Elia attendait, vêtue de sa tenue de fille du peuple, songeant pour la millième fois au moins à quel point c’était stupide. Mais elle avait depuis longtemps apprit à reconnaître un menteur. En tant que princesse puis en tant que reine, c’était devenu une seconde nature chez elle. Le chat-garou ne mentait pas. Une autre tâche que celle de souveraine de Froidelande l’attendait.

Wildrom et les autres sauront bien gérer quelques temps sans moi.

Mais cette pensée ne la rassurait qu’à moitié. On lui avait toujours dit à quel point son futur rôle serait important. À quel point elle avait des responsabilités envers ceux qu’elle gouvernait. Partir maintenant, sur les dires d’un ménestrel inconnu, lui paraissait étrange et peu professionnelle. Cependant, d’un autre côté… n’avait-elle pas toujours rêvé d’aventures ? De danger ? De n’importe quoi d’autre que de cette vie cyclique et ennuyeuse où seules ses rares escapades valaient réellement la peine ? Même si sa façon de penser était enfantine, n’avait-elle pas le droit de cesser d’être l’adulte responsable qu’elle était depuis ses quatorze ans ?

Des bruits de pas sur sa gauche interrompirent ses pensées. Les paroles de Mistigri lui revinrent subitement en mémoire.

« Attendez dans le couloir de l’aile nord, au sixième étage. Viendrons à vous deux êtres qu’il vous faudra guider hors du château et accompagner dans leur lointain périple ».

Son cœur s’emballa. Les pas se rapprochèrent. Bientôt émergèrent de la pénombre deux silhouettes. Elle eut un temps d’arrêt en reconnaissant l’un des deux nouveaux venus : le bel inconnu de la ruelle. Cependant, il était cette fois vêtu de pied en cape de noir et soutenait la deuxième silhouette. Le second inconnu était également beau, dans la vingtaine, avec de longs cheveux blonds et habillé de lambeaux grisâtres. Ils s'arrêtèrent à quelques pas d’elle et la toisèrent. Les yeux du damoiseau de la ruelle s’écarquillèrent de stupeur.

— Toi ?

Elle lui sourit, ne pouvant réprimer un élan de joie.

— Nous devons quitter le château. Je ne sais pas trop ce qu’il se passe, mais apparemment c’est assez urgent.

— Mais…

— Je vous serai utile dans votre quête. Vous avez ma parole.

Tous trois se toisèrent un petit moment, avant que les deux elfes hochent imperceptiblement la tête, en signe d’assentiment.

Elia fit alors volte-face et les précéda dans les méandres du château.