Chapitre 4
Agostini l’accueillit chaleureusement dans son bureau dans la gendarmerie et prépara des tasses de café pour discuter. Il avait travaillé sur la recherche de la Suzuki de la victime et une réponse à l’avis de recherche avait localisé le véhicule en Aveyron. La voiture avait été retrouvée intacte sur une place d’un parking de supérette à son ouverture dans un petit village non loin de Millau. Les gendarmes n'avaient rien découvert de particulier. La voiture serait transférée plus tard dans la journée dans un hangar d’expertise judiciaire à Toulouse. Agostini et Molinier furent conviés à venir examiner le véhicule.
Sur le trajet pour se rendre à Toulouse, Marlène raconta l’altercation de la matinée et Laurent ricana. Il se rendait compte qu’il appréciait beaucoup cette jeune femme qui paraissait au premier abord froid, mais dans le fond, c’était une personne forte et sympathique. Parfois, il se surprenait à regarder son visage de profil, ce qui interpella la policière qui se tourna et qui plongea ses yeux bleus dans ceux du gendarme. C’était le genre de femme qu’il aimait. Grande, sportive, jolie, élégamment vêtue.
Ils arrivèrent vers dix-sept heures, en même temps que le camion transportant la citadine. En attendant le déchargement, ils se présentèrent auprès du photographe et de l’expert qui se chargea de vérifier si tout allait bien. La police scientifique était présente également, prête à faire du relevage d’indice.
Marlène eut un flash dans sa tête imaginant le tueur et la victime à l’avant de la voiture. C’était une vision brutale qui la tétanisa. Tout comme Laurent, elle enfila une paire de gants en latex pour toucher les sièges et observa minutieusement le poste de conduite et la banquette arrière. Laurent s’occupa du coffre. Tout allait bien. L’expert en profita également pour examiner le moteur qui n’avait aucune avarie technique. Les policiers scientifiques enlevèrent tout le contenu présent dans la boîte à gants et dans les vide-poches. Ils avaient trouvé plusieurs mèches de cheveux collés sur l’appui-tête, de différentes longueurs et de couleurs. L’intérieur n’avait même pas été nettoyé. La présence de ces cheveux ne voulait rien dire. L’habitacle ne contenait rien qui paraissait suspect. L’analyse dirait clairement à qui appartiendrait les mèches présentes. Rien n’avait été forcé. La seule chose qui manquait, c’étaient les clés.
Le téléphone d’Agostini se mit à sonner, l’homme sortit du hangar puis revint quelques instants plus tard. Un nouveau corps venait d’être découvert dans la région de Perpignan. Le corps était décrit comme celui d’un homme, mais avec la tête en moins et toujours avec cette même précision chirurgicale pour la découpe.
Marlène fronça les sourcils. C’était très bizarre. Ils prirent la route pour se rendre sur les lieux du crime, à près de deux cents kilomètres de Toulouse. La nuit venait de tomber. En arrivant sur la scène, ils virent le corps de cet homme, les bras en croix sur un sol rocailleux et portant des habits de randonneurs. Au vu du visage, ça devait être un jeune homme d’une vingtaine ou peut être d’une trentaine d’années. Marlène essaya de relever le moindre indice visuellement, puis se mit à fouiller les poches du pantalon. Le tueur avait laissé le porte-feuille de sa victime encore dans sa poche, mais à l’intérieur, il n’y avait aucun élément d’identité si ce n’était qu’une carte bancaire au nom d’Arthur Rocard.
Agostini se rapprocha de la policière puis lui dit.
- Je pense que ça a dû déjà vous sauter aux yeux, mais on ne peut pas faire un profil type des victimes de ce meurtrier. Il a l’air de s’en prendre à n’importe qui gratuitement.
- Le seul point commun qu’on peut relever, c’est simplement des meurtres qui se sont fait pas loin de zones montagneuses, dit Marlène tout en fixant la tête absente du corps. Celui de Bergerac, c’est quoi qui lui manquait ?
- Les mains. Elles ont été coupées aussi de manières très similaires.
- Ce qui est étrange, c’est ce que chaque corps à un membre en moins. Je pense qu’on est en train de s’engager dans une véritable course contre-la-montre.
- Oui, mais pour le moment nous n'avons aucun indice, il va falloir attendre ce que vont donner les résultats des mèches et aussi du téléphone portable avant de nous faire une idée, répliqua Agostini.
Le service d’identification criminelle de la gendarmerie des Pyrénées-Orientales emporta le corps mutilé. Marlène regarda les hommes rentrer le sac mortuaire à l’arrière d’un fourgon puis partir. La jeune fit signe à Laurent pour rejoindre leur voiture quand un homme d’une cinquantaine d’années les interpella. L’homme portait une doudoune de randonnée et avait une paire de lunettes carrées.
- Je m’appelle Philippe Trujillo, se présenta-t-il en serrant la main des enquêteurs. Je pense pouvoir vous aider. Je suis journaliste pour l’Echo Catalan.
- Vous avez déjà eu une affaire similaire dans la région ? Demanda Agostini d’un air soupçonneux
- Je pense que je ne fais qu’enfoncer une porte ouverte en vous disant qu’il s’agit de l’oeuvre d’un tueur en série. Mais si vous voulez en savoir plus, suivez-moi, dit-il en regagnant sa voiture.
Ils suivirent cet homme qui semblait si sûr de lui. Tous les deux espéraient que ce contre-temps en valait la chandelle et que ce n’était pas un énième type se prenant pour un policier. Marlène n’avait pas l’impression qu’il allait les entourlouper, elle était curieuse de savoir ce qu’il voulait. Philippe vivait dans un appartement de Collioure, sur le port. Il leur proposa des boissons en attendant de faire projeter sur un mur des coupures d’articles de journaux sur la présence d’un tueur en série. Chaque coupure avait une date avec l’année de parution de l’article. Ce n’était pas la première fois qu’une telle chose arrivait, c’était d’ailleurs le même mode opératoire.
- 1986, une jeune femme de 18 ans retrouvée les mains tranchées sur une plage à Biarritz ; La même année, trois autres corps démembrés sont trouvés pas loin de Montpellier. 1991, on retrouve cette fois la même chose en Bretagne ; 1993, même fait en Belgique et ça ne fait que continuer à des années complètement aléatoires, expliqua Trujillo
- Vous essayez de mener une enquête parallèle ? Demanda Molinier en se recoiffant
- Vous n’êtes pas les premiers flics que j’essaie d’aider, se défendit Trujillo. Moi aussi, je trouve ça très intrigant comme enquête, car soit c’est le même homme qui agit comme ça depuis plus de trente ans, soient ils sont plusieurs à s’inspirer des uns des autres. À chaque fois, on a failli arriver à trouver une piste fiable et puis... plus rien.
- C’est gentil de vouloir nous aider, monsieur, mais on a besoin de pistes fiables ! S’énerva Agostini, ne nous faite pas perdre du temps avec simplement un recueil d’articles de presse.
- Laurent ! Siffla Marlène
- Monsieur Agostini, vous auriez eu ce réflexe de regarder dans le passé ces faits divers que je vous ai présentés ? Je ne crois pas. Et si vous avez des doutes sur moi, sachez que j’ai déjà aidé de vos collègues partout en France, mais aussi en Suisse et en Belgique à résoudre des crimes.
- Vous vous rappelez de ce qui a été dit dans les rapports de police à ce moment ?
- On ne sait pas du tout qui est ce gars-là. Par contre, la jeune fille Basque, elle, il y a des soupçons que ça soit un crime passionnel. On a jamais retrouvé son mec.
- En voilà une bonne piste ! S’exclama Agostini, vous savez si les parents de cette jeune fille sont encore en vie ?
- Le mari est mort, il n’y a pas longtemps, son épouse est encore en vie et elle est dans un EHPAD en Gironde. J’ai son adresse, si vous voulez.
Marlène parvint à récupérer l’adresse. Les deux enquêteurs remercièrent Trujillo puis quittèrent Collioure pour se rendre à l’adresse indiquée.
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