Chapitre 3 — Entre la foi et le désir

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Le dimanche suivant, j’étais à l’église avec ma famille.

Chemise bien repassée, Bible en main, sourire en place.

Je chantais, je priais. Tout semblait normal.

Mais au fond de moi, tout brûlait.

Le pasteur prêchait avec ferveur. Il parlait du péché, de la pureté, du mariage comme une institution divine. À un moment, sa voix s’est durcie. Il a évoqué les « déviances modernes », le « poison occidental », et ces « hommes qui se détournent de la nature créée par Dieu ».

Ma gorge s’est serrée.

Ma mère, à côté de moi, a hoché la tête en murmurant “Amen”. Ma petite sœur prenait des notes. Moi, j’avais envie de disparaître.

J’ai fermé les yeux. Inspiré. Expiré. Tenté de faire taire les pensées qui me hantaient. Mais elles revenaient. Toujours.

Adrien.

Son sourire discret.

Sa voix grave.

Le léger frôlement de sa main, vendredi dernier.

J’ai prié en silence, encore. Mais c’était comme si mes mots cognaient contre un plafond invisible.

Pardonne-moi, ai-je murmuré.

Ce soir-là, de retour au foyer, je n’avais pas faim. J’ai relu mes cours machinalement. Puis j’ai tiré une boîte en carton de sous mon lit. À l’intérieur : quelques photos, des lettres pliées, un petit bracelet en corde.

Je l’ai sorti lentement.

Il venait de Mickaël.

Le seul à qui je m’étais confié, un jour.

On avait grandi ensemble. On priait ensemble. Partagé des bancs d’église, des camps de jeunes, des discussions sur Dieu, la vie, le mariage. C’était mon ami le plus proche. Peut-être plus. J’avais commencé à l’aimer sans oser le nommer.

Et puis, un soir, tout avait basculé.

Nous étions au camp biblique. Dans une tente, sous une pluie légère. La nuit tombait au son des chants de louange. On parlait à voix basse, comme on confesse ses rêves.

Nos épaules s’étaient frôlées. Il avait posé sa main sur la mienne. Un geste simple. Mais il n’avait pas reculé.

J’ai tourné le visage vers lui. Il me regardait déjà. Longtemps. Intensément. Il ne disait rien. Moi non plus.

Nos souffles étaient calmes, mais chargés.

Puis, doucement, j’ai penché la tête, hésité…

Et c’est là qu’il a murmuré :

C’est mal.

Trois mots. Comme un couperet.

Il avait retiré sa main, s’était levé d’un bond. Je l’avais appelé, mais il ne s’était pas retourné.

Le lendemain, il m’évitait. Et les jours d’après, il faisait comme si je n’avais jamais existé. Comme si cette nuit n’avait jamais eu lieu.

Je n’ai plus jamais reparlé de lui à personne.

Et lui, il n’a plus jamais prononcé mon prénom.

Je serrais ce bracelet contre ma poitrine.

Un lien rompu. Un souvenir noué dans la douleur.

Un silence que j’avais appris à taire.

Le lundi matin, je suis arrivé plus tôt que d’habitude à l’hôpital.

J’avais à peine dormi.

Les mots du pasteur tournaient encore dans ma tête.

Je doutais de tout.

De moi.

De ma foi.

Même de Dieu.

En salle de soins, tout semblait calme. J’ai fait le tour des patients. Noté les constantes. Murmuré quelques encouragements. Mon regard était flou. Mon esprit, ailleurs.

Pendant que j’écrivais dans le dossier de Mme Kalala, j’ai senti une présence derrière moi.

Mal dormi ?

C’était Adrien.

Sa voix posée.

Son regard attentif.

J’ai sursauté légèrement.

Un peu, oui, ai-je répondu.

Il s’est approché, a lu par-dessus mon épaule.

Tu peux me parler, tu sais. La médecine est exigeante. Elle nous use. Et parfois… elle nous met face à nous-mêmes.

J’ai senti ma gorge se nouer. J’ai soufflé :

Je vais bien.

Il a marqué un silence.

C’est ce qu’on dit toujours. Même quand ce n’est pas vrai.

Un instant suspendu.

Il a reculé légèrement, comme s’il ne voulait pas franchir une ligne invisible.

On discute ce soir, après ta garde ?, a-t-il proposé, calme.

J’ai hésité.

Puis j’ai hoché la tête.

D’accord.

Il m’a salué d’un bref signe de tête et a quitté la pièce.

Je suis resté là, figé.

Mon stylo immobile au-dessus du papier.

Je venais de dire oui.

Et je ne savais pas si c’était la foi

ou le désir

qui parlait en moi.

Note de l’auteur – La Voix Qui Écrit

Ce chapitre est peut-être le plus fragile. Il remue des souvenirs enfouis, des blessures silencieuses, des questions sans réponse. C’est une plongée dans l’origine du doute, là où la foi se heurte à l’amour, là où un simple contact change tout.

Merci de lire avec le cœur ouvert. D’accueillir la pudeur, les peurs, et ces instants de vérité qu’on n’ose pas toujours dire à voix haute.

Bienvenue dans mon univers.

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