Chapitre 1 - Sia
― Sia ! Ouvre les yeux, Sia !
― Bon sang... On n'a pas que ça à foutre... Pourquoi elle ne se réveille pas ?
― C'est étrange de s'évanouir maintenant, tout de même...
― C'est vrai qu'elle avait l'air parfaitement remise ! C'est elle qui a insisté pour préparer un repas, soi-disant qu'elle devait manger pour reprendre des forces...
― Oui... En plus c'est à peine si son front est rouge, à présent. Quand le sang ne coule plus du tout, c'est forcément que ça va mieux, non ?
Toutes ces voix inconnues s'entremêlaient pour former une cacophonie qui me vrillait le cerveau, et je peinais à démêler le sens des mots. J'avais juste envie qu'ils la ferment, pour pouvoir me rendormir. Ma tête pulsait désagréablement, et mes paupières me semblaient peser bien trop lourd pour que je réussisse à les soulever. Impossible de rassembler suffisamment mes esprits pour m'exprimer de façon claire, pas même pour demander qu'on me foute la paix. J'essayais pourtant !
― Elle a bougé !
― Hein ? je n'ai rien vu, moi...
― Si, je te dis qu'elle a bougé ! Elle a froncé les sourcils, j'en suis sûre !
Une main douce vint se poser sur mon front. Elle glissa le long de ma tempe pour finir par empaumer ma joue, laissant trainer son pouce sur mes lèvres, qu'elle caressa.
― Sia, ma douce... Je sais que tu nous entends. Allez, ouvre tes yeux ma belle...
Les tonalités harmonieuses de cette voix grave et profonde m'étaient familières. Aussi familières que l'odeur des doigts qui effleuraient mon visage. Ces senteurs à la fois légèrement citronnées et musquées, je les connaissais. Elles me chantaient au cœur « Réconfort, chaleur, amour... », elles me disaient le Lien. Je n'avais pas besoin de plus pour y réagir, et spontanément, j'enfouis plus profondément mon visage dans ce contact et ce parfum, entrouvrant mes lèvres pour respirer plus à l'aise. Le pouce glissa jusqu'à toucher ma langue, et je goûtais alors sa peau. Un bruissement régulier s'éleva, dont les vibrations contribuèrent à apaiser ma douleur.
― J'y crois pas ! elle ronronne ? émit une voix qui montait désagréablement dans les aigus.
J'en sifflai de mécontentement, brutalement sortie de mon petit nuage de sensations plaisantes, et entrouvris les yeux.
Trois personnes me faisaient face, deux femmes et un jeune garçon. La voix familière appartenait à l'homme qui me tenait contre lui, et caressait toujours ma joue et mes lèvres.
J'ouvris un peu plus la bouche, juste assez pour libérer son pouce et lâcher le « La ferme ! » que j'avais sur le cœur, provoquant un regard outré de l'une des femmes, l'autre restant impassible. Le garçon semblait plutôt amusé par la scène. « Grand bien lui fasse ! Et merde aux deux autres » pensai-je, avant de me caler plus confortablement dans les bras familiers qui m'enserraient. Je sentis le léger rire qui secouait l'homme, et en face, le regard outré de la femme se transforma en moue de complète désapprobation.
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