Morsure

11 minutes de lecture

Écho ouvrit un oeil, puis l'autre. Le ciel au dessus de sa teinte se paraît d'une teinte rosée : l'aurore était là, déjà, et bientôt le soleil ferait son apparition dans le ciel.

Elle fixa le jour d'un oeil embuée, perdue. Elle tenta de se redresser mais ce mouvement lui provoqua une douleur indescriptible qui lui tira un grand gémissement.

Elle s'y repris alors avec précaution, procédant avec lenteur, et parvint finalement à s'assoir. La terre tournait autour d'elle et son esprit était embrumé. Elle porta une main à son front douloureux, cherchant à reprendre ses esprits.

Ses dernières heures semblaient s'être évaporées de sa mémoire, et il n'en demeurait qu'un brouillard épais et indissoluble.

Un nouveau mouvement engendra un élan de douleur indicible dans son cou, et elle y porta la main, la retirant poisseuse de sang à demi séché.

Elle regarda sa main tachée d'écarlate avec incompréhension, puis entrepris de tâter la zone douloureuse avec délicatesse pour trouver la plaie.

Ses doigts rencontrèrent soudain une irrégularité et elle étouffa un cri de douleur. Elle parcouru la blessure du bout des doigts en se mordant les lèvres pour ne pas hurler tant la piqure était forte.

C'était... Une morsure ?

Elle tenta de faire le point sur ses pensées sans y parvenir : son esprit était bien trop embrouillé.

La sensation d'un objet contre sa main attira son attention et elle le ramassa : il s'agissait d'une plante aux petites fleurs bleues violacées. Elle avait dû se trouver dans sa main alors qu'elle était inconsciente : la plante semblait un peu fannée et les minuscules pétales étaient froissés. Elle la glissa précieusement dans sa poche, étrangement perturbée.

Elle tenta de se calmer un instant, se concentrant sur sa respiration, et parvint à retrouver un semblant de calme.

Au prix d'un effort inhumain, elle parvint finalement à se mettre debout et manqua de tomber à la renverse, perdant l'équilibre dans le sable.

Elle était de retour sur la plage. Elle fixa l'océan avec incompréhension. Mais qu'avait-il pû lui arriver ?

Le trajet de retour vers l'académie fut simplement cauchemardesque.

Si la lueur du soleil matinal éclairait le chemin, son corps douloureux et engourdi et sa vision brouillée la firent trébucher de nombreuses fois, et elle dû puiser dans ses ressources de magie pour ne pas s'évanouir à cause de la souffrance.

Quand elle parvint finalement à l'académie, quasiment anéantie de fatigue, le soleil était déjà haut dans le ciel. Les étudiants n'allaient pas tarder à se lever.

En priant pour ne croiser personne, Écho se dirigea vers la porte dérobée par laquelle elle s'était esquivée la nuit dernière.

Il lui fallut un effort considérable pour lancer le sortilège qui ouvrit enfin la porte, la laissant haletante, pliée en deux de fatigue.

Elle se traina dans les couloirs plus qu'elle n'y marcha, et pris la décision de ne pas rejoindre sa chambre : il était hors de question qu' Eden la voit ainsi, elle préviendrait les magisters et Écho n'était pas prête à faire face à qui que ce soit.

Elle se dirigea donc vers la vieille tour, et vers le jardin secret.

Arrivée face à la lourde porte de bois, il lui fallut encore la déverrouiller et le sort, s'il lui était familier, était bien plus complexe. Elle manqua de s'effondrer mais y parvint en fin, au prix de ce qui lui restait d'énergie.

Finalement à l'abri, elle s'écroula dans la pile de coussin et perdit immédiatement connaissance.

Son second réveil, ce jour là, fut un peu moins inconfortable.

Elle ouvrit les yeux sur la lumière faiblissante du crépuscule et peina un moment à remettre de l'ordre dans sa mémoire.

Elle avait dormi toute la journée, et son corps était à peine moins douloureux.

Elle se redressa lentement, et entrepris de vérifier l'ensemble de son corps. Excepté cette horrible morsure au niveau du cou, elle semblait indemne, à part quelques bleus et coupures qu'elle s'était probablement fait en tombant alors qu'elle rentrait à l'académie.

Elle avait effectué ce trajet dans un état second, et l'ensemble des évènements de la matinée était encore complètement embrouillés dans sa tête. Pire encore, entre le moment où elle avait quitté la crique la nuit dernière et son réveil ce matin là, c'était l'obscurité totale.

Elle porta une main engourdie à son front et se déplaça sans se lever vers la marre.

Elle plongea ses mains dans l'eau pure et s'en aspergea le visage. Sa blessure au cou la lançait toujours beaucoup, et elle la nettoya du mieux qu'elle pouvait.

Elle ota son pull en étouffant un cri de douleur pour pouvoir observer la plaie dans son reflet.

La blessure semblait petite mais profonde, et définitivement pas d'origine animale. Mais pas humaine non plus.

Un frisson d'effroi remonta le long de son dos. Le fait d'avoir tout oublier de l'attaque qu'elle avait subit la terrifiait au plus au point.

Terriblement inquiète, elle approcha sa main de la blessure avant d'y appliquer la paume délicatement. Elle ferma les yeux et souffla longuement.

Elle tenta de faire appel à sa magie pour purger la plaie et refermer la chair, mais c'est à peine si celle-ci répondit.

Le visage tordu d'effroi, elle réitera sa tentive une deuxième fois, puis une troisième, sans succès.

Sa magie semblait comme endormie, repoussée au fond d'elle même.

Elle savait que ses ressources n'étaient pas inépuisables, mais c'était bien la première fois qu'elle se retrouvait coupée de ses pouvoirs d'une telle manière.

Cela dit, c'était également la première fois qu'elle se trouvait dans un état pareil.

Elle avait déjà été blessée, et de multiples fois, souvent à cause de son imprudence : empoisonnée à la belladone à 7 ans, mordue par un griffon à 10, deux côtes brisées à 15 ans quand elle était tombée dans un ancien puits, et bien plus encore...

Elle s'était toujours remise de ces maux, qui restaient le plus souvent sans gravité, mais la douleur qu'elle ressentait aujourd'hui était d'un autre acabit.

Résolue à devoir se débrouiller sans magie, elle alla ceuillir des plantes médicinales pour fabriquer une décoction.

Du basilic et de la lavande, pour leurs propriétés désinfectantes, de la centella asiatica et du souci officinal pour la cicatrisation.

Elle n'était pas experte dans le domaine de la magie de guérison, mais ce genre de remèdes étaient utilisés par les sorcières depuis la nuit des temps.

Elle écrasa le tout dans un mortier d'onyx puis alla chercher une feuille d'aloé verra, qu'elle incisa pour en extraire la pulpe et l'ajouter au mélange.

Elle avait au moins eu le bon sens de venir se réfugier dans le jardin : avec le temps, elles avaient accumulées une belle collection de plantes médicinales, en grande partie sur l'insistance d'Eden qui était fascinée par ces techniques ancestrales de guérison.

Les étudiants disposaient par ailleurs de leur propre (et immense) jardin, et l'on y trouvait de tout, mais les deux amies s'étaient mises en tête de faire pousser leurs propres ingrédients en copiant à une échelle réduite le système mis en place par l'académie. Les plantes étaient ainsi non seulement de très bonne qualité, mais également disponibles à volonté : bien pratique pour faire des préparations en toute liberté...

Une fois le mélange homogène, elle l'applica sur la plaie généreusement avant de la recouvrir d'une feuille de murier.

Elle utilisa ce qu'il restait pour l'appliquer sur ses coupures et ses bleus.

Lorsqu'elle eut terminé, le soleil s'était couché et la lune avait fait son apparition dans le ciel.

Les lanternes ensorcelées s'étaient allumées un peu partout dans le petit jardin, et les grosses fleurs aux pétales transclucides qui flottaient à la surface de l'eau, assez semblables à des nénuphars, s'étaient mis à diffuser une douce lumière rose.

Écho soupira et alla s'asseoir dans la chaise à bascule. Elle se saisit de son pull dont le tissus imbibé de sang avait pris une raideur de carton en séchant.

Comment avait-elle pû perdre autant de sang ?

Si elle été parvenue à retrouver son calme, sa crainte était toujours présente et les questions tournaient en boucle dans sa tête.

Qu'elle était la créature qui avait bien pû l'attaquer ? Et pourquoi la blesser d'une telle manière si c'était pour finalement la laisser en vie ?

Elle avait beau essayer de repousser cette idée, elle ne pouvait s'empêcher de penser à l'avertissement de l'archi-mage au sujet des classes nocturnes.

Une idée tournait encore et toujours dans son esprit, un nom qu'elle ne parvenait pas à saisir et qui continuait encore et toujours de lui échapper.

Cette morsure...

Si elle n'avait pas pû l'observer minutieusement, Écho savait pertinemment qu'elle avait quelque chose d'étrange. De néfaste et terrifiant.

Soudain, un détail lui revint et elle porta la main à sa poche, pour en extraire la plante. Ses pétales étaient encore plus abimés désormais et sa tige tordue tristement.

Écho se mordit la lèvre et referma ses mains en coupe autour de la fleur. Priant pour que sa magie réponde, elle la concentra de toute ses forces, le front plissé et les mains tremblantes. Une faible lueur violacée s'échappa finalement de ses mains jointes et elle constata avec un sourire que la plante était à nouveau fraîche et ses couleurs éclatantes. Désormais, elle demeurerait ainsi, figée dans cette illusoire beauté éternelle.

Elle l'approcha d'une des lanternes et l'observa sous toutes les coutures.

Désormais elle ne pouvait l'ignorer : il s'agissait d'un myosotis, un forget me not .

Elle fronça les sourcils et seccoua la tête, agacée. Cela n'avait pas le moindre sens.

Une immense fatigue s'empara d'elle. Malgré sa journée de repos, elle était lasse.

Son corps était douloureux, son esprit épuisé d'incompréhension.

Se laissant glisser au sol, elle se recroquevilla au milieu des coussins moelleux et ferma les yeux, avant de sombrer dans un sommeil sans rêve.

Écho se réveilla en sursaut aux alentours de trois heures du matin.

Elle se redressa péniblement se surprenant à grelotter dans l'air nocturne. Magré la bulle de protection magique qui assurait un air tempéré aux plantes et aux poissons, elle se sentait glacée, et ses dents claquaient.

Une pensée lui vint au même moment : Eden devait être morte d'inquiétude.

S'il arrivait parfois à Écho de s'absenter plusieurs nuits consécutives, la chose était très rare, et Eden devait se faire un sang d'encre en ce moment même.

Son corps semblait s'être un peu remis, et elle décida donc de retourner aux dortoirs afin de retrouver le confort et la chaleur de son lit et de rassurer son amie.

Fort heureusement, la tour était proche des dortoirs, mais elle se rapella au dernier moment de l'interdiction de l'archi-mage de se promener dans les couloirs pendant la nuit et hésita avant de pousser la porte.

Elle entrouvrit finalement cette dernière et jetta un œil à droite et à gauche, avant de s'y engager. Elle traversa aussi rapidement qu'elle le pouvait les encablures qui la séparait des dortoirs. Les alentours de la vieille tour, fort heureusement, était toujours désertés par les étudiants : l'académie était grande et lumineuse, la plupart des gens n'avaient que faire de ces vieux couloirs lugubres et austères.

Arrivée devant la porte close du dortoir, elle en activa la serrure avec une difficulté qui la surpris désagréablement, prennant de longues minutes à parvenir à déverrouiller le loquet, pui y pénétra finalement, prête à retrouver sa chambre.

Elle dévérouilla la porte sans frapper et fut surpise par Eden qui se jetta à son cou dès son entrée dans la pièce.

Écho réprima avec peine un grognement de douleur, ne pouvant retenir une grimace que son amie qui l'enlacait ne surpris pas.

« Idiote ! Est-ce que tu as la moindre idée d'à quel point tu m'a fait peur !? la sermona-t'elle d'une voix qui ne pouvait cacher son soulagement.

Écho la repoussa délicatement et pris soin de réajuster son col, tâchant de camoufler sa blessure.

« Je suis vraiment désolée Eden, j'aurais dû rentrer plus tôt. Tout va bien, ne t'inquiètes pas, répondit-elle en s'asseyant sur son lit.

Eden poussa un grand soupir avant de se glisser à nouveau sous ses propres draps, qu'elle avait visiblement quittés précipitemment en entendant son amie entrer.

« Si tu n'étais toujours pas rentrée demain matin j'aurai prévenu l'archi-mage, la gronda-t'elle avec un air de reproche.

Écho lui lança un sourire d'apaisement.

« Ouais je sais, j'ai dépassé les bornes. Je te raconterai ça demain d'accord ? Là je suis tout simplement épuisée.

Eden soupira et hôcha la tête. Elle avait sûrement veillée elle même une grande partie de la nuit. Elle éteignit l'orbe qui brillait au plafond d'un claquement de doigt et sembla s'endormir sitôt recouchée. La pauvre avait dû l'attendre jusqu'à l'épuisement.

Écho soupira et retira ses vêtements dans la pénombre avant d'enfiler un tee-shirt ample et de se glisser dans le lit.

Elle ne ferma pas l'oeil du reste de la nuit, se tournant et se retournant sans trouver le sommeil.

Le lendemain, alors que leur premier cours avait lieu, elle dit à Eden de s'y rendre sans elle, prétendant avoir besoin de repos. Dès que son amie eut quitté la chambre, elle se leva, les jambes encore un peu tremblantes, et se dirigea vers le grand miroir disposé dans un coin de la chambre.

Son air fatigué la frappa immédiatement. Ses yeux semblaient enfoncés dans ses orbites et sa peau était pâle, parcourue de fines veines bleutées autour des yeux et au niveau des tempes. Ses lèvres étaient craquelées et sèches. Elle grimaça devant ce portrait peu réjouissant, puis dégagea son cou.

La feuille de murier avait tenue bon et le remède semblait toujours en place.

Se saisissant d'un linge propre dans ses affaires, elle découvrit la plaie et enleva délicatement la mixture la recouvrant.

«... Quoi ?

Surprise, la jeune magicienne se raprocha encore du miroir.

La plaie, si elle avait désormais désenflé, était d'aspect particulièrement singulière.

De la marque sur son cou auparavant composée de deux marques en demi lune laissées par la mâchoire de son attaquant, il ne subsistait plus que deux trous dans la chair, d'aspect particulièrement sombre, comme si le sang coagulé avait noircit. Elle les effleura du doigt. Si la douleur avait grandement diminuée, la blessure restait très sensible et elle lui arracha un gémissement.

Elle se rendit dans la salle de bain attenante (privilège de major de promo, la majeure partie des étudiants devaient se contenter des douches et des toilettes communes, fort heureusement tout aussi belles et confortables que le reste de l'académie) et se fit couleur un bain dans la grande vasque taillée dans le quartz rose.

Si Écho ne portait dans son coeur ni les privilèges ni le luxe ostentatoire, il lui fallait bien avouer que cette magnifique salle de bain avait une place particulière dans son coeur, avec ses murs de marbre noir, ses plantes tropicales et son lustre de cristaux chatoyants.

Elle délassa son corps dans l'eau chaude pendant de longues minutes, profitant de la chaleur sur sa peau glacée, frottant sa peau jusqu'à la faire rougir, espérant pouvoir effacer sa peur et son malaise en même temps que les traces de sang.

Utilisant un onguent à vertues curatives trouvé sur le bureau d'Eden, elle se fabriqua un pansement discret qu'elle appliqua sur son cou avant de revêtir son uniforme, ajustant son col et le refermant du ruban rouge sombre qu'elle délaissant généralement.

Elle constata avec soulagement que le pansement était invisible puis arrangea ses cheveux autour de ses épaules dans une tentative vaine de les discipliner.

Si elle avait toujours l'air épuisée, au moins était-elle propre.

Ses autres blessures, avait heureusement disparues grâce à l'efficacité de la mixture préparée la veille.

Écho regarda un instant le myosotis posé sur sa table de chevet, avant de se saisir d'un vieil écrin à bijoux qu'elle vida avant d'y placer la fleur, qu'elle glissa ensuite dans sa poche.

Elle n'avait pas encore eu le temps de faire le point sur ses émotions, il allait lui falloir du temps pour réfléchir à tout ce qui lui était arrivé.

Une chose était sûre cependant : elle ne voulait en aucun cas que son oncle ne soit au courant de son imprudent.

Pour le moment, elle était bien décidée à trouver la solution seule.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lioucan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0