Chapitre 1
Des dealers. Voilà ce sur quoi enquêtait l’inspectrice Marlène Molinier. Au commissariat central de Toulouse, c’était à chaque fois la même rengaine avec des adolescents qui cherchaient toujours à imiter des racailles de banlieues ou, tout simplement, qui ne voyaient pas l’inconvénient de fumer un joint à la sortie des cours. Le jeune homme qu’elle avait en face de lui avait une quinzaine d’années, vêtu d’un survêtement Adidas et qui se frottait nerveusement les mains. Marlène lui présenta dans sa main le sachet d’herbes que ses collègues de la BAC avaient récupéré.
- Mais t’as quel âge pour fumer des pétards à la sortie du collège ? Tes parents sont au courant ? Demanda-t-elle
- Non, bougonna l’ado
- Et ça t’amuse de revenir ici toute les semaines pour voir mes collègues qui t’attrapent avec toujours la même came dans ta poche, t’en as pas marre de venir ici ?
- Qu’est-ce que j’en ai à foutre de ça, râla-t-il. De toute façon, peu importe où vous me contrôlez vous arriverez toujours à vous démerder pour me foutre en gardav’.
- Ouais, ben si tu n’en avais pas, tu serais probablement chez toi à jouer aux jeux vidéo ou à faire tes devoirs. Non, mais tu te rends compte qu’à quinze ans t’as déjà un gros casier judiciaire ? C’est quoi ton but ?
- Vous n'êtes pas ma mère.
- C’est vrai, mais j’en ai marre de te voir toujours traîner ici. T’as quinze ans, merde. Continues comme ça à fréquenter d’autres racailles et tu verras ce qui finira par t’arriver un jour ! Là, t’as de la chance, tu passeras chez un juge pour enfant.
- Si ça peut vous amuser...répondit-il en roulant des yeux
- Arrête de faire ton rebelle ! Haussa Marlène, t’as envie de finir comme tes frères qui dealent et où un jour, on finit par les retrouver mort d’une balle dans la tête ? T’as envie de finir comme ça ?
- Ca ne m’arrivera pas parce que je connais des gens.
- C’est ce qu’ils m’ont tous dit en venant ici, répliqua la policière avant de laisser la place à son collègue.
Elle enfila son blouson en cuir, puis sortit dans le couloir. Elle n’aimait pas voir ces jeunes traîner avec des sales types dans certains quartiers de la ville, elle comprenait qu’ils étaient en pleine crise d’adolescence, mais cela commençait à l’énerver de les faire partir avec une simple tape sur les doits. Un de ses collègues l’interpella, puis l’accompagna voir le commissaire Hervé Richet. Le commissaire était un homme plutôt grand, le crâne dégarni et portait des lunettes. Il fit un petit sourire à l’inspectrice et commença.
- J’ai reçu un appel tout à l’heure du procureur de Tarbes. Ils ont trouvé un corps avec un bras en moins du côté de Lannemezan. Regarde les photos, lui dit l’homme en lui tendant les clichés.
Le corps était celui d’une jeune femme d’une vingtaine d’années, blonde, avec les vêtements du haut arrachés. Le corps était dans une forêt. C’était le bras gauche qui avait été coupé, la plaie ne saignait pas du tout. Le meurtrier avait probablement planté le couteau dans le coeur de sa victime, mais il n’y était plus.
- C’est très propre comme méthode, déclara Marlène en lui repassant les photos.
- Oui, c’est sûr. Les gendarmes avaient déclarés la disparition de cette jeune fille, Sarah Larrieu, après que ses parents soient venus les voir un dimanche matin pour signaler que leur fille n’était toujours pas rentrée à la maison.
- On a plus d’informations ?
- Vous allez travailler avec la section de recherche pour ça, et ils vont vous en donner des infos.
- C’est quand même très curieux de voir un corps comme celui-là avec seulement un bras en moins.
-Je trouve aussi.
Le lendemain matin, Marlène partit de bonne heure à Lannemezan. Elle prit tout de suite l’autoroute A64 en direction des Pyrénées enneigées. Le levé du soleil donnait l’impression d’un manteau doré sur les montagnes. A son arrivée à Lannemezan, elle fut surprise par le froid et enfila sa paire de gants en cuir pour partir à la rencontre des gendarmes qui la laissèrent passer sur la scène du crime dans la forêt. Un capitaine de la Section de Recherche se présenta auprès de Molinier comme étant le sergent Laurent Agostini. C’était un homme de forte carrure qui plu physiquement à la policière. Visiblement, il semblait faire du rugby. Il lui montra le corps de la jeune femme.
- On va sortir son corps cet après-midi de la forêt pour l’emmener à l’institut médico-légal de Toulouse, expliqua-t-il
- On a quoi comme indice ? Demanda la jeune femme en se recoiffant.
- Juste des traces de pas, et dans le voisinage, ils ont dit avoir repéré une BMW récente rouler très rapidement sur ces routes. C’est tout ce qu’on a.
- Ils n'ont pas eu le temps de relever la plaque ?
- Non
- Et le bras n’a pas encore été retrouvé ?
- Non plus.
Marlène échangea ses gants en cuir contre une paire de gants en latex puis s’agenouilla du mieux qu’elle pouvait au-dessus des traces de pas qui avaient retournés les feuilles retournées. Il y avait deux traces de pas, l’une devait correspondre aux chaussures de la victime qui étaient des bottines à talon et les autres semblaient être des chaussures de ville. La policière regarda dans les alentours, puis le gendarme intervint.
- J’ai consulté les avis de recherches de personnes disparues ces dernières semaines dans la région, et même dans les régions voisines de l’Occitanie. On ne les a toujours pas retrouvées.
- Merde. Elles ont quel âge, à peu près ?
- De tout âge et des deux sexes. Je ne sais même pas si on peut parler d’un tueur en série ou si ces disparitions ne sont qu’une coïncidence.
- Et avant cette jeune fille, c’était qui la précédente victime ?
- Un homme de quarante-quatre ans, maçon et père de famille disparu non loin de Bergerac.
- Bon, je pense que ce qui paraît évident à l’heure actuelle, c’est qu’il ne s’agit pas d’un suicide. Vous avez pu voir les parents de Sarah ?
- Ouais, je les ai vus hier et ils m’ont dit que samedi, elle était parti en boîte avec ses copines. Elle avait pris sa propre voiture et elles se sont retrouvées directement là-bas.
- Il va falloir qu’on aille les interroger et la voiture était au parking de la boîte ? C’est quoi le nom de cette boîte d’ailleurs ?
- Le Space Star, à Capvern. Ce n'est pas loin d’ici. Mais ne cherchez pas ses parents ici, ils habitent vers Saint-Gaudens, c’est dans votre département.
- Et c’est quoi sa voiture ?
- Une Suzuki Swift grise de 2013, mais ça sert à rien que vous la cherchiez là-bas. La voiture a disparu.
- Ce n'est pas vrai ça ! Vous avez commencé à la chercher ?
- Ouais, on a envoyé des avis de recherches en Occitanie, en Nouvelle-Aquitaine et aussi de l’autre côté de la frontière.
Marlène remercia le gendarme, puis reprit le volant pour s’en aller au Space Star.
Annotations
Versions