Chapitre 7 – Le prix du silence
Il s’appelait Papa Mwana.
Un vieil homme maigre, au regard encore brûlant d’intelligence malgré la maladie.
Ancien professeur de philosophie, tombé malade d’un cancer que personne n’avait soigné à temps.
J’aimais lui parler.
Je venais souvent m’asseoir à son chevet, juste quelques minutes, pour écouter.
Ce soir-là, il m’attendait, les yeux tournés vers la fenêtre.
— Toi… tu portes quelque chose de lourd, dit-il sans me regarder.
J’ai esquissé un sourire.
— Tout le monde porte quelque chose, ici, papa.
— Oui.
Mais toi… c’est une chose qu’on ne dit pas dans les prières.
Une chose qu’on cache même à soi-même.
Silence.
Il tourna lentement la tête vers moi.
— Je n’ai jamais jugé mes élèves. Ni mes enfants.
Ce qui me déçoit chez les hommes, ce n’est pas leur désir…
c’est leur lâcheté.
Mes mains ont tremblé.
— Papa… vous ne savez pas ce que ça coûte.
— Si.
Justement. Je sais.
C’est pour ça que je te le dis.
Je suis rentré en marchant lentement.
Sous la pluie, encore.
Les rues de Kinshasa étaient presque silencieuses.
Et chaque goutte sur mon visage semblait me dire :
Vis. Maintenant. Tant qu’il est encore temps.
De retour dans ma chambre, j’ai fermé la porte doucement.
Je me suis déshabillé lentement, puis j’ai pris mon téléphone.
J’ai pensé à lui.
À Adrien.
À sa voix.
À ses silences.
À cette main tendue que je n’avais jamais osé saisir.
J’ai hésité. Longtemps.
Puis j’ai écrit :
« Est-ce que je peux venir te voir ? »
Je l’ai relu. Supprimé. Réécrit.
« Tu es encore à l’hôpital ? »
J’ai appuyé sur envoyer.
Une minute plus tard, la réponse est arrivée :
« Oui. Viens. Je t’attends. »
Note de l’auteur – La Voix Qui Écrit
Parfois, un simple message porte tout le poids d’un combat.
Et le silence devient trop lourd pour ne pas éclater.
Certains silences coûtent plus cher que mille aveux.
Dans ce chapitre, une rencontre inattendue fait vaciller Jonathan. Entre la pluie et les mots d’un vieil homme, une brèche s’ouvre peut-être la première vers un choix. Peut-être vers lui.
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