage. La brutalité du choc me laissa agoniser au milieu des morceaux de mon cœur. Mes larmes inondèrent mes joues quand elle me serra dans ses bras. Malgré la douleur, je devais tourner la page.
Nous terminâmes notre promenade en tant qu’amis cette fois. La journée se conclut sans autres soucis et nous nous séparâmes. Je logeai sur un voilier que j’avais loué pour la nuit. Je voulais vraiment me faire plaisir. L’ambiance demeurait chaleureuse malgré le maigre espace. L’odeur du bois fraichement lasurée, le mouvement presque imperceptible des vagues… Ça n’avait pas de prix. Si l’occasion se présentait à nouveau aujourd’hui, je n’hésiterais pas une seconde.
Le lendemain, je l’invitai à déjeuner sur le bateau. Et ce qui devait se terminer en un simple repas matinal se transforma en câlins sous la couette. Ses courbes parfaites ondulaient sur moi, offrant à mon regard adorateur ses formes exquises. Nos corps ne se quittèrent qu’à midi passé.
Elle revint sur sa décision et nous fûmes « officiellement » en couple. Pour profiter de nos derniers instants ensemble, nous visitâmes l’aquarium de sa ville, main dans la main. Un photographe nous proposa un shooting improvisé. Ce fut nos premières photos à deux. Je les conserve précieusement dans une boîte à souvenirs chez mes parents, certaines choses ne méritent pas d’être oubliées.
La journée se terminait, nous devions nous quitter. Je n’effacerai jamais ce bonheur partagé de ma mémoire. J’avais 19 ans et j’étais heureux.
En février, ma formation professionnelle débuta. Maintenant salarié, je pouvais la voir plus régulièrement. Pour les vacances de printemps, nous avions organisé un séjour à La Rochelle. Nous avions loué une maisonnette pas très loin du vieux port. Nous avions notre petit coin cocooning lorsque la météo se montrait peu clémente, mais il a fait beau la plupart du temps. Je ne me rappelle pas avoir autant marché en dix jours… Ce fut de chouettes promenades.
En août, elle quitta sa famille, sa région et tout ce qu’elle connaissait pour rejoindre la mienne. Le temps de trouver un travail et un logement, mes parents acceptèrent de l’accueillir. Pendant quatre longs mois, je servais de tampon entre elle et eux, me devant d’arrondir les angles. J’ai tout essayé pour que tout se passe bien. Je tiens à rappeler qu’à cette époque, je ne rentrais que pour les vacances scolaires. Chacun prenait sur lui, fournissant de considérables efforts.
Mais cela ne suffit pas et ce qui devait arriver, arriva. Une dispute éclata entre eux et fut si violente qu’elle fut mise à la porte. En tant que spectateur, ce fut difficile à vivre. Les deux camps me reprochaient de les avoir délaissés. Je fus envoyé à Strasbourg pour poursuivre ma formation. J’avais 20 ans et je construisais ma vie.
À ce moment, les choses se gâtèrent. Ne pouvant plus rentrer qu’une semaine pour les vacances, je devais répartir ma présence entre ma famille et mon ex petite-amie. Autant vous dire que je marchais sur des œufs. Mon temps libre fondait à vue d’œil d’ailleurs… Et là-bas, je pus rencontrer des gens formidables, me confronter à de nouvelles idées.
Et je compris une chose : nous avions été trop vite. Lorsqu’elle me parla de s’installer, je pris conscience que je n’étais pas encore prêt. Je voulais bouger, voyager, vivre des aventures. Et plus je côtoyais mes amis, plus j’en étais persuadé. Dans mon esprit, tout se bousculait. La confusion était totale, mais je n’avais pas le temps de penser à tout ça. Avril 2020, une crise sanitaire frappa le monde.
Renvoyé à domicile pour la durée du confinement, je devais choisir un lieu de résidence. D’un côté, mon ex. De l’autre, ma famille. Un choix cornélien comme on en fait plus. Après d’intemporelles heures de réflexion, je jugeai bon de rentrer chez mes parents. Ils ont été, sont et seront toujours présents pour moi. Ce choix, je me le suis reproché, jusqu’à m’en rendre malade. Ma formation se poursuivait à distance, j’avais littéralement l’air d’un cadavre sorti de terre.
Malgré tout, ma décision lui déplut et le début de la fin s’amorça. Le ton monta, les blâmes fusèrent. Ce manège dura une semaine environ avant d’atteindre son apogée. Lors d’un appel téléphonique, tout vola en éclat.
Elle qui me demandait de faire preuve de discrétion ne s’était pas gênée pour tout raconter à son entourage, même des gens fraîchement rencontrés. Ces inconnus vinrent me harceler par messages, s’estimant fervents défenseurs d’une justice qui était leur.
Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Personne n’est tout blanc, ni tout noir. Mais là, la situation tournait au vinaigre. Je me sentais trahi. M’armant de courage, je pris une décision lourde de conséquences : nous devions en finir. J’ai rompu ma relation avec elle. J’avais 20 ans et j’étais seul.
Aujourd’hui, j’ai 21 ans. Cela fait un mois que je suis célibataire, j’y repense parfois. Un regard, un rire, une photo… Des souvenirs. Je ne peux pas et je ne veux pas oublier. Même si cette histoire s’est terminée dans les cris et les pleurs.
Ce fut une formidable aventure, mais il est temps de tourner la page. Les larmes le long de mes joues, un sourire au coin des lèvres, je te dis au revoir. Merci pour tout ce que tu as fait, tout ce que tu m’as appris.
Au revoir S.
Annotations
Versions