Bouffée d'oxygène

7 minutes de lecture

Écho avança de quelques pas avant de sentir le frisson de la barrière de protection sur sa peau. Invisible, cette dernière datait probablement de la création de Blackmoore elle-même, et la vibration qu'elle produisait avait quelque chose de profondément ancien et fascinant.

Elle avança la main et la traversa sans difficulté. C'est à peine si l'air fut parcourut d'un imperceptible frisson. Elle s'y engagea finalement et franchit totalement la limite. Désormais, elle était en dehors des murs protecteurs de l'académie, et donc vulnérable.

Mais elle n'était pas effrayée : au contraire, elle se sentait alors plus vivante qu'elle ne l'avait été depuis bien longtemps.

Elle s'approcha de la falaise et se retourna pour contempler l'académie.

Blackmoore, il fallait bien le dire, était tout simplement magnifique. Le bâtiment, à mis chemin entre l'architecture gothique et romane, semblait calqué sur le modèle d'une immense cathédrale, étrangement composée de plusieurs ailes, mais les multiples tours et le cloché placé au centre finissait de l'en distingut.

L'immense rosace sur le flanc de l'aile principale miroitait sous la lumière de la lune. Positionnée de façon savante pour que le soleil à son zénith vienne frapper la majestueuse fontaine du hall, éclairant les lieux de reflets arc-en-ciel ; elle était l'élément le plus impressionnant du bâtiment et sans doute le préféré de la jeune femme.

Elle souria, se sentant chanceuse de pouvoir étudier dans un tel cadre.

Un courant d'air frais vint ébouriffer ses cheveux, et elle se retourna pour contempler la vue.

L'océan s'étendait à perte de vue. Elle s'avança à petit pas, prudente, pour se poster au bord de la falaise escarpée.

Les vagues venaient s'écraser contre la pierre, une centaine de mètres plus bas, dans un fracas distant.

Elle finit par reculer, gardant tout de même en mémoire la mise en garde d'Éden.

Elle hésita un instant. Deux possibilités s'offraient maintenant à elle : filer vers l'immense forêt sauvage qui se trouvaient à quelques kilomètres au nord de l'académie et où se trouvaient de vieilles ruines mystérieuses qu'il lui plaisaient à parcourir, ou suivre la falaise jusqu'au chemin rocailleux qui la mènerait à une magnifique crique isolée.

Songeant à son pressentiment, elle opta pour la seconde option. La forêt ne l'effrayait pas mais elle était plus susceptibles de renfermer des dangers, et la prudence était de mise.

De plus, la crique était un peu plus proche de Blackmoore, et il lui serait ainsi bien plus facile d'y retourner en cas de problème.

Elle s'étira avec délice, comme l'aurait fait un félin avant de partir en chasse.

L'adrénaline s'empara d'elle, son cœur battait et sa magie pulsait dans ses veines.

Elle en laissa délibérément échapper un peu et ses paumes s'éclairèrent d'une lueur violacée. Elle observa avec une joie enfantine une vague de magie se propager dans l'air, s'enroulant autour d'elle comme des volutes de fumée brillante, imperceptible pour l'oeil d'un non magicien.

Elle frissonna sous cette caresse et ôta son pull avant de le nouer autour de ses hanches.

Quand sa magie prenait le dessus d'une telle manière, ni le froid, ni la douleur n'avait plus d'impact.

Et c'était celà qui faisait d'elle une puissante magicienne, un véritable prodige depuis son enfance : les autres apprenaient à maîtriser la magie quand c'était la magie qui la contrôlait.

Elle passait ainsi une grande partie de se vie à se réfrenner, à atténuer son aura pour ne pas que celle-ci soit incommodante, à réprimer les puissantes pulsions qui s'emparaient parfois d'elle.

Alors, ces escapades nocturnes étaient bien plus que de simples aventures : elles étaient d'indispensables bouffées d'oxygène.

Elle leva la main et invoqua une boule de lumière, qui se mit à flotter devant elle. Un sort simple mais particulièrement utile : si les sorciers n'était pas tout à fait humains, ils partageait un certain nombre de leurs défauts : la mauvaise vision nocturne en faisait partie.

Elle se mit alors en marche d'un pas vigoureux.

Une trentaine de minutes lui suffiraient pour atteindre la crique. Le trajet aurait pû être plus rapide, mais elle se sentait si bien qu'elle voulait profiter du calme nocturne plus longtemps.

Blackmoore était l'endroit rêvé pour établir une académie de magie : isolée sur une falaise, dans un endroit déserté par les hommes qui le croyait maudis, ou hanté.

Il fallait dire que les mages s'en étaient occupés : un puissant sortilège s'étendait partout sur la lande et les rares êtres humains installés dans ce coin reculé du pays qui auraient eu la mauvaise idée de vouloir s'approcher des lieux aurait étés accueillis par une migraine si insupportable qu'ils auraient bien vite changés d'avis.

Un maléfice camouflait également l'académie à la vision de tout appareil ou être dépourvu de magie : une vision aérienne n'aurait rien dévoilé de plus que de vieilles ruines délabrées.

Un oiseau de nuit passa dans les airs avec un hululement, semblant saluer la jeune sorcière, qui y répondit d'un salut de la main.

Les chouettes et les hiboux n'étaient-ils pas censés être les familier par excellence des magiciens ?

Son professeur d'altération en avait d'ailleurs un en tant que familier, une magnifique harfang des neiges.

Il s'agissait là d'un des privilèges des magister : la possibilité de passer un pacte avec un animal en échange d'un important partage de magie.

Le processus était complexe et en partie inconnu de la jeune fille, mais le résultat en vallait la chandelle : tout magicien lié à un familier voyait apparemment ses possibilités en terme de magie accrues, en plus de gagner un compagnon pour la vie.

Il paraissait que le magicien et son familier partageaient un lien unique. Cela faisait partie des raisons qui poussaient Écho à vouloir devenir un magister, elle l'avouait volontiers.

Prise dans ses réflexions, Écho esquissa un sourire en voyant finalement se dessiner le petit chemin escarpé qui descendait vers la crique.

L'océan, particulièrement calme et apaisant, reflétait la pleine lune avec magnificience.

Écho hatta encore son pas, se mettant presque à courir. Elle n'avait aucune peur de trébucher : la magie rendait son pas agile et assuré.

Elle atteignit finalement la petite plage, enserrée de hauts murs de roches sombres.

Elle retira ses bottes et les laissa de côté, foulant le sable doux avec délice.

Elle s'approcha du bord jusqu'à ce que les vagues viennent lécher sa peau nue.

L'eau était froide mais elle n'en ressenti que la fraîcheur sans en expérimenter la morsure.

Elle resta ainsi un moment, les yeux clos à écouter le doux bruissement des vagues.

Elle finit par s'assoir, contemplant l'immensité de l'étendue d'eau devant elle.

Que pouvait bien abriter ses eaux noires en leur tréfonds ? Des créatures connectés au monde de la magie comme elle ? Sans doute, mais elle ne ressentais sur cette plage qu'un grand vide : il n'y avait ici rien de plus que des poissons et des coquillages.

D'un geste distrait, elle ramassa un ormeau et examina son intérieur de nacre, avant de le parcourir de son index.

Le coquillage brilla, comme éclairé de l'intérieur et sembla vibrer. Le nacre s'en détacha et vint former une grosse perle au centre de la coquille, plus large et colorée que celle d'une huitre.

La magicienne la receuillit et en observa les magnifiques reflets colorés. Elle glissa l'objet dans sa poche et rejetta la coquillage.

Elle s'allongea un moment dans le sable, fixant la voie lactée au dessus d'elle. La magie des astres la fascinait depuis longtemps. Figures mythologiques à l'origine, à la base des prédictions astrologiques dont les humains étaient si friands, sans pourtant en comprendre les éléments les plus basiques, les constellations avaient vu la création du monde et assisterais à sa destruction.

Elle plongea les doigts dans le sable, savourant l'énergie qui le parcourait. En lui, elle sentait une réminiscence de la pression de l'eau salée, du bruissement des nageoires, de la douceur des algues.

Elle se redressa et se dirigea vers l'océan.

Elle voulait essayer quelque chose qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps.

Elle fit disparaître la boule lumineuse qui flottait toujours à ses côtés et s'avança dans l'eau salée, sans prendre soin de protéger ses habits, qu'elle ferait sécher plus tard.

Elle plongea ses deux mains dans l'eau. Au bout de quelques instants, celle-ci se mit à luire, éclairée de l'intérieur comme par un soleil miniature. Les lueurs dorées se reflétaient sur sa peau, irradiant jusqu'à la plage.

Un banc de petits poissons argentés affluèrent, se faufilant entre ses jambes. Elle sourit, ravie.

Un étrange requin miniature, semblable à une petite rousette aux écailles multicolores et aux yeux dorés s'approcha même. Écho tendit la main et effleura sa peau rugueuse. La créature s'y frotta comme aurait le faire un chat, puis repartie comme elle était venue.

Écho finit par se redresser et s'étira. La lumière disparut subitement, et les diverses créatures aquatiques qu'elle avait attirées avec elle.

Mais Écho n'avait pas finit : ses expérimentations ne faisait que commencer. Les cours d'élémentalisme l'avait poussée à se questionner sur ses propres capacités et ce cadre était parfait pour tester sa maîtrise de l'hydromancie.

Elle plissa les yeux et se concentra sur l'eau qui clapotait autour d'elle.

Elle leva la main, les doigts crispés, et une bulle d'eau se forma et se mit à flotter devant elle, privée de gravité.

Elle la regarda briller sous la lumière lunaire et pinça les lèvres. La tâche suivante s'annonçait plus ardue.

Elle mit ses mains en coupe, et vint les placer sous la masse d'eau tremblotante.

Elle ferma les yeux et souffla profondément. Tâchant de faire abstraction du bruit des vagues s'écrasant sur la plage, elle se focalisa sur la matière, sur son intention.

Elle sentit sa magie opérer, fourmilant agréablement dans ses veines avant d'échauffer ses paumes.

Elle rouvrit les yeux, hésitante, et laissa la bulle retomber en flaque dans ses mains jointes. Elle observa le liquide avec perpléxité, sans y voir le moindre changement. Finalement, elle y trempa ses lèvres et pris une gorgée.

L'eau était douce. Elle avait réussi.

Elle poussa une exclamation de joie et envoya l'eau en l'air, qui retomba en gouttelettes sur son visage.

Elle s'ébroua joyeusement avant de se décider à regagner le bord.

Elle se retourna, pour se figer sur place.

Sur la plage, assis à quelques mètres d'elle, se découpait une silhouette plongée dans l'obscurité.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lioucan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0