Chapitre 1 : Baden-Württemberg
Cette année là je n'étais pas aller chez Angelika et ses parents, nous avions à la place préparer un voyage en Germanie dans la région de Baden-Württemberg. Angelika n'arrêtais pas de me parler d'un bal qui aurait lieu en notre honneur, elle me disait que j'allais avoir un cavalier Germain et qu'avec un peu de chance cela allait être l'homme de ma vie. J'écoutais ses paroles sans réelle conviction.
Pour effectuer ce voyage dans de très bonnes conditions, les parents d'Angelika avaient organisé une rencontre avec le préfet de Baden-Württemberg pendant la période de la fête de la bière. Après un long voyage plutôt épuisant, nous fûmes chaleureusement accueillis par Gregor Karls, ledit préfet, dans son château familial, puis ce dernier nous présenta à tous ses conseillers. Ils étaient tous fort sympathiques, mais il y en a surtout un qui a attiré mon attention.
Il n'était pas Germain, mais Breton, enfin, il s’était présenté comme tel mais était en réalité Irlandais, et avait vécu longtemps sur les terres vertes de ce beau pays. Il se nommait Lord Petyr Brien, c'était un homme mûr qui était tout de même bien conservé pour son âge, et avait été l'un des conseillers de la Reine des Bretons. Sur le coup, je me suis posée pleins de questions sur sa présence et son rôle en Germanie. Gregor Karls nous l’avait présenté comme l’un de ses conseillers personnels. Mais je ne comprenais pas pourquoi un Breton ne conseillait pas tout simplement dans son royaume.
C’est pourquoi, le soir même, après s'être assurée que nous soyons bien seuls, je lui ai demandé de tout m’expliquer. Il m’a alors appris que le huitième royaume venait de disparaître après une terrible révolution. La Grande Guerre des Bretons avait causé la perte totale de la population. Bien sûr quelques-uns avaient réussi à s'échapper avant la fin de la guerre, comme Lord Brien. Les autres royaumes avaient alors renforcé leur propagande et avaient même refusé de faire connaître ces événements au grand public.
Seul le préfet de Normandie, qui avait eu un beau jour la surprise de voir débarquer la Reine Arya de Bretagne et ses conseillers sur ses territoires, connaissait la vérité. Il leur avait offert l'hospitalité et avait lui-même semblé révolté et effrayé de ce qu'il pouvait lui arriver. Au début, je ne comprenais pas pourquoi Lord Brien me parlait d'une affaire si confidentielle. Il aurait pu inventer une raison sans importance. Mais vu que je faisais partie d'une famille politique, enfin du moins, d'une famille noble, il devait lui sembler que je devais être tenue au courant.
Lord Brien était un homme bien plus vieux que moi, mais ses paroles étaient tellement intéressantes que je suis restée toute la soirée en sa compagnie. Je lui ai posé beaucoup de questions sur la culture bretonne et irlandaise. Je me souviendrai toute ma vie de cette rencontre, c'était le seul homme qui buvait du vin et non de la bière. C'était d'ailleurs un vin franc-comtois que j'avais amené en cadeau pour mes hôtes. Lord Brien avait l'air de le trouver tout à fait à son goût.
Pendant ce temps, Nicodème préférait fumer des cigares, ce qui avait d'ailleurs le don d'énerver Angie. Elle avait quitté le stand où elle proposait son délicieux gâteau aux fraises pour lui demander d'arrêter. Mais Nicodème trouvait toujours le moyen de la calmer en lui faisant penser à autre chose. Je regardais ce joli spectacle en mangeant une pomme d'amour. Pour la première fois de ma vie, je ne me sentais pas seule, je ne ressentais pas de jalousie à cause de la relation entre Angie et Nicodème. J'avais même peur de tomber amoureuse trop vite.
Le lendemain matin, le préfet Karls avait demandé à son plus fidèle conseiller, Lord Brien, de nous accompagner pour une balade en forêt. Nous sommes d'abord passés par le champ qu'il avait acquis en venant en Germanie. Il y avait de nombreux pommiers grâce auxquels il faisait du jus. Nous avons pu goûter à ses pommes et elles étaient tout à fait délicieuses. Pendant que j’en dégustais une bien verte, Lord Brien me retourna les questions que je lui avais posées la veille au sujet de son pays d'origine. Je fis surtout allusion aux multitudes de fromages qui étaient produits dans ma région.
Et puis, étant donné que Angie et Nicodème courraient devant comme deux gamins, je suis restée au niveau de Petyr pour lui demander ce qu'il pensait de la Germanie, si cela se pouvait qu'une révolution éclate dans ce beau pays. D'après lui, les Germains étaient déjà pratiquement tous révoltés mais ils n'osaient pas encore passer à l'action. Il m'a dit sous le ton de l'humour, qu'ils préféraient boire des pichets de bière. Mais il a ajouté que ce n'était qu'une question de temps. Lord Brien semblait agréablement étonné de mon intérêt pour la question. Il est vrai que moi-même j'en étais surprise. Et je n'aurai su dire si sa proposition pour l'aider à organiser cette révolution Germaine était de la rigolade ou non.
Plus tard dans la journée, Lord Brien nous a montré la diligence à vapeur de Gregor Karls, c'était encore une fois une superbe avancée technologique aux yeux de Nicodème. Pourtant, ils ne la sortaient que pour de rares et grandes occasions, car ils étaient obligés de payer quelqu'un pour les précéder à chaque fois qu'ils l'utilisaient. Je n'ai jamais compris l'utilité d'un tel engin. J’esquissai tout de même un faux regard de fascination, mais je ne saurai dire si cela était pour éviter un long débat sans fond avec Nicodème ou si c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour esquiver le regard pesant causé par l'admiration que Lord Brien me montrait.
Le soir même, un bal de la plus haute importance pour l'amitié Gallo-Germanique avait lieu. Angelika et moi-même, sommes allées dans la belle demeure qu'avait acquis Lord Brien afin de nous changer. Nous avons pris comme à chaque fois des robes à longs volants et à corset. Cela me donnait une taille toute fine. Et j'avais moi-même du mal à me reconnaître.
Quand nous sommes descendues, toutes apprêtées, un groupe d'hommes habillés en costume dont Nicodème et Petyr nous attendait impatiemment. L'un d'entre eux, dont je ne me souviens pas le nom a exprimé son admiration. Et évidemment, ma tenue n'atténua pas les regards que Lord Brien me lançait depuis le début du séjour. Il me regarda en détail et me sourit. Puis, nous partîmes en direction de la fête organisée chez Gregor. Tout était parfait, les lumières de la salle de balle étaient sublimes, Gregor avait tout organisé lui-même, il avait même pensé à inviter un photographe qui s’était installé devant les escaliers du hall pour faire des photographies des invités. Nicodème a été tellement excité qu'il a voulu prendre la place du photographe pour faire une photographie avec cet appareil révolutionnaire.
Je voulais demander à Lord Brien d’accepter de prendre une photographie avec moi, mais alors que j’étais en train de formuler ma phrase, il me coupa et se contenta de me présenter à mon cavalier de la soirée. C'était un jeune Germain blond, très élégant. Nous sommes vites allés danser tous les deux et je dois admettre qu’il dansait comme un dieu. Il avait de grands yeux bleus, enfin je crois. Je n'ai pas vraiment regardé ses yeux. J'étais plus occupée à rendre les sourires que Lord Brien m'envoyait de l'autre bout de la salle. Lui ne dansait pas, il préférait boire un ou même bien plusieurs verres de vin Autrichien.
Pour le repas qui avait eu lieu environ une heure plus tard, j'étais comme Angelika, entre mon cavalier et Lord Brien. Il me séparait de ma meilleure amie pour suivre les règles de la table. Malheureusement, mon cavalier parlait uniquement Germain et moi uniquement Gaulois. Je ne pouvais donc échanger qu'avec Petyr car il avait appris les huit langues parlées dans le Grand Royaume.
Il m'a alors expliqué la fonction de toutes les personnes autour de la table. Il y avait beaucoup de conseillers, mais aussi un sous-préfet élu par le « peuple » - c’est-à-dire, par les nobles, les religieux et les marchands assez riches pour s’acheter un droit de vote - et un second nommé par la Reine. C'était ce dernier qui avait offert le poste de conseiller à Lord Brien. Il y avait, bien sûr, le préfet de Baden-Württemberg et ses deux fils, accompagnés de leur petite amie. Un jour après cette magnifique soirée, alors que nous étions censés partir, je me souviens que Petyr avait voulu me montrer un endroit magnifique dans son jardin.
J'avais donc profité de cette escapade pour lui demander une précision sur quelque chose que je n'avais pas compris. A savoir, comment le peuple Breton avait disparu presque entièrement en si peu de temps. En écoutant ma question, Petyr s'est mis à sourire, comme si c'était la question qu'il attendait depuis notre rencontre. Il m'a alors pris par la main et m'a emmené dans un endroit où personne ne pouvait nous entendre.
- Vous savez Féréole, m'a-t-il dit, quand un peuple tout entier menace la belle organisation de votre royaume, vous n’avez pas d’autres choix que de vous en débarrasser le plus rapidement possible. D’autant plus que la reine Arya était prête à abdiquer. Alors, bien sûr, quand les différents royaumes ont compris le danger que représentaient les Bretons, ils n’ont pas eu d'autres choix que de s'en débarrasser.
- Comment cela ? Ai-je demandé avec effroi. Mais je crois que je n'étais pas prête à entendre la réponse.
- Les autres rois et reines ont alors envoyé la RCM -Riot control of Monarchy- ils ont débarqué sur l’île peu de temps après. Ils ont préféré massacrer le peuple Breton, plutôt que de courir le risque de perdre leur unanimité.
A cette époque, je ne savais pas ce que signifiait RCM, j’en avais juste déduit qu’il parlait sûrement de la CMS, la Compagnie Monarchique de Sécurité. Ils avaient tué des innocents. Des enfants, des femmes et des hommes qui défendaient leurs droits. Le roi Scandinave n'avait apparemment pas été informé avant l'acte. Mais roi Jupiter, le nôtre, avec d’autres rois et reines, avaient su profiter du mal qu'ils avaient causés. Ils avaient même fait décapiter leur amie de toujours, la Reine Arya de Bretagne. Ils avaient jugé qu'elle était trop populaire et qu'elle risquait de trop attirer l'attention. Cette terrible affaire datait déjà de deux ans auparavant, et je n'en avais jamais entendu parler à l'époque. Ils pouvaient donc être fiers d'eux, ils avaient réussi à étouffer l'affaire.
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