Chapitre 5

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Quatre jours après le meurtre...


Le juge d'instruction, Mickaël Boghossian, relit le procès-verbal de la Brigade Criminelle. Il relate les premiers éléments de l'enquête du meurtre de Costadino Hasani. Vendredi dernier, c'est sur ce document, le délai de garde à vue arrivant à son terme, qu'il s'est basé pour demander la mise en examen de Louis Van-Hecke. Le juge des peines ordonnant, à juste titre, la détention provisoire du suspect, il sait qu'il va bientôt pouvoir prendre, en toute sérénité, l'ordonnance de renvoi de l'affaire devant la justice. Les présomptions de culpabilité sont conséquentes et le dossier déjà bien lourd. D'autres éléments vont probablement apporter des preuves irréfutables. Le portable de la victime, matchera-t-il avec celui du suspect ? Des traces d'ADN, révéleront-elles de manière incontestable l'identité de l'assassin ? Tout porte à croire que oui ! Les flics continuent d’enquêter, car il a délivré "une commission rogatoire aux fins de poursuivre les investigations". L'intégralité des audiences à venir se passera sous son autorité en présence de Louis Van-Hecke, de son avocat et des policiers chargés de l'affaire.

*

Le binôme est à l’évêché, "La Scientifique" a répondu à une partie des demandes que l'inspecteur Maurin lui a transmis. Les données relatives à l'ordinateur du suspect et au smartphone de la victime ont été minutieusement détaillées et sauvegardées...

Le premier a révélé ses secrets. Hélas, les informations collectées n'ont rien d'extraordinaire... Louis Van-Hecke est un solitaire, il n'a pas de petite amie et son aménagement récent dans la ville ne lui a pas encore permis de se constituer un réseau de copains. Il utilise sa messagerie avec parcimonie. Juste quelques rares échanges avec sa mère restée à Dunkerque ou avec l'administration pour les formalités nécessaires à son déménagement. Comme beaucoup de trentenaires isolés, il est abonné à plusieurs sites de rencontres et a obtenu trois rendez-vous depuis son installation à Marseille. Il n'a même pas pris soin d’effacer son historique de navigation et on peut constater qu'il visionne parfois des vidéos pour adultes. Rien de pervers ni de contrevenant à la loi dans ses consultations. Pas d'images pédophiles, de scènes de torture ou autres déviationnismes sexuels. En conclusion, Louis est hétéro et ses goûts sont très basiques...

— Son PC ne nous apprend rien !

— Effectivement, Mélissa. Rien qui ne fasse avancer le Schmilblick. Que dit le téléphone de Costadino Hasani ?

— Les derniers appels passés ou reçus concernent tous des numéros enregistrés sur son appareil. Quelques noms reviennent plus fréquemment que d'autres.

— Lesquels ?

— Les prénoms masculins les plus utilisés de la liste de ses contacts sont : Arben, Besnik, Dritan et Krenar.

— Comment savez-vous, qu'ils concernent des hommes uniquement ?

— Il est facile de déterminer quels sont ses relations téléphoniques féminines. En Albanie, les noms de baptême des filles se terminent toujours par la lettre "A". Ceux qui reviennent souvent sont Adekina et Ajna, mais, peu de temps avant son meurtre est apparu une petite nouvelle, une certaine Sophia. Les premiers échanges entre eux remontent à deux jours.

— Quoi d'autre ?

— Il y a un détail dont je suis incapable d’interpréter le sens. La majorité de ses relations féminines est précédée de la lettre "P" majuscule, suivie d'un espace. Pourquoi cette spécificité dans la manière d'enregistrer ses contacts et pour quelle raison ne concerne-t-elle qu'une partie d'entre eux ? En albanais, femme se dit femrat, pas pemrat. De toute façon, vu que dans cette langue la terminaison de chaque prénom féminin est toujours marquée par un "A", cette indexation est inutile. Il doit s'agir d'autre chose...

— Et bien, vous savez quoi, Mélissa ? Le casier judiciaire du suspect nous informe que Costa a été condamné plusieurs fois pour proxénétisme. Selon toute probabilité, il a dû poursuivre son activité dans ce domaine. Je dirai donc que cette lettre "P" désigne une prostituée ou bien un synonyme encore moins élégant... Ceci pourrait expliquer pourquoi l'intégralité de ses contacts féminins n'est pas concernée par ce marquage.

— Bien vu, Stéphane ! Il ne nous reste plus qu'à appeler chacune de ses dames. Ah, j'oubliais, l'appareil de ce cher Costa comporte un ultime enseignement.

— Je vous écoute.

— Le dernier appel réceptionné, l'a été quatre heures avant sa mort. Ce devait être urgent si j'en juge par l'enregistrement incomplet qu'il lui a attribué : "O" ! Simplement cette lettre.

— Nous sommes vraiment dans les lettres aujourd'hui, les chiffres ne vont pas tarder à suivre, je suppose.

Stéphane ne verse pas particulièrement dans la gaudriole habituellement, il faut donc profiter du moment. Mélissa rit de bon cœur à cette pitoyable saillie que son auteur pense irrésistible.

— Reprenons notre sérieux, dit-il. C'est peut-être le meurtrier qui a appelé sa future victime pour lui donner rendez-vous au bar L'ange bleu. Nous devons identifier le possesseur de ce numéro avant de l'appeler.

Sur ce, Maurin joint le service concerné. Au bout de quelques secondes, une voix féminine lui répond. À son écoute, le pauvre inspecteur prend un air désabusé.

— Il s'agit du numéro d'une carte SIM prépayée !

Il tape du poing sur son bureau, puis se ressaisit pour questionner son adjointe.

— Vous n'avez évoqué aucun SMS ?

— Parce qu'il n'y en a pas. Nous autres, policiers, pouvons accéder aux conversations provenant d'un téléphone, mais il faut qu'un juge d'instruction autorise préalablement sa mise sous écoute. Hélas, en ce qui nous concerne, ce n'est pas le cas et nous n'avons accès qu'à l'historique des appels sans savoir ce que les conversations racontent. Les textos, eux, restent lisibles dès l'instant où nous avons un visuel du smartphone. Le gars n'était pas idiot, vu la nature de son activité présumée, il n’utilisait jamais ce mode de communication. Les flics en lisant les messages auraient su la nature illégale de ses activités.

— Essayons d'appeler la fameuse Sophia. Je ne crois pas aux coïncidences. Elle entre à peine dans la vie de Costa et deux jours après, il est assassiné. Elle pourrait bien être la complice de "O".

Mélissa compose le numéro tout en activant le haut-parleur. Résonne alors une voix féminine.

« Le numéro que vous avez demandé n'est pas attribué ou n'est pas accessible, votre appel ne peut aboutir ».

— Putain de merde, hurle Maurin.

— Hé, rien de grave chef ! Nous allons faire le tour des opérateurs et quand nous aurons trouvé le bon, il nous communiquera les coordonnées de Sophia.

— Oui, je sais, excusez mon impatience et ma vulgarité.

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