Le rêve de Galilée
L'enfant regardait par la fenêtre.
- Galilée, tu vas te coucher s'il te plaît ?
Mais de fait, Galilée restait là, à regarder par la fenêtre.
- Galilée, va te coucher ! C'est la dernière fois que je te le dis.
Galilée se sépara de ses amies inséparables : les étoiles, et alla se coucher.
Le volet de sa chambre se ferma, comme par enchantement, l'enfant ne voyait plus ses amies, mais il savait, il en était sûr, que cela ne les empêchait pas d'être là quand même.
Il se coucha, puis attendit. Il attendit, comme il le faisait tous les soirs depuis qu'il était né. Il attendit, mais rien ne vint. Non, ce soir non plus, sa mère ne viendrait pas lui faire un bisou sur la joue. Il fallait qu'il se rende à l'évidence : elle ne viendrait jamais, mais il ne voulait, il n'osait y croire. Ce n'était tout simplement pas possible et pensa que lui, ce qu'il voyait là, présentement, c'était un volet fermé, mais que derrière, se cachaient ses amies et un monde de toute beauté.
Malgré tout, malgré cette certitude qui l'aidait à survivre dans cette mer mouvementée, son visage se baigna de larmes. Alors il étouffa ses sanglots dans son oreiller et comme tous les soirs, il le souleva et trouva le carré de chocolat que sa grand-mère déposait là, délicatement, pour, dans un geste tacite, le réconforter. Dans son fors intérieur, une petite lumière s'alluma. Il mangea le chocolat et s'endormit avec son ours en peluche dans les bras.
Ses rêves furent agités, il se voyait en haut d'une montagne et le monde se créait sous ses yeux, il était seul et tout allait très vite. Il ne savait pas très bien dans quel sens considérer tout ça, ni quel était son rôle exact, sa juste place dans l'affaire. Il se voyait et il voyait tout, tout se déroulait sous ses yeux, et ses amies étaient là aussi.
Il se réveilla, se leva, alla en cours. En cours de biologie, il se surprit à se gratter la jambe, bah tout ce que le professeur lui expliquait, il le savait déjà. Sous ses doigts, ses cellules se mirent en émoi :
-Eh ! T'entends ça, on parle de nous à la radio ! Tu crois que c'est vrai tout ce qu'on raconte, qu'on forme un système appelé « Corps » ?
- Bah mais non, le Corps n'existe pas enfin, c'est du n'importe quoi .
- Galilée, vous écoutez ?
- ……………………...
- Galilée, vous écoutez ?
- Oui, Monsieur !
Galilée accomplit sa journée, l'école, les exercices, les « oui, Madame », les « oui, Monsieur », et au fond de lui, il gardait ses amies à l'esprit.
Un soir, en rentrant, surprise.
Là, il ne s'y attendait pas.
Sa mère était devant la fenêtre, avec un gros paquet enveloppé d'un papier brillant.
- Tiens, mon chéri, c'est pour ton anniversaire, je pense que cela te fera plaisir. Allez, je te laisse avec ton cadeau, demain il n'y a pas école.
Et elle l'embrassa sur la joue.
Tellement habitué à ce que tout le monde oubliait son anniversaire, il avait oublié lui-même que c'était son anniversaire.
Perplexe face à la situation, il ouvrit son paquet.
A grand peine. Mais il y parvint. Et là, majestueux, rutilant, se tenait … un télescope !
Il le pointa vers ses amies entre doute et confiance, il tarda à les trouver, il avait du mal à manier cet objet, mais elles étaient là, bel et bien là, exactement comme il les avait imaginées.
Il les contempla pendant longtemps, longtemps, puis alla se coucher, heureux. Il trouva le carré de chocolat sous l'oreiller, repensa encore au baiser de sa mère, puis s'endormit.
Cette nuit-là, il rêva encore du monde qui était en train de se créer sous ses yeux et il vit ses amies qui lui racontèrent que bientôt, très vite, elles et lui allaient devoir se séparer, mais que voilà, c'était comme ça, c'était leur mission, tout le monde en a une dans la grande respiration de l'univers, mais que c'était pour mieux se retrouver plus tard, après avoir fait ce que chacun et chacune ont à faire.
- Dans ce cas, tu t'inquiètes pas surtout, hein, c'est pas grave, on va, on revient. Mais on est là quand même, hein, tu m'entends ? Tu m'entends ?
Galilée s'éveilla. Il se sentit respirer.
Il ne se souvint pas de son rêve, toutefois en ouvrant les yeux, il eut une pensée, fugace mais bien ancrée, celle que quelque chose d'un peu diffus l'accompagnait à chaque instant. Cette pensée le fit rire et elle l'aida à trouver le courage de se lever.
Il ouvrit le volet, ses amies n'étaient pas là, mais il savait, il l'avait appris à l'école -comme quoi ça sert l'école finalement-, que même pas là, elles étaient là quand même, et fort de cette certitude, il se prépara, regarda avec fierté son télescope et sortit faire ce qu'il avait à faire.
Pendant ce temps, les étoiles au ciel sourirent en se disant qu'un jour, Galilée pointerait vers elles son télescope et se souviendrait de son rêve.
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