Chapitre 8 - Rebelote à Kyoto
- Bonjour à tous.
De derrière un paravent, Yoshinobu Gakuganji était assis sur son fauteuil et avait prit la parole d'une voix forte et rocailleuse. De son côté, Satoru était assis au centre, entouré par ces paravents cachant les dirigeants du monde exorciste. Un monde complètement à la ramasse...
- Nous sommes ici pour débattre de deux cas d'une extrême importance : l'apparition de Yuta Okkotsu et le cas de Yakuseki et du Roi Écarlate.
Bien entendu. Ce vieux croûton n'avait même pas fini sa soupe qu'il commençait déjà à faire le grincheux quand à la température. Satoru sourit de toutes ses dents ; quelque soit la décision du conseil, ils devront se plier à ses désirs. Il ne lui restait plus qu'à écouter jusqu'à l'ennui leurs palabres de vieux réac'.
- Le premier cas a été traité avec la plus grande prudence, et les propositions sont les suivantes : soit nous scellons Okkotsu et sa malédiction Rikka, soit nous l'exécutons pour éviter tout débordement.
Peu d'originalité, comme prévu.
- Je suis pour, firent les voix une à une, jusqu'à celle du principal Yaga :
- Contre.
Un silence survint après cette réponse opposée à la majorité ; le sac d'os toussa quelque peu pour montrer son agacement, avant de prendre un ton faussement poli :
- Principal Masamichi, je vous prie de bien considérer votre décision : la malédiction que représente Rikka est dangereuse et...
- Roh là là, que vous êtes barbant, lâcha Gojo en se levant.
Des murmures de désapprobation surgirent tout autour de lui, tandis que le directeur de l'école de Kyoto prenait une voix sèche :
- Gojo, votre intervention est inutile, vous n'avez pas de voix dans le conseil.
- Et vous allez faire quoi, hein ?
Effectivement, ils ne pouvaient rien faire. Être le plus fort de tous conférait ce genre d'avantages, alors Satoru continua :
- Si vous décidez d'exécuter Yuta Okkotsu, je ne serais pas d'accord.
- Insolent... commença Gakuganji, mais un autre vieux l'interrompit :
- Et si nous le scellions, Gojo-san?
- Vous êtes vraiment idiots ! Le sceller ne servirait à rien ; vous rappelez des doigts de Sukuna ? On a beau les enfermer dans des sceaux, les enfouir au fond d'un puits, les enterrer, ils reviennent toujours. Alors avec une malédiction comme Rikka, c'est planter une bombe à retardement.
- Qu'est-ce que tu proposes ? lui demanda Yaga.
- C'est simple : je l'entraîne à devenir exorciste. C'est à prendre et pas à laisser.
Les vieux restèrent silencieux, et il sentait l'agacement délicieux du vieux croûton. Soudain, il entendit un soupir. Mais c'était la moindre des choses.
- Très bien, mais si ça dérape, tu sais ce que tu encours ?
Bien sûr qu'il le savait : une année déjantée et pleine de surprises avec un élève à fort potentiel qui allait renverser la donne. Tout ce que Satoru souhaitait, en fin de compte.
- On ne peut plus. Maintenant discutons d'un autre cas intéressant : le Roi Écarlate.
- Ce sujet nous concerne depuis l'aube des temps, mais c'est la première fois que les oracles arrivent à sentir la présence du Roi avec autant d'intensité, fit un des vieux avec une voix fêlée.
- Il aurait choisi un Prince ? s'enquit un autre.
Le Prince.
Les rares exorcistes qui pouvaient sentir les fluctuations mondiales de l'énergie occulte ne servaient souvent qu'à mystifier certains fléaux, ou juste faire de l'esbrouffe. Pourtant, quand Satoru avait rencontré Reiketsu, il s'était rendu compte à quel point ces oracles étaient utiles.
Quand aux Princes, c'étaient des gens maudits choisis par le Roi Écarlate sans aucune raison logique apparente, mais des études récentes avaient démontré qu'il préférait les exorcistes par dessus tout, bien que ces derniers étaient les plus difficiles à maudire. Pourtant, ces Princes avaient pour particularité de ressentir avec une intensité élevée les fléaux, mais en retour ne pouvaient pas ou peu utiliser leur énergie occulte.
Le cas de Reiketsu était des plus intéressants : au lieu d'être choisi au hasard, Satoru savait que ses parents faisaient partie des Enfants du Roi Écarlate, un ordre de fanatiques datant de l'époque où Sukuna terrorisait le monde entier. Cet ordre vénérait ce qu'il appelait le "Dieu qui s'élève du Sang aux Ténèbres". Un nom très glamour et un peu trop emo, mais ce fléau était aussi spécial que Sukuna lui-même. Voir plus...
- Il est probable qu'il ne l'est pas encore fait, expliqua Yaga en cousant méticuleusement des peluches. Rappelez-vous, d'après les oracles : "Un Prince est né prince, mais il est consacré au moment où le sang des accusés touche le noyau irréel de sa quintessence. Avant, il devra toucher l'étincelle d'obsidienne et détruire les habiles du monarque au deux ombres". La consécration signifie assurément l'incarnation du Roi dans notre monde, mais ce "sang des accusés" qui touche le "noyau irréel de sa quintessence" fait peut-être référence à un sacrifice rituel.
- Exactement, soutint Satoru en levant son doigt comme pour dire "Bingo !". Tant que M. Yakuseki n'accomplit pas le rituel, tout va bien. Il a déjà atteint "l'étincelle d'obsidienne" en lançant un éclair noir contre Geto Suguru (les vieux s'agitèrent à l'entente de ce nom, et il sentit son cœur se serrer sous des émotions contradictoires, mais contrôla sa voix), mais il n'a pas "détruit les habiles du monarque", car il s'agit ici des doigts de Sukuna.
- En clair, tant que nous le tenons éloigné des doigts, il ne pourra pas accéder à la "consécration", avança un des papis.
- Exact ! Formidable, vous êtes pas complètement gâteux ! (Satoru frappa dans ses mains) Je me charge de réguler les deux phénomènes, élève et exorciste. D'ailleurs, vous pourrez me préparer un formulaire pour les faire passer classe spéciale ? Ce serait gentil !
- Grrr....
- Les décisions sont prises, intervint Yaga. La séance est levée, et nous ne toucherons ni à Yuta Okkotsu, ni à Reiketsu Yakuseki.
* * *
- Je suis si contente que tu viennes intervenir dans notre lycée !
Uyeno serrait son bras, la bouche en cœur et ressemblait beaucoup à un chat que l'on caressait sur le ventre. De son côté, Reiketsu faisait des sourires gênés aux passagers du tramway qui le regardait d'un œil méfiant ; lui et la jeune fille ne se ressemblant pas du tout, avec son air de gangster et sa tenue de lycéenne, il ressemblait au pire des voyous qui se jouait d'une pauvre jeune fille innocente.
Cependant, Reikestu était assez content de retourner à son ancien lycée après ces cinq longues années qui lui avaient semblé durer une éternité. Le principal Gekuganji serait assez agacé de le voir, sachant que ce dernier l'avait toujours traité comme un nid à problèmes, à cause des tendances violentes auquel le jeune homme était sujet. Par contre, retrouver le professeur Iori serait une bonne expérience.
L'école de Kyoto avait presque le même design que celui de Tokyo, sauf que les bâtiments étaient plus contrastés. Tandis qu'Uyeno sautillait presque sur place, Reiketsu leva les yeux vers les immenses bâtiments qui l'avaient vu autrefois s'entraîner. Il ne se souvenait pas de ses camarades, puisque ces derniers n'avaient pas vraiment eut envie de traîner avec un type aussi violent que lui.
Mais il avait changé. Il devait se montrer à la hauteur.
- Uyeno-chaaaaan !!! cria une voix au loin.
- Kasumiiii !!! répondit l'autre sur le même ton en se précipitant vers un petit groupe de personnes.
La première d'entre elles était une jeune fille aux longs cheveux bleus, le visage aussi rayonnant que celui de sa protégée, avec une carrure plus fine qu'elle cependant. C'est vrai qu'elle devrait perdre du poids... pensa Reikestu en regardant tout à tout Miwa et Uyeno. Cette dernière lui avait déjà montré des photos, mais il s'en désintéressait très rapidement ; il préférait les images réelles.
Il s'approcha, et Uyeno se tourna vers lui.
- Les amis, fit-elle en s'adressant au groupe avec un geste théâtral, voici celui que vous attendiez tous : Reiketsu Yakuseki !
- S'lut, répondit l'intéressé avec un geste de main, beaucoup trop détendu pour jouer le mec sérieux.
Elle présenta ses camarades tout à tout : il y avait Mai, bien entendu, la meuf qui se moquait sans arrêt de l'accoutrement de la gamine (elle n'avait pas tord, en plus), qui appartenait au clan Zenin ; elle avait les cheveux noirs mi-longs, des yeux de jais qui le regardaient avec le même air que certaines minettes quand il traînait dans les quartiers chauds, après une mission éprouvante. Mais on voyait du premier coup d'œil qu'elle n'avait pas le même caractère que ces dernières. Le sourire sur son visage pointu en disait long...
Le deuxième était une machine maudite nommée Mechamaru. Malgré son apparence intimidante et inhumaine, elle était très polie et courtoise, sa main de bois aux articulations métalliques était étrangement chaude... Le dernier était un seconde année, du clan Kamo. Noritoshi était une personne polie et courtoise, qui gardait les yeux fermés entre ses nattes qui lui descendaient jusqu'au menton carré. Quand il lui serra la main, Reiketsu devina aux cals que ce jeune homme était un adepte du kyudo. Mais ça n'enlevait pas la méfiance que Reiketsu avait bâti envers les grandes familles d'exorcistes, aussi garda-t-il une certaine distance.
- C'est un plaisir de vous rencontrer, fit ce dernier en lui serrant la main pour l'agiter. J'espère qu'un jour on se croisera sur le terrain.
- Si t'arrives après mon congé, ça se pourrait, ironisa l'exorciste avec un petit rire.
- Oh ? Vous prenez congé ? s'étonna Mechamaru. C'est assez rare venant de vous, d'après ce qu'on dit.
- Les temps changent, les hommes aussi, répondit Reiketsu avec sagesse. Je suis quand même content que cette petite chipie soit entre de bonnes mains (il plaça sa main sur la tête de la-dite jeune fille). Elle ne vous fait pas trop de soucis ?
- Pas du tout, Uyeno est un ange ! soutint Miwa tandis que son amie acquiesçait vivement.
- D'ailleurs, le professeur n'est pas là ? demanda Uyeno en tournant la tête autour d'elle.
- Elle arrivera sous-peu, tête de carotte, expliqua Mai en l'observant du coin de l'oeil. Tu devrais prendre plus soin de ton teint ; t'as l'air d'un cadavre.
- Mai ! (Uyeno gonfla ses joues, mais ne rétorqua pas) Tu dis juste ça pour m'embêter...
- Il n'y a que la vérité qui blesse... soutint Mechamaru.
- Oh non, tu vas pas t'y mettre aussi !
Des rires fusèrent, et devant ces visages amusés et heureux, Reiketsu sentit monter en lui un sentiment de jalousie ; il n'avait jamais expérimenté ce genre de choses quand il étudiait dans ce lycée. Mais bon... Au moins Uyeno pourra garder le sourire en pensant à eux dans les moments difficiles.
- Je ne vois pas Todo-senpai et Nishimiya-chan, remarqua la rousse en se tournant.
- Todo-san est parti aller s'acheter le CD collector d'une idol en édition limitée, et Nishimiya est allée téléphoner à sa mère, répondit le Kamo.
- Yakuseki-san ?
Ils se tournèrent vers la voix, et ce dernier sourit.
- Content de vous voir, Iori-sensei.
* * *
Uyeno observait Rei-oniisan s'entraîner avec Mai-chan et Kamo-senpai. Elle ne savait plus vraiment quoi penser devant ce nouveau visage ; d'un côté, elle était heureuse qu'il n'ait plus cette absence de lueur dans le regard, mais de l'autre, le sentiment de pitié la tiraillait toujours quand elle suivait son regard mélancolique lorsqu'ils étaient arrivés en tram.
D'autres choses bouillonaient en elle depuis trop longtemps, c'était plus fort qu'elle. À chaque fois qu'il était dans la même pièce qu'elle, elle devait se forcer à ne pas rougir et à parler, son coeur palpitant de plus belle quand il lui racontait ses dernières missions, et après... elle se sentait vide quand elle le sentait loin. Comme en ce moment.
- Tout va bien ?
Elle sursauta ; Miwa la regardait avec un air interrogateur. Son amie avait un don pour lire les gens, malheureusement hors-combat. Seulement, dans la société d'aujourd'hui, ça faisait d'elle une merveilleuse enquêteuse, au grand dam d'Uyeno qui tenta de garder un air aussi fermé qu'une huître de Takojima.
Miwa prit un air méfiant, avant que son visage ne s'illumine. Elle lui lança un regard brillant, qu'Uyeno nia en secouant sa tête, seulement son amie n'en démordait pas, l'excitation de percer un de ses secrets grandissait dans ses yeux curieux.
- C'est un garçon ? devina-t-elle avec une précision surnaturelle.
- Des histoires d'amour ? intervint leur professeur en s'approchant. Qui est concerné ?
- Uyeno-chan, madame !
Traîtresse ! grinça intérieurement la jeune rousse en serrant son poing. Sa prof, sérieuse comme une loutre, sourit de toutes ses dents et se pencha vers son élève. Elle coula un regard furtif en direction de...
- Je crois avoir ma petite idée quant à l'heureux élu.
Uyeno se tourna vivement vers sa professeur, agitant ses bras dans l'espoir de faire taire la commère, mais heureusement pour elle, sa professeur ne la trahit pas sous les incessantes demandes de Miwa. Uyeno décida de changer de sujet :
- Vous êtes contente de revoir votre ancien élève, madame ?
- Bien sûr que je le suis ! (Elle se redressa, fière) C'est un excellent élément, une fierté du monde exorciste !
- Comment était-il, au lycée ?
- Je suis sûre qu'il était super sérieux et gentil ! soutint Miwa.
- Eh bien... (Iori-sensei se gratta le nez, l'air gênée) Pour tout vous dire, il était bien plus violent que Todo.
Les deux filles estomaquées firent rirent le professeur, qui prit un air nostalgique en évoquant un passé nettement différent de ce qu'elle devait voir aujourd'hui ; le regard tourné vers Reiketsu qui avait mit à terre Noritoshi et l'aidait à se relever pour lui donner conseil, Uyeno y lut la même forme de pitié à laquelle elle était sujette.
- Reiketsu n'était pas du genre turbulent comme Todo, ou froid comme Mechamaru. Il avait en lui une rage immense qu'il laissait exploser envers n'importe qui. Pour tout vous dire, cela a été difficile de lui apprendre quoi que ce soit, donc il restait souvent seul dans son coin à lire des manuels et à s'entraîner tout seul.
- Il a du être triste... supposa Miwa.
Dans le mille, comme toujours, confirma pour elle-même Uyeno en serrant ses poings. Mais il était surtout amer.
- Néanmoins, c'était un génie ; lorsqu'il a participé à l'amicale entre nous et Tokyo, il a combattu trois troisièmes années à lui seul, et ce avec si peu d'énergie maudite qu'il a été promu semi-grade 1 après cet évènement extraordinaire. Les troisième années ont été hospitalisés pendant un mois, mais pour une raison que j'ignore toujours, il leur rendait visite chaque jour. Après ça, il a changé du tout au tout : il restait toujours seul, certes, gardant son sale caractère. Mais il était devenu serviable au point de s'occuper des pires missions à la place des autres.
Iori-sensei planta son menton dans sa main, un sourire aux lèvres.
- C'est sans-aucun doute l'exorciste le plus humain que je connaisse.
Tandis que Miwa félicita sa professeure pour l'histoire, Uyeno se retourna vers Reiketsu ; son visage sérieux tandis qu'il expliquait des choses à ses camarades, sa manière de sourire quand l'un d'entre eux parvenait à répondre à l'une de ses réponses, ses yeux qui sans cesse fuyaient vers un monde invisible de mélancolie... Une inextricable et irrationnelle émotion qui la dévorait de l'intérieur.
Elle l'avait entendu parler à grand-mère, l'autre soir. Il l'avait promis de la protéger. Pourtant, c'était lui qui lui faisait le plus de mal.
- Alors c'est lui, le fameux super exorciste ?
Une silhouette géante à la voix dure lui cacha le soleil, et elle reconnut immédiatement la personne qui ressemblait plus à une montagne de muscles qu'au geek fanatique auquel on s'attendait.
- Salut, Todo ! fit Uyeno en souriant. T'as pu trouver le CD de Takad...
Le type l'ignora, et elle se rendit compte de son erreur monumentale.
Elle avait oublié de le dire à Onee-san.
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