Chapitre 15

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Je suis en pleine panique.

Demain a lieu la dernière épreuve écrite du bac et je suis sûr à 90 pourcents que je vais me planter. Je n’arrive à rien. J’ai beau tourner et retourner le cours dans ma tête, rien ne fait sens. Les intégrales ? Les nombres complexes ? Et à quoi ça sert de dériver ? Et déjà on dérive quoi ? Là c’est moi qui vais couler je pense.

J’ai envie de frapper ma tête contre la table du salon sur laquelle je travaille. Tout s’est plutôt bien passé jusqu’ici, j’ai même réussi _ je pense _ mon épreuve de biologie et de physique chimie, j’ai tout déchiré en langues étrangères et en histoire-géographie, mais il faut que les mathématiques viennent tout gâcher.

On sonne à la porte mais je n'ai pas la force d’aller ouvrir. Je m’oblige à bouger, c’est peut-être important. Puis j’ai bien besoin d’une pause. Si je continue comme ça, ma tête va littéralement exploser.

J’ouvre la porte et tombe nez à nez avec … Riley. Qu’est-ce qu’il fiche là ?

— J’ai reçu ton appel à l’aide, me dit-il en me montrant son téléphone.

J’ai envoyé un message à Riley ? Je jette un œil discret sur mon téléphone. Bon sang, je l'ai envoyé à la mauvaise personne ! Pourquoi il a fallu que le nom de Riley soit juste en dessous de celui de Reece ? Bon, puisqu’il est là, autant bosser avec lui. Ça ne sera que la centième fois depuis nos révisions, même si on ne s’est jamais retrouvé que nous deux pour ça.

Il s’installe à la table, comme une habitude acquise à force de venir, et vide son sac. Calculatrice, papier calque, il a absolument tout pris avec lui. Ça déjà, c’est une chose qui ne me serait pas arrivée. Je ne sais même pas si ma calculatrice est dans mon sac … ou sur la table du salon pour bosser quelques exercices. Clairement, il doit me manquer certains neurones je pense. Comment j’ai pu imaginer réviser des mathématiques sans avoir à portée de main ne serait-ce qu’une calculatrice ? Les matheux me traiteraient d’hérétique.

— Bon, par quel chapitre tu as le plus de mal ? me demande-t-il.

Je le regarde en haussant un sourcil. Quel chapitre ? Il y en a combien exactement … douze ? Eh bien j’ai du mal avec le premier, le deuxième, le troisième aussi, puis les neuf suivants et il doit rapidement le comprendre à mon regard parce qu’il se met à rire et sort de son sac des affaires supplémentaires. Il est quand même super beau quand il rit … enfin bref, là n’est pas la question. J’ai dû trop forcer sur mes vaines révisions, alors espérons que l’aide de Riley sera efficace.

— Ok, voilà mes fiches. Je te les laisserai pour réviser. Je pense qu’on va partir sur les fonctions d’abord avec les logarithmes, les primitives, les intégrales et tout ce qui va avec. Je suis sûr que tu vas t’en sortir. Puis, tu avais eu une bonne note en probabilité, non ? Donc on pourra voir ce chapitre à la toute fin si besoin.

C’est vrai que je ne m’étais pas trop mal débrouillé avec les probas. Ça devait être le seul chapitre qui me paraissait un minimum compréhensible et logique. Finalement je suis moins mal barré que je le pensais. J’attrape ses fiches et commence à les lire rapidement. Je vais m’y plonger un peu plus ce soir mais au moins, là, je vois déjà que certaines notions me paraissent moins abstraites grâce aux notes de Riley.

Sincèrement, si j’ai mon bac _ et étrangement je suis bien confiant _ ce sera grâce à lui et surtout grâce à ses fiches. Elles me sauvent la vie. Je pourrais les encadrer à la fin des épreuves tellement elles sont parfaites.

Non, finalement, je ne veux plus les encadrer. Je veux les brûler ! Ça fait au moins deux heures qu’on travaille et j’ai la tête qui va exploser. J’ai compris des trucs mais je crois que mon cerveau n’est pas fait pour apprendre autant de choses en si peu de temps. Il est faible et a du mal à assimiler plus d’une information par heure … et encore.

— On fait une pause ?

— Oh ouais, je laisse échapper avant de m’excuser. J'ai le cerveau qui surchauffe.

— T’as pas l’habitude de réfléchir c’est pour ça, il me répond avec un clin d’œil.

— Bouffon.

— Crétin !

— Mais un crétin un peu plus intelligent qu’il y a deux heures !

Il ne trouve rien d’autre à répliquer qu’un sourire plutôt narquois. Il a de la chance que je sois trop épuisé et qu’il me soit trop utile pour le virer de chez moi. Je le lui dis et il se met à rire bruyamment.

— Au fait ! Tu ne m’as pas dit si tu as eu des infos de ton frère !

Zut … c’est vrai ! J’ai totalement oublié ce détail qui n’est pourtant pas un petit détail vu ce que je vais lui révéler. Je me lève précipitamment et cours dans ma chambre. Je fouille dans la table de nuit à la recherche de ma dernière trouvaille et redescends toujours en courant. Je me réinstalle, essoufflé, et commence d’abord à expliquer à Riley ce qu’il s’est passé.

— J’ai dû attendre quelques jours pour questionner Jude vu qu’il était toujours malade comme un chien. J’ai essayé d’être discret. Je crois qu’il ne se pose pas trop de questions. Du coup, j’ai fait genre que j’allais réviser avec Reece et toi puis je lui ai demandé depuis quand il ne t’avait pas vu parce que j’avais un trou de mémoire. Il m’a dit que la dernière fois, c’était avant les vacances de fin d’année. Puis il a enchaîné que ça lui paraissait bizarre de plus te voir aussi souvent parce que pendant une période tu étais chez moi aussi souvent que Reece. Et il faut que tu comprennes que Reece, ici, c’est sa deuxième maison. Il est vraiment là très souvent. Il vit à moitié ici.

— Ok, donc on était vraiment proche.

— Ouais mais il y a un truc que j’ai découvert après ça … Je lui ai fait innocemment remarquer que je ne savais même plus depuis quand on se connaît tous les deux. Il m’a dit qu’il s’en souvenait plus non plus parce que ça fait vraiment beaucoup de temps.

— Septembre c’est pas si loin …

— C’est ce que je me suis dit. Mais mec … regarde ce que j’ai trouvé après ça !

Je déplace ma chaise pour aller juste à côté de lui et lui montre enfin ma grande découverte. Mes photos de classe de la seconde et la première. Des photos de classe où lui aussi est présent … juste à côté de moi.

— C’est …

— Ouais … c’est nous deux. On est dans la même classe depuis le début du lycée. Tu t’en rends compte ? C’est pas une seule année que la Léthé nous a supprimé ! C’est deux ans ! Deux années d’amitié _ à première vue _ foutes en l’air pour une raison qu’on ignore toujours ! Je déteste ce gouvernement ! Je déteste la Léthé ! Combien de choses encore on a oublié sans qu’on puisse s’en rendre compte ?

— Hey. Calme-toi ! On va finir par y voir plus clair !

— Mais comment tu arrives à être aussi serein et à ne pas t’énerver ? Tu te rends compte qu’on a oublié deux ans de vie ? On ne sait plus comment on a fait connaissance, à quel point on s’entendait bien, et encore un nombre incalculable de trucs !

Je me lève brusquement en faisant tomber ma chaise. J’en ai rien à faire, je suis hors de moi. Plus j’en apprends et pire c’est. Je commence à faire les cent pas mais je me retrouve très vite immobilisé par deux mains sur mes épaules. Je ferme les yeux. Je vais exploser.

— Je ne suis pas serein. En vrai, tout ça m’énerve. Ne pas pouvoir contrôler ma propre vie, ça m’effraie même. Mais on avance. En six mois, on a déjà avancé énormément. Alors oui, ne pas savoir à quel point on a pu être pote, ça m’énerve, mais on aurait tout aussi bien pu ne jamais redevenir ami. Si ça se trouve on est plus proche qu’on ne l’a été. Il y a malgré tout un bien pour un mal même si ce mal est assez conséquent.

C’est vrai. Avec tout ceci, on a quand même réussi à redevenir ami. Un signe que nous étions bien destinés à nous entendre sûrement. Je commence à me détendre un peu. Il a raison, m’énerver ne servira à rien, je dois me concentrer pour le moment sur les bonnes choses qui sont arrivés depuis le début de l’année même si en vrai, elles sont quasiment inexistantes. Certaines choses sont restées comme mon amitié avec Reece, mes relations avec ma famille. Les nouvelles choses quant à elles sont vraiment peu nombreuses. Je me suis découvert un talent pour les langues étrangères et j’ai découvert que la Chouette n'était pas si horrible que ça. Mais il y a une chose qui est au-dessus de ça. Et elle est face à moi lorsque j’ouvre les yeux.

Il est même beaucoup trop près de moi. Je me retrouve figé. Jamais encore on ne s’est retrouvé aussi proche l’un de l’autre ou en tout cas, mon nez ne s’est jamais retrouvé à deux doigts de frôler le sien. Je n’arrive plus à bouger. Je me retrouve même à avoir des palpitations. Qu’est-ce que je dois faire ? Il faut qu’il s’éloigne sinon …

Sinon quoi ?

Je ne sais pas du tout quoi faire. Même reculer me paraît impossible. Je n’arrive qu’à le regarder dans les yeux qu’il a vert noisette. Je ne l'avais jamais remarqué. Ils sont beaux. Après, on ne peut pas dire que Riley soit laid. Il a aussi de beaux cheveux. Bouclés et châtains. Je dois être jaloux pour penser à ce genre de choses. Ou alors … nan, en fait, il est vraiment beau.

Et vraiment proche.

Mon cœur rate un battement, me faisant ciller. J’inspire profondément comme si je m’étais arrêté de respirer à cause de notre proximité. Je sens la chaleur irradier de son torse. Est-ce que lui aussi son corps est en train de s’affoler comme il ne l’a jamais fait ou alors je suis le seul à ne plus savoir comment agir, quoi ressentir ? L’air s’alourdit. Quelque chose se passe mais je ne sais pas quoi. Riley en sait peut-être un peu plus. Ses yeux parcourent mon visage comme si quelque chose de particulier s’y déroulait.

Et moi, je fixe toujours ses yeux. Des yeux où défilent beaucoup trop d’émotions que je n’arrive pas à décrypter.

Je pense qu’au moins une dizaine de minutes se sont écoulées. Voire plus. Ou moins, je n’en sais rien à vrai dire. Je ne comprends toujours rien à la situation. Nous sommes toujours immobiles et toujours aussi proches si ce n’est plus. Je ne sais pas comment ces deux constatations peuvent cohabiter. Pourtant, il va bien falloir que l’on bouge à un moment ou à un autre.

— Peut-être qu’on …, j’essaye de dire d’une voix bien trop faible.

On doit bouger et … il s’avère qu’on a bougé. Je ne sais pas lequel de nous deux a initié le mouvement mais je pense qu’aucun de nous n’avait prévu ce qu’il est en train de se passer à ce moment précis.

Riley m’embrasse. A moins que ce soit moi qui l’embrasse. Est-ce que ça a une importance finalement ? Ses lèvres sont sur les miennes et c’est la seule chose à laquelle j’arrive à me focaliser, là, maintenant. Des lèvres chaudes et douces. Est-ce que c’est humain d‘avoir les lèvres aussi douces ?

Je sens ses mains se poser sur mes joues et me rapprocher encore plus près de lui. Mes yeux sont fermés et mes doigts agrippent son haut. Je me laisse emporter par tout ça. C’est la première fois que je ressens ce genre de chose. C’est envoutant, addictif et un petit truc supplémentaire que je n’arrive pas à déchiffrer tant je suis perdu dans ces sensations.

Je laisse échapper un très léger gémissement, quasi inaudible. Si je le pouvais, je me fondrais en lui. C’est si bon. Et lorsqu’une langue aventureuse vient à la rencontre de la mienne, je me rapproche encore plus de lui alors que je ne l‘aurais pas cru possible. Son odeur m’enveloppe alors que nos lèvres bougent à l’unisson. Je sens son pouce caresser doucement ma joue et je fonds. Jamais un baiser n’avait été aussi parfait. J’en mourrais presque d’allégresse si c’était possible. Plus rien n’a d’importance du moment que cela ne se termine jamais. Je me noierais dans ces choses que je ressens et qui envahissent tout mon corps. Mon cœur n’a jamais battu aussi vite tandis que tous mes poils se dressent dans un frisson d’excitation, ce qui n’arrange rien du tout à la situation.

Je déplace mes mains, desserrant doucement mes doigts de son t-shirt pour les glisser dans les cheveux de Riley. Les siennes quittent mes joues pour aller à la fois derrière ma nuque et dans mon dos. C’est comme si notre proximité actuelle n’était pas suffisante. Comme si nous avions besoin de plus encore. Mais plus de quoi ?

Il rapproche encore un peu plus ses mains et je ne peux pas m’empêcher de gémir à nouveau. Un gémissement audible qui trouve écho entre les lèvres de Riley.

Puis, il n’y a plus rien.

Il n’y a plus de lèvres fondant sur les miennes. Il n’y a plus de corps chaud et de cœur affolé contre le mien. Il n’y a plus de mains me retenant de la plus douce des manières.

Tout a disparu.

J’ouvre les yeux et vois Riley à quelques pas de moi. Il halète et me regarde avec de grands yeux écarquillés. Il recule tout doucement, ne me quittant pas du regard alors que je ne comprends pas ce qu’il se passe. Il range rapidement ses affaires puis se fige.

— Je … je vais y aller, me dit-il simplement.

Je le regarde partir de chez moi, ou plutôt prendre la fuite comme s’il avait le diable aux trousses. Comme si quelque chose de terrible venait de se passer. Pourtant m’embrasser n’est pas si …

Oh bon sang de bois …

Crotte de bique …

Sapristi …

Bordel de …

Ça y est, je réalise ce qu’il s’est passé.

J’ai embrassé Riley. J’ai embrassé un mec … un de mes meilleurs amis en plus …. RILEY !

Mais qu’est-ce qu’il m’a pris ?

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