Chapitre 4 — Le frisson du secret
La garde avait été longue, mais plutôt calme. Un seul cas critique dans la nuit : un homme âgé, arrivé en détresse respiratoire. Adrien et moi avions travaillé côte à côte, dans une concentration silencieuse. Comme si, sans nous parler, nous nous comprenions déjà.
Il était presque minuit quand il m’a dit, d’un ton calme :
— Viens, j’ai du café dans mon bureau. On débriefe ?
J’ai hésité une seconde. Puis j’ai suivi.
J’avais dit oui, hier. Et même si je ne savais pas exactement à quoi je m’attendais… je voulais comprendre ce trouble. Ou au moins essayer.
Son bureau était sobre. Une bibliothèque à moitié remplie. Quelques diplômes encadrés. Une photo en noir et blanc d’un enfant — son neveu, peut-être. Ou un patient. Il a préparé deux tasses en silence, puis s’est assis face à moi.
Le silence entre nous n’était plus vide.
Il était plein. Chargé. Tendu, sans être hostile.
— Tu semblais ailleurs, ce matin, dit-il.
J’ai soupiré, baissé les yeux vers ma tasse encore fumante.
— L’église. Les mots.
Parfois, j’ai l’impression… que Dieu me regarde et détourne les yeux.
Il m’a observé longuement. Sans parler. Il n’y avait pas de question. Juste une attente. Calme. Présente.
— Je fais tout comme il faut. Je prie. Je travaille. Je respecte ma famille.
Mais parfois, je me dis que… peut-être que je ne suis pas fait comme les autres.
Il a posé doucement sa tasse sur le bureau.
— Tu n’es pas seul, Jonathan.
Ces mots. Si simples.
Ils m’ont traversé comme aucun verset de la veille.
— Comment tu sais ? ai-je soufflé.
Il m’a souri. Un sourire un peu triste.
— Parce que je me suis posé les mêmes questions.
Parce que j’ai porté les mêmes silences.
Nos regards se sont croisés.
Longtemps. Trop longtemps.
Je n’arrivais pas à détourner les yeux. Et lui non plus.
Il n’y avait aucun mot. Juste ce silence épais, vibrant.
Quelque chose d’invisible passait entre nous.
Ce n’était pas un aveu.
Ce n’était pas un geste.
Mais c’était là. Et je l’ai senti.
Mon cœur s’est mis à cogner. Mon souffle est devenu court.
J’ai senti une chaleur étrange me monter au cou, comme si j’avais été découvert. Comme si ma peau parlait à ma place.
J’ai baissé les yeux, brusquement.
— C’est mal, ai-je murmuré.
Je ne parlais pas de lui.
Je parlais de moi. De ce que je ressentais. De ce que j’avais cru enterrer.
Je parlais de cette partie de moi que j’ai toujours appris à cacher.
À réprimer.
Il n’a pas répondu tout de suite. Puis, très calmement :
— Est-ce que c’est mal… de vouloir être soi-même ?
Un frisson m’a traversé la colonne. J’ai serré la tasse pour empêcher mes doigts de trembler.
— Je devrais y aller, ai-je murmuré.
Je me suis levé, presque trop vite. Comme si rester une minute de plus m’aurait forcé à dire ce que je n’étais pas encore prêt à entendre.
Il n’a pas bougé. Il m’a juste regardé partir, sans un mot de plus.
— Bonne nuit, Jonathan.
— Bonne nuit… Adrien.
Je suis sorti, le souffle court. Le cœur en feu. Le corps plein de questions.
Je ne savais plus ce qui était vrai.
Ce qui était interdit.
Ce qui était dangereux.
Mais je savais une chose :
ce soir-là, quelque chose en moi avait cédé.
Et je ne pouvais plus fuir.
Note de l’auteur – La Voix Qui Écrit
Ce chapitre est peut-être le plus silencieux… mais aussi le plus brûlant.
Il parle de ces instants suspendus, où les mots n’osent pas sortir mais où tout est déjà dit. Ceux qui ont déjà eu peur de leurs propres sentiments sauront. Ceux qui se battent pour être eux-mêmes comprendront.
Merci d’être là, à lire avec le cœur ouvert. Merci de faire écho à cette vérité fragile qu’on porte souvent en silence.
Bienvenue dans mon univers.
— La Voix Qui Écrit
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