Reiketsu voyait pourquoi Iori-sensei avait choisi ces élèves ; le Kamo n'était apparemment qu'un enfant illégitime, mais ses prouesses techniques lui faisaient honneur, ainsi que la possession de la Manipulation du Sang. La plus intéressante du groupe était tout de même la Zenin ; malgré son indéfectible faiblesse en énergie occulte, son maniement des armes à feu, son intelligence stratégique et sa botte secrète lui conféraient des atouts redoutables.

- Je ne sais pas comment vous faites, haleta-t-elle alors qu'il avait réussi à esquiver une énième balle chargée d'énergie.

- Votre agilité vous fait honneur, confirma Kamo. Mais cette manière de bouger sans utiliser votre pouvoir...

- On appelle ça l'entraînement et l'expérience, répondit l'exorciste en tapant dans ses mains pour leur dire que c'était fini. Vous acquérez cette force et cette vitesse avec de la pratique, mais aussi en mettant votre vie en danger. Kamo !

- Oui !

- Tu es déjà très habile : ta force via ta technique de renforcement et ta maîtrise du kyudo est suffisante. Mais tu manques cruellement d'originalité ; tes coups peuvent être lourds, mais tu te bats sans style apparent, ce qui te rend prévisible au corps à corps. Travaille sur ça !

- Oui, sensei !

Sensei...? Hmm... Il prendrait goût au métier, si ça continuait comme ça... Non, pensa-t-il en soupirant. Je vais finir par attirer les moqueries de Gojo, et ça ce serait le pire.

- Mai !

Surprise d'être appelée par son prénom, la jeune femme écarquilla ses yeux de stupeur, mais c'était exactement l'attention que Reiketsu recherchait.

- C'est quoi ça ? (Il montra le pistolet à six coups) Tu peux acheter des armes non maudites bien plus efficaces que cette vieillerie !

- Je tiens beaucoup à cette arme, grinça-t-elle.

- Super. Alors ne l'utilise sur le champ de bataille et garde-la sur un velours, dans un coffret, rétorqua sèchement l'exorciste en sortant son portable, puis chercha une image sur internet : Je veux que tu trouves ce genre d'arme d'ici la fin de la semaine, sinon je t'obligerais à prendre des cours de combat au corps à corps.

- Hmm... bougonna-t-elle, avant que son visage ne s'illumine ; elle posa son index sur ses lèvres et prit un air aguicheur : Votre proposition est assez alléchante, je pense que je vais désobéir...

- T'es trop grosse, et trop jeune pour moi, répondit simplement l'exorciste sans entrer dans son petit jeu.

- Q..Quoi ?

Bien entendu, comme il était un intervenant, elle ne pouvait pas le provoquer, mais il put presque entendre ses dents grincer de là où il était. Soupirant, il continua :

- Tu as peu d'énergie occulte, mais tu ne sais pas l'utiliser correctement. Tire sur la cible là-bas - il désigna un mannequin en bois - avec une balle chargée.

Un coup de feu retentit dans l'instant. Au moins, elle est pas longue à la détente, sourit Reiketsu en voyant l'arme fumer ; sa posture était parfaite, Mai était une tireuse née. Malheureusement, la balle avait juste pénétré le bois du mannequin, et il fit claquer sa langue de désapprobation. Il tendit sa main vers elle.

- Passe - elle lui mit l'arme d'un geste sec dans la main, et il visa - Tu sais tirer, c'est déjà ça. Alors il faut passer à l'étape supérieure.

Quand il fit appel à son énergie maudite, il ressentit le plaisir de ne pas souffrir le martyr comme à chaque fois. Il en prit un tout petit peu, et la fit tourbillonner autour de la balle.

- Tu sens ce que je fais ? (elle fit non de la tête, mais Kamo répondit : )

- Vous faites tournoyer votre énergie autour du projectile.

- Exact. Au lieu de juste la couvrir, j'accélère l'énergie. C'est un principe de base, mais ça marche : en contrôlant avec précision cette énergie, tu peux accélérer la rotation de ta balle, donc augmenter sa pénétration... marmonna-t-il.

BANG !

Le mannequin explosa presque, la balle l'ayant traversé de part, et ce n'était pas tout : sous les regards médusés de Kamo et Mai, le sol avait était pulvérisé et fumait encore. Reikestu sourit, satisfait de les avoir impressionné, avant de rendre l'arme à l'apprentie exorciste :

- Tu ne devrais pas dénigrer ton manque d'énergie : grâce à cela, tu pourras t'habituer à manipuler des quantités minuscules avec des pincettes, pour atteindre un contrôle au point où tes balles pourront même percer un bunker. La puissance ne s'atteint pas avec l'excès, ne l'oublie pas.

- D'accord... mais vous êtes un peu bizarre avec vos phrases philosophiques à deux balles.

- Bah ! - il haussa ses épaules - Suis mes conseils et tu auras le niveau, c'est tout ce qui compte. Uyeno, Miwa, c'est à vous !

- Tiens, voilà Todo, remarqua Kamo en se tournant.

Alors qu'il s'attendait à croiser un gamin boutenneux avec des lunettes, le géant qui se présenta devant lui le fit déglutir : comme Gojo, il faisait presque une tête de plus que lui. Et à en juger par sa carrure, c'était une montagnes de muscles, montagne qui le regardait avec un air menaçant. Tout en ce type transpirait la violence... et d'une certaine manière, çe le fit frissonner d'excitation.

- Alors c'est toi, Aoi Todo ? Iori-sensei m'a parlé de toi... Paraît que t'es un dur à...

- On parlera de ces merdes plus tard, l'interrompit la brute au menton à la cicatrice. C'est quoi ton type de femme ?

- Hein ? C'est quoi son problème ? Mon type de femme ?

- Ouaip.

Reiketsu sentait le danger arriver à des kilomètres, l'aura menaçante de Todo grandissait à vue d'oeil, mais malgré tout il ne possédait pas beaucoup d'énergie occulte. Si c'est un élève puissant comme l'a dit sensei, c'est qu'il a compris le "truc" contrairement à Mai. Avec un air belliqueux, il approcha son visage de Todo et lui rétorqua :

- Grandes avec une grosse poitrine, et des mains habiles pour bien te branler.

Kamo s'étouffa en buvant son eau, Mai crachota. Quand à Reiketsu, il continuait à plonger son regard dans celui brûlant du nouveau venu. Soudain, il vit sa main partir à toute vitesse vers lui, se baissant à temps pour l'éviter, puis fit un bond arrière.

Le gars avait l'air si furieux qu'on aurait crû qu'il portait un masque de Tengu. Et son énergie occulte transpirait presque de tous les pores de sa peau. D'un geste, il déchira son uniforme, découvrant son torse musclé presque inhumain, et se mit en position de lutteur.

- Tu es une personne horrible, et je vais purger ton existence de la surface du monde !

- Quoi !? Todo, t'es pas sérieux ! cria Mai, paniquée. Tu vas te faire défoncer !

- Elle a raison, Todo, il est plus fort que...

- LA FERME !!!

Il continuait à fixer d'un œil ardent son nouvel adversaire, aussi Reikestu se prépara à l'attaque en plaçant ses poings de la même façon que les boxeurs professionnels. Sautillant sur ses deux pieds, il attendit... encore, et encore, mais Todo restait là, à ne rien faire. Il attend une ouverture, comprit l'exorciste. Et bien, je vais lui en donner une. Il leva son bras, et un éclair crépitant apparut dans sa main.

Funsai Kaminar...

Il n'eut pas le temps de finir sa technique : en un instant, un poing surpuissant le frappa au ventre. Dérapant en arrière, son corps avait été protégé via son énergie, mais qu'est qu'il tapait dur ! La différence majeure entre un voyou qui va à la salle et un combattant réel, c'est la précision alliée à la puissance. Et ce gars là était vraiment méticuleux.

- T'es fort, commenta Reiketsu en souriant.

- Et toi, tu m'as l'air FAIBLE ! brailla l'autre en fonçant sur lui.

Sans prévenir, Rei fonça sur le gorille pour lui flanquer un direct du droit en pleine poire, en utilisant la rotation de ses hanches, un appui ferme sur le sol et leurs vitesses combinées. Le choc fut si violent qu'il fut projeté en arrière... Avant de hurler en se redressant pour lui mettre un coup de tête.

Ouf...

Todo prit son poignet et son col, avant de l'envoyer manger le sol avec force. Dans le mouvement, Rei pivota sur sa main, balançant des coups de pieds en tourbillonnant, ses bottes frappant Todo pour le repousser. Puis il se réceptionna, et essuya son nez qui saignait, son sourire de fou du combat rayonnant sur son visage.

Il fonça sur Todo pour lui asséner un coup de genou bien senti, le craquement sec des os brisés se fit entendre. Puis, se servant de son élan, il attrapa la tête du troisième année et passa par dessus lui, pour utiliser le pivot et le balancer avec un lancer presque digne d'un handballeur professionnel.

Todo s'envola à l'autre bout du terrain pour s'écraser sur un poteau. Respirant par à coups, Rei ricana ; le monstre s'était relevé direct, le visage presque intact. Le craquement n'était dû qu'à leurs deux énergies qui avaient crépité. Todo cracha par terre un glaviot sanglant, avant de se remettre en position de combat.

- Arrêtez de vous battre !

La voix venait d'Uyeno, qui s'était placée les bras écartés entre eux, l'air farouchement déterminé.

- Todo ! cria Iori-sensei en s'approchant. Je t'interdis de frapper ton aîné !

- Écartez-vous... gronda Rei à l'intention des deux femmes. Je dois apprendre à ce gamin les bonnes manières.

- Sensei, je me dois de refuser, rugit Todo. Cet homme est abject et doit comprendre à quel point il est monstrueux !

Les rires et les moqueries ressurgirent du plus profond de son coeur, et Rei hurla :

- JE...NE SUIS... PAS... UN MONSTRE !

Clap.

Soudain, à la place d'Uyeno se trouvait un Todo qui armait son poing avec un air triomphant. Reiketsu ne mit pas longtemps pour raccorder l'action dans sa tête et agir ; il dévia le coup, pivotant légèrement pour amortir le choc... et se prit une savate dans la côte opposée. Si violent qu'il s'étouffa sous la pression formidable, avant d'être propulsé par la puissance du coup.

Il s'étala quelques mètres plus loin, mais la lourdeur de l'attaque le faisait encore trembler. Le troisième année était diablement fort... C'était un combattant dans l'âme, et donc l'ennemi naturel de l'exorciste. Il se releva juste à temps pour éviter le coup de poing qui morcela le sol où il s'était trouvé un instant avant.

Mettant une main sur sa côte et respirant comme un buffle, il regardait Todo prendre du plaisir à retirer avec soin son poing de la terre, montrant qu'il en avait encore à revendre. Rapide ? Pas autant que moi, se dit Rei en rassemblant son énergie occulte comme jamais.

Les élèves et même Iori tremblèrent devant cette masse informe et délétère qui jaillit du châtain aux yeux dorés. Iori écarquilla ses yeux : elle vit que la masse avait vaguement une forme, une sorte de silhouette au sourire démoniaque et des bois surmontant cet terrifiant croissant. S'il continue, ça va être un massacre, déglutit la professeur.

Elle ne l'avait jamais vu, mais souhaitait tout de même le voir.

Reiketsu Yakuseki format un lotus en croisant ses mains, en rejoignant ses index et ses pouces tout en écartant ses doigts. Un grondement sourd et lointain se fit entendre, comme pendant un orage.

- Expansion de Dom...

- Allons, allons... M. Yakuseki, dois-je vraiment vous rappeler à l'ordre ?

Rei s'arrêta dès qu'il entendit la voix du Principal Gakuganji. Le vieil homme, appuyé sur sa canne, caressait sa barbe avec un air chagriné. Immédiatement, Reikestu s'inclina au plus bas qu'il put malgré sa blessure.

- Veuillez m'excuser, Gakuganji-sensei !

- Hmm... Iori-chan, tu peux t'occuper des élèves ? J'ai deux mots à dire à notre invité...

- Bien sûr, monsieur, et la professeure s'inclina avant de se tourner vers ses élèves : Allez, les jeunes, on va faire un cours théorique ! Todo, tu devras me faire cent tours de stade pour ta mauvaise conduite !

- Peuh !

- Cent-vingt ! Et comme tu es le premier à avoir attaqué Yakuseki-san, tu dois t'excuser !

-...Okay (il se tourna vers Reiketsu, et s'inclina) Excusez-moi de vous avoir attaqué, même si vous l'avez mérité.

- Euh... D'accord ? (le-dit se frotta la nuque) La prochaine fois, dis-moi plutôt pourquoi tu m'en veux avant de me matraquer la gueule, même si c'était sympa !

Todo se redressa, l'air un peu déboussolé.

- Vous...Vous m'en voulez pas ?

- Bah non, fit Reiketsu en haussant ses épaules. Tu voulais pas vraiment me tuer, simplement me faire comprendre quelque chose avec tes poings.

- Todo ! cria Uyeno tandis que ses camarades s'éloignaient. N'oublie pas de faire tes tours de piste ! Je t'attendrais à la sortie ! (elle se tourna vers Rei) Toi aussi, oniichan !

Reikestu la salua, avant de laisser Todo derrière lui, suivant le vieux principal. Il m'aurait battu, pensa-t-il en souriant. Vraiment incroyable, ce phénomène...

* * *

Deux jours plus tard.

Un téléphone sonna.

Reiketsu se précipita dans le salon, s'étant essuyé les mains couvertes de farine dans la hâte, et décrocha.

- OoOouUh... c'est le Roi Ecarlate qui te parle... Va acheter des dangos et apporte les à la treizième avenue Michibugawa, ou tu subiras mon... couroOouUux !

- Vous n'êtes pas assez convaincant, répondit-il à Gojo.

- Oh, quel rabat-joie ! J'avais pourtant répété avant de faire cet appel ! Mais les dango sont toujours bienvenus~

- Vous aurez vos dango en temps voulu, râla le jeune homme en revenant dans la cuisine ; il cala son téléphone entre sa tête et son épaule, et continua à battre la pâte de riz au poing. Pourquoi vous m'appelez !

- J'ai oui dire que tu avais été promu professeur au lycée technique de Kyoto. Félicitations.

Reiketsu avait discuté avec le principal Gakuganji, ce dernier ayant évoqué les longues heures passées à entendre la communauté des exorcistes féliciter le jeune homme. Et avec ses interventions à Tokyo et à Kyoto, le vieux lui avait proposé un poste en attendant de reprendre du service. D'abord réticent, Reiketsu avait rappelé le principal hier soir pour lui confirmer qu'il acceptait sa demande.

Et bien sûr Gojo était au courant.

- Ce n'est pas grand chose, tu sais. Et puis, maintenant que j'ai regagné le contrôle de mon énergie, ce sera plus simple pour suivre les élèves.

- Ah, j'oubliais ! Je t'ai recommandé comme grade spécial, ça ne te dérange pas ?

Reiketsu fit glisser son téléphone, mais le rattrapa à temps, seulement ce dernier fut couvert de farine. Il le posa à côté du plan de travail en bois, mit le haut parleur et balbutia :

- G...Grade spécial ? Déjà ?

- Comment ça, déjà ? T'es aussi sourd que les vieux grincheux, et aussi sénile... "Si tu n'avais pas cette malédiction, tu serais déjà grade spécial", c'est ce que je t'avais dis quand on s'est battu pour la première fois. Ah, tu as fait chavirer mon petit cœur~ C'était vraiment intense !

- Cesse tes pitreries (Reiketsu inspira, puis prononça ses mots avec difficulté) Merci pour le grade, sinon.

- Roooh, tu vas me faire rougir !

- Tu m'as appelé juste pour ça ?

- Non, je voulais aussi savoir si ça te disait de rencontrer un certain Yuta Okkotsu. Tu verras, c'est un gamin extra !