Chapitre 5 : Le Lac Viviane, Partie 1

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S’il y avait bien un pouvoir que j’aurais bien aimé maîtriser là tout de suite, c’était la téléportation.

Marga et Gwenaëlle semblaient pouvoir se déplacer comme elles le désiraient grâce à leurs pouvoirs, mais moi… j’en étais réduit à marcher. Et pour retrouver ma chambre dans cet immense labyrinthe qu’était le château de Gawain… Bon courage !

Je sais, j’avais déjà fait le chemin inverse de ma chambre jusqu’à la grande salle, guidé par la musique de Gwenaëlle... Mais à ce moment-là, je n’avais pas vraiment fait attention à l’itinéraire que j’empruntais, et il semblait que mes souvenirs s’étaient un peu brouillés à la suite de mon second évanouissement.

Bref, après avoir été laissé en plan par la maîtresse des lieux, je me suis résolu à retrouver mon chemin tout seul. Heureusement, les couloirs du château étaient toujours éclairés par les lustres magiques suspendus au plafond, ce qui m’évitait d’avoir à tâtonner dans le noir pour retrouver mon chemin.

En revanche, personne ne m’avait prévenu pour les embuscades.

Je m’apprêtait à tourner à l’angle d’une nouvelle intersection, quand soudain une lance passa en sifflant juste devant moi pour s’enfoncer dans le mur d’en face, me forçant à m’arrêter net.

  • Humpf ! Encore vous !

Comme une machine rouillée, j’ai tourné la tête pour observer le nain Tendoris qui descendait d’un piédestal abritant une armure complète, derrière laquelle il s’était manifestement caché afin de tendre une embuscade au premier venu.

  • Pouviez pas regarder où vous mettiez les pieds, hein ? grommela-t-il d’un ton bourru en passant devant moi. Bien sûr que non…
  • Euh… excusez-moi ? ai-je fini par articuler, oscillant entre ébahissement et indignation. Vous venez d’essayer de me tuer, et c’est de ma faute, en plus ?
  • C’est quand même vous qui vous êtes jetée sur la trajectoire de ma lance !
  • Je MARCHAIS dans un COULOIR ! Les couloirs sont faits pour marcher, par pour jeter des lances à LA FACE DES GENS !
  • Désolé Mad’moiselle, rétorqua le nain en se mettant sur la pointe des pieds pour arracher sa lance du mur. Mais quelqu’un doit bien s’occuper des satanés cafards qui pullulent dans tous les recoins de ce maudit château…
  • Des cafards ? Vous avez balancé cette lance à hauteur humaine, espèce de danger public ! lui ai-je rappelé avec colère.

Tendoris haussa les épaules.

  • Je suppose que c’est l’habitude… grommela-t-il avant de m’envisager de la tête aux pieds d’un œil critique. Vous vous êtes disputée avec la maîtresse, c’est ça ?
  • Comment savez… Cela ne vous regarde pas, en fait ! Mêlez-vous de vos affaires !
  • Humpf. C’est vrai. Mais j’avoue que je suis surpris. Je m’attendais à ce que vous passiez la nuit avec elle…

Je suis resté sans voix, fixant bêtement Tendoris avec la bouche grande ouverte. Passez la nuit avec elle ? Non mais quelle idée ! Sérieusement, qui oserait penser que je pourrais…

« Mais elle te plait, n’est-ce pas ? » me susurra alors une petite voix narquoise dans ma tête. « inutile de le nier… »

J’ai décidé de l’ignorer.

  • Mais bon après tout, c’est votre histoire, continua Tendoris en passant à côté de moi, sa lance se balançant négligemment sur son épaule. Bon, sur ce… Bonne nuit, Mademoiselle.
  • Eh… Attendez ! me suis-je repris en le rattrapant. Je… je n’arrive pas à m’y retrouver dans ce château. Pourriez-vous me ramener à ma chambre ?
  • C’est sur mon chemin, grommela Tendoris en haussant une fois de plus les épaules (c’était une manie chez lui, ou quoi ?). Vous n’avez qu’à me suivre. Mais évitez de traîner dans mes pattes !

J’ai ravalé un commentaire désobligeant de peur qu’il me laisse en plan.

Nous avons commencé par traverser le château en silence, Tendoris examinant chaque recoin en serrant le manche de sa lance, comme s’il s’attendait à y voir surgir un cafard.

  • Alors… vos projets d’évasion ? me demanda-t-il soudain.

J’avais très envie de lui dire de se mêler de ses affaires ; déjà parce que je voulais lui clouer son arrogant bec de demi-portion, mais aussi parce que je ne voulais pas qu’il puisse informer Gwenaëlle de mes projets d’évasion. Cependant je me suis aussitôt rendu compte que c’était stupide : c’était Tendoris lui-même qui m’avait parlé des moyens de quitter Avalon. Il pouvait très bien en parler à Gwenaëlle quand cela lui chanterait, et je ne pourrais rien faire pour l’en empêcher… En revanche, il y avait peu de chance que Tendoris daigne avertir la sorcière de mes projets d’évasion, qu’il pensait voués à l’échec et dont il se moquait complètement.

  • Je prends mon temps, ai-je donc répondu. Je ne veux pas échouer en me précipitant.
  • Vous allez échouer, ma p’tite demoiselle, corrigea Tendoris. Je vous l’ai dit, on ne peut pas échapper à la sorcière. Si par miracle vous arriviez à tromper sa vigilance et à vous enfuir d’Avalon, la maîtresse vous ramènerait en un claquement de doigt.
  • Je n’ai pas l’intention de la laisser me trouver à nouveau, ai-je rétorqué en croisant les bras.

Tendoris s’arrêta et me regarda comme si j’avais perdu la tête.

  • Vous croyez vraiment que vous pourrez vous cacher d’elle ? lâcha-t-il, incrédule. Ma p’tite demoiselle, la sorcière vous retrouverait même si vous vous changiez en fourmis et que vous décidiez de passer le reste de votre vie sous terre.
  • Dans ce cas, je… je préviendrai les autorités ! Ou bien je chercherai un rituel magique quelconque qui la maintienne à distance… Je ferai en sorte qu’elle ne puisse plus m’approcher !

Bon, je l’avoue, c’était une piètre tentative pour montrer à Tendoris que j’avais déjà un plan bien rodé pour mon évasion… qu’il balaya aussitôt d’un revers de main.

  • Si la sorcière vous veut… rien ne l’arrêtera. Rien ne peut l’arrêter.

Il avait lâché cette dernière phrase d’un ton sombre, résigné… comme s’il se souvenait d’un souvenir terrifiant. Un souvenir terrifiant lié à Gwenaëlle.

Il fallait absolument que j’en sache plus.

  • Vous… Vous ne la portez pas dans votre cœur, n’est-ce pas ? l’ai-je interrogé d’un ton plus doux.
  • Hein ? réagit Tendoris en se secouant comme si je l’avais tiré d’un souvenir désagréable. Nan, pas vraiment. Je me souviens juste de la guerre.
  • La guerre ? Quelle guerre ?
  • … Celle à laquelle la sorcière a mis fin.

J’ai regardé Tendoris avec étonnement.

  • Je… je n’imaginais pas Gwenaëlle en guerrière.
  • Et pourtant… A elle seule, elle a changé le cours de la guerre.

« Il n’y en a pas un ici qui puisse parler sans énigme, pour une fois ? » n’ai-je pas pu m’empêcher de grommeler intérieurement.

  • De quelle guerre parlez-vous ?

J’ai crus un instant que Tendoris allait m’ignorer… Mais au bout de quelques instants de silence pesant, il finit par lâcher :

  • C’était il y a bien longtemps… avant que les hommes ne s’emparent de Gaïa. Le monde était gouverné par les magiciens : les sorcières, les dragons, les fées, les elfes…
  • Attendez… J’ai dû rater une ou deux leçons d’Histoire, parce que d’aussi loin que je me souvienne, il n’avait jamais été fait mention de magie ou de vampires dans mes manuels scolaires !
  • Humpf ! Bien sûr qu’ils n’en ont pas fait mention ! L’Histoire est écrite par les vainqueurs…
  • Les vainqueurs ? Vous voulez dire que…
  • Je ne suis pas un fichu bouquin, s’impatienta Tendoris. Il y a eu une guerre, d’accord ? Une gigantesque mêlée générale qui ravageait Gaïa sans qu’aucun des belligérants n’arrivent à prendre l’avantage sur l’autre. C’était… le chaos. Et puis, elle est apparue : Gwenaëlle, la Sorcière de l’Infinie.

Ce nom provoqua un frisson le long de ma colonne vertébrale. La Sorcière de l’Infinie… Ces trois mots éveillait en moi des sentiments que je n’arrivais pas bien à cerner. C’était comme si je savais pertinemment ce que signifiait ce titre, et pourtant je n’arrivais pas à me le rappeler.

  • Et que… que s’est-il passé ? ai-je fini par demander.
  • La sorcière a mis tout le monde d’accord.

Avant que je ne puisse le pousser à se livrer davantage, le nain passa soudain devant moi, me forçant à m’arrêter. Je me suis alors rendu que nous étions arrivés devant la porte de ma chambre.

  • Bonne nuit, Mademoiselle, me lança Tendoris avant de tourner les talons. Et si vous voulez apprendre la vrai histoire de Gaïa… Allez faire un tour à la bibliothèque. Il y a une tonne de grimoires qui répondront à vos questions.

Sur cette dernière recommandation, le nain tourna à l’angle du couloir et disparut de mon champs de vision. Pensif, j’ai poussé la porte et je me suis refugié dans ma chambre. La bibliothèque… Si c’était celle de Gwenaëlle, il y avait effectivement des chances pour que j’en apprenne davantage sur les sorcières et Avalon. Suffisamment pour rentrer chez moi en échappant à la maîtresse de Gawain ? Pas sûr… Mais ce qui était certain, c’est que j’avais beaucoup de questions.

Et c’était peut-être là-bas que j’en trouverai les réponses.

A suivre...

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