Alius, ou Kuro comme il se faisait appeler maintenant, était devenu fou. Il ne pouvait être le monarque d’aucun royaume. Il s’apprêtait à se recoucher, à dire à l’autre elfe de l’achever ou de le laisser ici, selon son désir, quand une femme rousse jaillit de sa mémoire.

« Tel est le devoir des souverains, et je pense que vous le comprendrez un jour ». Une fois déjà, il n’avait pas été à la hauteur. Périrait-il ainsi, sur ses erreurs ? Le meilleur moyen de les expier définitivement, ne serait-ce pas de devenir ce roi honorable que son vassal espérait qu'il devienne ? Abandonnerait-il sa contrée natale et son peuple, l’héritage de ses ancêtres, alors même qu’il avait enfin l’occasion de se racheter ?

Il fixa l'assassin.

Pouvait-il regagner sa confiance ? Mieux, pouvait-il gagner son respect ?

Il n'y a qu'un moyen de le savoir...

— Peux-tu m’aider à me relever ?

Alius sourit. Le même sourire qu’il avait autrefois, lorsque tous deux n’étaient encore que de jeunes elfes. Mais le prince ne s'y trompa pas : son regard demeurait froid.

Kuro l’attrapa fermement par un bras et le releva comme s’il ne pesait pas plus qu’un fétu de paille, ramassant au passage sa dague, qu’il fit rapidement disparaître entre les plis de sa cape.

Alius passa ensuite un bras sous son épaule pour le maintenir debout et ils se mirent en marche. Juste avant de quitter la pièce qui lui avait servie de prison durant de si nombreuses années, Ace avisa un livre de contes, au sol, dont la couverture était rudement amochée. Il repensa à la reine Lady et…

— Merci, souffla-t-il à la pièce vide.

Ensuite, prisonnier et assassin, le deuxième soutenant le premier, traversèrent lentement la prison, remontèrent l’escalier et sortirent de la tour nord.