Chapitre 12 – Les murs ont des oreilles
Le service était calme ce matin-là. Trop calme.
Je passais de chambre en chambre, concentré, appliqué, comme à mon habitude. Mais je le sentais… quelque chose.
Quelque chose de suspendu.
Quelque chose qui flottait dans l’air, comme une rumeur encore informe.
Des regards furtifs. Des sourires vite étouffés. Un silence pesant à chaque fois que j’entrais dans une pièce.
Quelque chose avait changé.
À la pause, j’ai poussé la porte de la salle des médecins. Deux internes s’y trouvaient.
Ils se sont figés en me voyant, puis sont sortis brusquement.
Un murmure a glissé dans leur sillage :
— C’est lui. Je te jure. Je les ai vus ensemble…
Un frisson m’a parcouru l’échine.
Comme une lame de glace, fine et rapide.
Je suis resté là, seul.
Un café à la main, que je n’ai pas bu.
Le dos tendu. Le cœur battant.
Face à une machine vide et muette, j’entendais encore les mots tournoyer dans ma tête.
Ce n’était plus un doute.
Quelqu’un savait.
Ou croyait savoir.
Et c’était déjà trop.
Je suis sorti brusquement, les couloirs se refermant sur mes pas précipités.
J’ai descendu deux étages sans vraiment m’en rendre compte.
Et je l’ai vu.
Adrien. Dans le bloc de consultations.
Nos regards se sont croisés.
Il a compris aussitôt. Il a fermé la porte derrière nous.
— Qu’est-ce qu’il y a ? a-t-il demandé à voix basse.
— Ils savent.
Il s’est figé. Son visage a perdu un peu de sa lumière.
— Tu es sûr ?
— Pas tout le monde. Mais assez pour que ça glisse…
Je les ai entendus. Ils ont vu. Ou ils ont deviné.
Adrien a passé une main sur son front.
Il semblait chercher un mot. Un geste. Une issue.
Il a fait un pas vers moi. J’ai reculé.
— On ne peut plus se voir ici, Adrien. Pas comme ça. Pas maintenant.
— Je sais…
— Je risque tout. Et toi aussi.
Il m’a regardé, longuement.
— Tu regrettes ?
Un silence.
Épais. Douloureux.
Je l’ai regardé à mon tour. Et, l’espace d’une seconde, j’ai laissé tomber ce que je retenais.
Juste une seconde.
— Non.
Je n’ai jamais été aussi vrai qu’avec toi.
Mais ça…
ça me tue à petit feu.
Adrien s’est approché encore.
Cette fois, je suis resté là.
— Alors ne me fuis pas.
Si on doit tomber…
autant tomber en marchant ensemble.
Une larme, fine, a tracé un chemin sur ma joue. Je l’ai essuyée vite, d’un geste sec.
— On est dans un pays où on n’a pas le luxe d’être simplement amoureux.
Il a posé une main sur ma nuque, doucement. Une ancre. Un souffle. Une promesse.
— Alors on sera prudents.
Mais on ne renoncera pas.
Pas après tout ça.
J’ai fermé les yeux un instant.
Et je me suis demandé ce qui me faisait le plus peur :
Être vu…
ou renoncer à être moi-même.
Note de l’auteur – La Voix Qui Écrit
Ce chapitre, c’est le choc du réel après la douceur de la nuit. Quand l’amour laisse des traces, et que les regards commencent à peser.
Jonathan vacille, mais une chose demeure : il ne veut plus se cacher.
Merci d’être là, à lire entre les lignes.
— La Voix Qui Écrit
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