Chapitre 2 : Lord Petyr Brien
A mon retour en Gaule, j'avais l'impression que rien ne serait plus jamais comme avant. Je savais maintenant des choses horribles sur mon propre roi. Le roi Jupiter n'avait donc aucune humanité. Bien sûr, mes parents ne voulaient pas entendre un traître mot sur le sujet. Le journal politique que nous recevions tous les mois n'avait jamais parlé de toute cette affaire. Il nous avait simplement informé de l'impossibilité pour la reine Arya de venir aux conférences officielles pour la raison, disait-il, qu'elle avait des problèmes de santé dues à la vieillesse.
Je ne comprenais pas non plus pourquoi Petyr Brien m'avait raconté tout cela. Peut-être qu'il voulait que je me révolte contre le système ou peut-être qu'il voulait juste en parler à quelqu'un qu'il jugeait de confiance. Lord Brien avait été pour moi qu'un compagnon de route de quelques jours. Enfin, du moins c'est ce que je pensais. Et je n'en savais pas grand-chose. D'ailleurs la seule certitude que j'avais à ce moment-là, était que je ne pouvais plus faire partie de la riche noblesse qui encourageait ce système. Pourtant, je n'arrivais pas à faire face à mes parents.
Ils voulaient d'ailleurs toujours que je me trouve un mari le plus vite possible. Ils comptaient sur moi pour que je me marie à mes dix-huit ans et ils avaient l'intention de me trouver un époux eux-mêmes si je n'étais pas capable d'en trouver un par mes propres moyens. Pendant un moment, j'avais pensé à Petyr, son sourire m'envahissait l'esprit depuis notre rencontre. Mais je me disais que je n'allais jamais le revoir.
Plus on se rapprochait de mon anniversaire, plus je me demandais comment j'allais trouver un mari. Et surtout je me demandais quel genre d'homme mes parents étaient capable de me choisir. Étant leur aînée, je n'avais jamais assisté à un mariage forcé choisi par mes parents. Auraient-ils eu les mêmes goûts que moi ?
Et puis, un jour d'automne, alors que la célébration des morts venait de passer, j'ai reçu une lettre venant de Germanie. Je ne reconnaissais pas l'écriture, mais étant donné la provenance, j'osais espérer qu'elle puisse venir de Lord Brien. A la lecture, je fus tout à fait surprise de l'invitation qu'il m'était donnée. En effet, Petyr Brien voulait me voir pour les fêtes de Noël. Il m'avait invité, ainsi qu'Angelika et Nicodème, s’ils le souhaitaient, au grand buffet de Noël des conseillers de Baden-Württemberg.
Nous étions arrivés chez Petyr deux jours avant Noël. Le préfet Karls n'avait pas pu nous héberger comme il l'avait déjà fait, car il avait déjà un grand nombre d'invités. Nous fûmes donc logés et nourris par Lord Brien, ce qui n'était pas pour me déplaire. Sa demeure, bien que plus petite, ressemblait à un manoir comme l'on pourrait en trouver en Bretagne. J'étais contente de le revoir et j'osais penser que cette joie était partagée. Comme lors de notre première rencontre, Petyr était souriant et pleins de conversations. L'hiver s'annonçait rude, nous nous sommes donc tous installés autour d'un feu de bois que Petyr avait réalisé lui-même. Angelika, Nicodème et moi avions attrapé froid lors du voyage et Petyr, toujours pleins de bonnes intentions, nous avait préparé une infusion de plantes qu'il avait réchauffé au chaudron. Il avait lui-même sélectionné des plantes dont les propriétés thérapeutiques étaient reconnues par les médecins.
Petyr a toujours été l'un de ces hommes qui appréciaient avoir des connaissances dans tous les domaines. Même si son domaine de prédilection restait la politique. Nous avions également pu parler de notre voyage pendant des heures. J'aimais beaucoup voyager, surtout quand je savais que c'était pour voir mes nouveaux amis de Germanie.
Le plus important en Germanie était pour moi de voir de nouvelles têtes. Chez mes parents les seules personnes que je ne connaissais pas m'étaient interdits d'approcher. C’étaient notamment les pauvres que ma mère jugeait dangereux. Pas qu'ils soient plus sournois que les autres, non. Juste parce qu'elle avait peur qu'ils s'attaquent à moi pour me faire les poches, pour me voler mes vêtements ou autres accessoires inutiles. J'avais d'ailleurs tendance à la fâcher en lui disant que s’ils voulaient quelque chose, ils n'avaient qu'à me le demander et que je me ferai un plaisir de les aider. Lord Brien trouvait cette anecdote plutôt amusante, pendant toute la soirée il m'a répété qu'il aimerait voir la grimace sur le visage de ma mère quand je dis des choses comme celle-ci.
Puis, quand l'heure était venue de nous coucher, il nous a montré nos chambres. Celle qu'il avait mise à la disposition d'Angelika avait une tapisserie verte pomme qui rappelait le verger derrière son manoir. Celle de Nicodème n'était pas très loin de cette dernière. Puis, nous étions tous les deux, Lord Petyr et moi, au deuxième étage. Nos chambres étaient à trois pas l'une de l'autre. Celle qu'il m'avait proposée était décorée d'une peinture avec des motifs de roses de toutes les couleurs. Elles étaient magnifiques. J'adorais cette pièce d'autant plus que les roses avaient toujours été mes fleurs favorites. Avant de me laisser me changer et dormir, Petyr Brien était venu m'embrasser le front pour me souhaiter une bonne nuit. Et à ce moment précis, j'en étais sûr, je voulais un mari aussi gentil, aussi intelligent et aussi attentionné que Lord Brien. J'espérais qu'il me propose de devenir sa femme, même si en réalité, je savais pertinemment que notre différence d'âge allait poser de nombreux problèmes.
Le lendemain à l'aube, j'ai été réveillée par des coqs chantonnant au loin. Je comptais donc bien prendre mon petit déjeuner. Mais, une fois debout, je n'ai trouvé personne, ni dans la cuisine, ni dans toutes les autres pièces communes. Je suis alors remontée et sans vraiment avoir de raisons, je suis allée voir si Petyr était encore dans sa chambre. Effectivement, Lord Brien était là. Il dormait encore profondément. Et je ne sais pas réellement pourquoi, j'ai admiré son beau visage apaisé par le sommeil. Au bout d'un moment, j'ai eu peur qu'il se réveille d'un coup et qu'il ne m’aperçoive. Je suis donc allée me recoucher dans mon lit. J'ai dû dormir une heure ou deux de plus.
Puis, j'ai entendu un bruit provenant de la cuisine. Nicodème et Lord Brien étaient tous les deux levés. Lord Brien était en train de préparer le petit déjeuner, ce qui m'a d'ailleurs très surprise. La plupart des Lord, ou même des plus petits conseillers préfectoraux ont des cuisiniers et des serveurs. Mais quand je lui ai demandé pourquoi c'était lui qui faisait la cuisine, il m'a expliqué que c'était un choix. Il ne voulait pas être incapable de se faire à manger le jour où il devrait se débrouiller tout seul. Encore une fois, Lord Brien faisait, pour moi, preuve d'intelligence et de sagesse.
Quelques minutes plus tard, nous vîmes arriver Angie à table. Elle avait encore l'air un peu fatiguée, mais avait tout de même bien récupéré du voyage. Lord Brien nous a assurés que ce n'était pas grave si nous n'étions pas encore en pleine forme, car il avait préparé une activité assez simple et peu épuisante. Nous devions préparer des gâteaux d'épices pour Noël. C'était une spécialité Germaine que le préfet et ses conseillers offraient toutes les années aux petits enfants pauvres dans les rues et dans les fêtes. Nous nous mîmes assez vite au travail pour confectionner environ six mille pièces. C'était en effet peu fatiguant, et assez amusant mais cela nous a tout de même pris toute la journée.
La veille de Noël, les conseillers du Baden-Württemberg avaient organisé un grand bal, où étaient invités tous les habitants qui le souhaitaient. C'est à dire souvent les couples de familles plutôt aisées. Angie, Nicodème et moi avions aidé Lord Brien avec toutes les décorations. J'étais décontractée et heureuse, même si quelque chose me travaillait l'esprit. Pour le repas, je n'étais pas à la même table qu'Angie et Nicodème mais à la table des conseillers aux côtés de Lord Brien. Après tout, même si c'était lui qui m'avait envoyé l'invitation pour ce bal, il n'avait noté nulle part qu'il serait mon cavalier pour cette grande soirée. Et il ne me l'avait pas non plus proposé depuis mon arrivée.
J'ai finalement fini par penser que cela ne m'allait juste pas d'être à ce buffet, de fêter Noël. J'ai regardé d'un air songeur le prêtre qui était là pour la messe de minuit. Et je me suis dit qu'il fallait que je trouve un moyen de partir avant cette mascarade religieuse. Je n'avais jamais vraiment cru en Dieu. Au bien sûr j'avais prié, mais uniquement lorsque mes parents me l'avaient demandé, dans le seul but de leur faire plaisir. J'ai réfléchi à leur dogme, et leur fameux paradis. Et je me suis demandé si l'enfer décrit dans la Bible pouvait réellement être pire que l'enfer terrestre que vivait toutes les femmes et tous les hommes qui étaient dehors. Après cette bonne heure de réflexions existentielles et de mise à mal, Lord Brien est arrivé en me souriant. Il m'a annoncé que le repas allait être prêt dans les temps. Et, alors que je n'y croyais plus, il m'a invité à danser.
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