Chapitre 3

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Quelques heures plus tard...

Nos deux flics se sont rendus au Service de Médecine Légale de Marseille, ils viennent de pénétrer en salle d'autopsie. Auparavant, Maurin avait été prévenu par le légiste que le nécessaire était fait.

— Bonjour Docteur, je vous présente mon adjointe, Mademoiselle Lebrun. Qu'avez-vous à nous apprendre ?

— Enchanté Mademoiselle, avez-vous déjà fréquenté ce type d'endroit ?

La pauvre Mélissa n'en mène pas large. Elle bredouille un "non" hésitant.

— Vous pouvez sortir si le contexte vous impressionne, vous ne serez pas la première dans ce cas.

La jeune fille a du cran, elle n'ignore pas que ce qu'elle va vivre aujourd’hui est une sorte d'examen qu'elle doit valider pour continuer à bosser à la criminelle. D'un autre côté, elle sait que ce baptême du Feu" pourrait être bien pire. La victime a reçu deux coups de couteau et la mort est très récente. Le cadavre a dû être recousu à présent. Mélissa n'aura qu'à se dire que l'homme, dissimulé sous le drap mortuaire est simplement endormi. Elle imagine que parfois les dépouilles arrivant ici, doivent être en très mauvais état. Celles qui ont séjourné longtemps dans l'eau, ou qui ont été atrocement mutilées, par exemple, sont à coup sûr plus difficiles à regarder... Elle observe le mur qui lui fait face, une douzaine de casiers morbides y sont rigoureusement alignés. Combien de vies brisées derrière ces tiroirs ? La table d'autopsie, située au centre de la salle, est éclairée d'une lumière crue par une puissante lampe arrimée à un bras métallique orientable. Le corps de la victime paraît presque sanctuarisé par ce halo qui l'illumine.

Le petit groupe est à présent disposé autour de la table. Le légiste ôte le linceul. Le cadavre est totalement nu, à présent. L'homme, très jeune, de type méditerranéen, semblait doté d'une robuste constitution, bien que sa taille fut moyenne. De discrètes, mais significatives cicatrices, lézardent son corps à plusieurs endroits. Il y a bien les traces des coups de poignard infligés, mais ces stigmates ont été recousus. Une autre balafre apparaît au-dessus de l'abdomen. Maurin interroge le docteur du regard.

— J'ai retiré l'estomac pour vérifier ce que contenait son bol alimentaire.

Il désigne une petite cuvette posée à proximité. Mélissa réalise que l'organe s'y trouve. Elle réprime un haut-le-cœur, mais son visage a blêmi.

— Et alors, ça donne quoi ?

— Rien de significatif, le gars avait absorbé un kebab, quelques heures avant de mourir et bu de l'alcool. Un truc anisé du type ouzo ou raki.

— Ôtez-moi d'un doute, cher Docteur.

Il extirpe de sa sacoche ce qui semble être des papiers d'identité et lit à haute voix.

— Costadino Hasani, né le douze février 1999 à Durrës, en Albanie. Si je ne me trompe pas, les habitants de ce pays sont de confession musulmane. Il est donc étonnant qu'il ait bu de l'alcool.

— Détrompez-vous, les études réalisées indiquent que 60 % des Albanais consomment de l'alcool et de toute manière le volume ingéré n'a rien d'excessif.

— OK. Pouvez-vous déterminer le type de poignard dont s'est servi le meurtrier ?

— L'orifice de la plaie située au niveau du cœur est d'une largeur de 2,5 cm, sa profondeur d'une dizaine de centimètres. La blessure a été infligée par une arme blanche de dimension standard. On trouve ce type de poignard dans toutes les armureries.

— Voilà qui ne va pas particulièrement nous aider, rétorque la jeune adjointe de l'inspecteur.

— Il faut que nous fassions cracher le morceau à Van-Hecke. Il doit nous dire s'il s'est débarrassé du couteau et nous donner sa localisation.

— À condition qu'il soit l'assassin, Stéphane.

— Je suis persuadé que c'est lui le coupable. Je le sens ! Vous allez voir que son portable va parler.

— Pour l'instant, son smartphone ainsi que sa carte bancaire, ont été envoyés au labo. Il est indispensable de vérifier les ADN qu'ils affichent. Mais ne l'oublions pas ! Il existe un autre téléphone qui pourrait bien nous aider : celui de la victime ! Nous pouvons vérifier s'il l'a utilisé pour communiquer avec son assassin. Si des contacts relient Costadino Hasani à Louis Van-Hecke, alors notre suspect aura du souci à se faire. Sinon...

— Sinon quoi ?

— Sinon le champ des possibles se réduira et la culpabilité ou l'innocence de Louis Van-Hecke resteront à démontrer.

— Vous trouvez qu'il n'y a pas assez d'indices qui l'accusent peut-être ? Allez, on rentre au bercail du boulot nous attend.



*


Le portable de la victime, confié au spécialiste de la maison poulaga, révélera bientôt des informations utiles, ou pas, à l'enquête. Il a rejoint le PC de Louis Van-Hecke, en cours de vérification.

L’inspecteur s’attelle à la rédaction du premier procès-verbal relatif à l'affaire. Celui-ci est riche en informations. Il couvre la période comprise entre le moment où la police a eu connaissance du crime et la visite au Service de Médecine Légale.

Mélissa pianote sur son PC. Son imprimante a craché, à deux reprises, quelques feuilles qu'elle s'est empressée de récupérer. Son chef, intrigué par ces allées et venues, la questionne.

— J'ai jeté un œil sur le T.A.J (1).

— Excellente idée. Alors, son casier est-il vierge ?

— Non ! Louis Van-Hecke a déjà été condamné à six mois de prison avec sursis. Une banale affaire de bagarre avec l'un de ses collègues de travail, les faits se sont déroulés à Dunkerque. La raison de cette rixe n'est pas explicitée, mais notre homme n'y est pas allé avec le dos de la cuillère. Son adversaire a été sérieusement blessé : un bras cassé et quelques dents en moins ont nécessité un arrêt de travail de quatre-vingt-dix jours. Louis a été licencié dans la foulée, d'où sa venue à Marseille.

— J'en étais sûr. Ce gars-là m'a inspiré la méfiance dès le début.

— J'ai également vérifié les antécédents de la victime. Son casier est bien rempli, je cite : violences avec ou sans arme, tentatives de racket, proxénétisme aggravé, etc. Au total, il a écopé de plusieurs peines de prison, représentant trois années d’incarcération. Pour un homme de vingt-cinq ans, on peut dire qu'il n'a pas perdu de temps.

— Cet Albanais n'est pas un saint, lui non plus !

— La pègre albanaise est notoirement connue pour son activité dans le milieu de la prostitution. Nous devons investiguer dans ce domaine et vérifier si Van-Hecke a été en relation, de près ou de loin avec Monsieur Hasani. Qu'en pensez-vous, Stéphane ?

— L'orientation que prend cette enquête me dérange, il ne faudrait pas que l'affaire soit confiée à la police des mœurs.

— Il s'agit en premier lieu d'une affaire criminelle, peut-être aurons-nous besoin de collaborer avec eux, vous avez raison. Mais c'est nous qui devrions garder le lead.


*


Mélissa a vingt-sept ans. Elle est entrée dans la police en réussissant brillamment le concours qui y donnait accès. Elle a ensuite suivi diverses formations, balayant le spectre des connaissances indispensables à la pratique de son métier. Lesdites formations l'ont initiée, aussi bien au maniement des armes, qu'aux techniques d’investigation. Dotée d'un physique avantageux, elle est ce que l'on appelle une brune piquante, elle est sportive par goût et a facilement validé les tests athlétiques qui lui ont été demandés. Précisons au passage qu'elle est ceinture noire de karaté. Ceux qui l'ont croisée ont tous repéré un potentiel pouvant être utile aux missions de la police. Vive et intelligente, elle dispose des capacités d’adaptation qui lui permettront de progresser.

Mélissa est une fille sérieuse, bien qu'étant joviale et apte à se satisfaire de ce que la vie lui offre.

La relation professionnelle qu'elle entretient avec son chef est très saine. Elle accepte l'autorité que lui confère son poste, tout en lui proposant sa vision des choses quand elle l'estime nécessaire. Si la situation demande qu'elle lui apporte la contradiction, la jeune fille le fait en prenant garde de ne pas lui manquer de respect. D'ailleurs, celui qui souhaite qu'elle l'appelle par son prénom, fait montre de considération à son égard. Son adjointe, même si elle l'exaspère parfois, est une mine d'or pour cet homme d'âge mûr. Et cela, Stéphane Maurin le sait parfaitement.

(1) TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires). Fichier utilisé par la police et la gendarmerie pour consulter les casiers judiciaires

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