88.2
Le mercredi, les jumeaux et moi avons décidé de nous rendre à La Symphonie Fantastique qui, en dépit de sa contrepèterie douteuse, a l’une des plus jolies façades sur rue des maisons closes de Red Hill. Il ne s’agit pas de l’habituel comptoir attenant, mais d'une vraie petite salle de concert. Les amateurs sont les bienvenus pour y jouer à tour de rôle du synthé, du saxo, de la guitare dans une ambiance festive. Rock, rap, underpop, raggeatal : chacun y va de son numéro. Les plus chanceux, ceux qui déclenchent l’ovation du public, gagnent le luxe de choisir entre un gain de cent plaques, la bouteille de leur choix ou une heure de passe.
Nous avons assisté au spectacle, applaudi comme les autres et presque oublié la raison de notre présence. Si Nolwenn avait été là, obtenir un passe-droit pour la maison-close aurait été un jeu d’enfant, mais il n’y avait que nous trois, et aucun talent de musicien à mettre en lumière.
— Si t’as envie de faire le show, Tash, c’est maintenant !
Je crois que William voulait seulement la taquiner, mais sa sœur l’a pris au mot. Elle s’est frayé un chemin jusqu’au micro et a déclamé l’une des seules choses qu’elle connaît par cœur : un extrait de son Garo Sansley préféré. En la voyant se surpasser pour transformer le passage du roman en véritable slam, j’ai tiré Will et ses idées de génie jusqu’à la scène où, entre deux tentatives de simuler des chœurs, nous nous sommes retrouvés à lui donner la réplique, à inventer les pas de danse qui simuleraient le meurtre de la Marquise Deboar, les convulsions incontrôlées de son jeune frère en proie à ses traumas de guerre et l’époussetage compulsif de la bonne, leur amante.
Sur le coup, j’étais portée par la bravoure de Tash et l’envie de déchirer. Je devais tout donner, alors j’ai triché. Ce que jusque-là je n’avais fait que dans ma chambre, à l’abri des regards, je l’ai réitéré devant plus de cinquante personnes : j’ai accéléré mon temps pour donner à ma chorégraphie le tempo insoutenable de la déclamation de Tash. Je n’en suis pas fière, mais c’était pour la bonne cause. Et merde, oui, nous l’avons eu notre ovation !
S’en est suivi un bref débat des apprentis maquereaux qui se font appeler « ouvreurs », afin de savoir si oui ou non nous avions livré une prestation musicalement valable. Leurs pinailleries auraient pu avoir raison de tous nos efforts, si une mélomane de la Symphonie n’avait pas volé à notre secours. La prostituée a aimablement proposé de s’occuper de nous trois. Ensemble.
Qu’est-ce qui était le plus gênant : cette première soirée au Korova, les dérapages de Gomorrhe ou de se retrouver, William, Tasha et moi, assis en rang d’oignon sur le lit de l’inconnue qui s’apprêtait à se dévêtir.
— Attendez, madame ! l’ai-je retenue in extremis. Si ça vous convient, on aimerait juste discuter avec vous.
Cette proposition a d’abord éveillé sa méfiance mais, puisque Tasha lui posait uniquement des question sur ses conditions de travail, son bien-être et son salaire, la prostituée a accepté de croire que nous n’étions qu’une bande de jeunes suffisamment inquiets de sa situation pour lui voler une heure de passe. « Et c’est vous qui avez choisi ce métier ? », « En général, vous et les autres, vous aimez ce que vous faites ? », « Si je veux postuler, par exemple, ça marche comment ? » : Tasha a vraiment l’art de poser des questions détournées. Notre hôte paraissait satisfaite de son train de vie et de sa suite cosy. Mais quant au fait de postuler, elle m’a semblé irritée.
— Pfff, c’est pas le bon moment. C’est plus ce que c’était ce commerce-là, tout est en train de changer. Quand on pense que, maintenant, y a des pouffes qui versent carrément des pots-de-vin pour se mettre sur le marché.
J’ai su tout de suite qu’elle parlait de Fugu l’empoisonneuse. Mais les jumeaux ignoraient tout de mes échanges avec Alice et, si je lui avait posé frontalement la question, la mélomane aurait douté de mes véritables intentions. Je devais la jouer fine et, surtout, avoir l’air surprise.
— Mais enfin, qui ferait ça ?
— Vaut mieux pas dire son nom. Faites-moi plaisir, les enfants : si vous revenez prendre du bon temps un de ces quatre ici ou ailleurs, n’achetez jamais les services d’une belle blonde tout en noir.
Cela ne faisait plus aucun doute. Elle qui s’était laissé attendrir par notre dégaine de puceaux, notre fausse inquiétude et qui, désormais, prenait soin de nous mettre en garde, devait être animée par une bienveillance plus large que son outil de travail. Changement de stratégie : le moment était venu de jouer la carte de la sincérité. Règle numéro un.
— En vérité, c’est ma sœur, ai-je avoué.
Sous les regards stupéfaits des jumeaux, j’ai matérialisé la photo de Roxane depuis mon holopad. La femme m’a écoutée lui exposer la disparition de ma sœur. Au moment où j’ai émis l’idée qu’elle ait pu être enlevée et louée de force par une maison de passe, l’émotion de la prostituée a pris le pas sur la mienne. Les larmes aux yeux, elle m’a assuré qu’aucune fourberie de ce genre n’avait sa place à La Symphonie.
— On nous fait lire le contrat en large et en travers. On sait très bien à quoi on s’engage, même si c’est pas toujours de gaieté de cœur. Et puis c’est comme partout : y a une période d’essai avec un droit de rétractation. Il se passe quasi un mois avant qu’on vous injecte la puce et qu’on vous laisse de gros clients.
— Quelle puce ?
— C’est un implant. Une balise. Une sécurité. Quand on met son corps en gage, on détermine une période. Une dette, si on préfère. Là aussi, y a le choix. Mais faut la respecter. Et puis, il faudrait pas non plus qu’on maltraite un client. C’est à ça que sert la bombe.
De fil en aiguille, j’ai compris le principe de ce dispositif, grâce auquel les maisons ont les pleins pouvoirs sur leurs corps-à-louer. Un principe si bien ficelé qu’il fait l’objet d’une législation officielle, d’un paragraphe entier du contrat de travail et trouve une justification suffisante en assurant la sûreté des clients. Roxane aurait-elle signé un tel contrat ? Aurait-elle pu omettre de le lire attentivement ? Et, dans ce cas, sa détention pourrait-elle encore être contestée ?
— Pas grand-monde à Red Hill prendrait le risque de séquestrer une toute jeune fille comme elle. Faut que vous alliez voir au Temple de Vénus. Y a eu beaucoup de mouvements là-bas en peu de temps, beaucoup de nouvelles têtes. Vous pourriez aussi faire un saut au 45. Normalement ils louent pas d’humains, mais paraîtrait qu’ils cherchent à élargir leur gamme…
J’ai fini l’heure au fond de ma tête, à craindre que Roxane soit tombée dans un piège moins grossier que prévu et que la loi elle-même ne soit plus de notre côté. Si elle s’est engagée auprès d’une de ces maisons, quel recours reste-t-il ? Nous devrions rembourser sa dette. Eugénie engrange assez d’argent avec les publications de Papa pour assurer nos dépenses ordinaires et les frais de l’Académie. Luna pourrait possiblement en éponger une partie avec le salaire coquet que lui verse la famille Orsbalt. Salaire qu’elle a déjà proposé de mettre à contribution pour engager Gilgamesh et qui, vu la réponse du détective, risque plutôt de couvrir les frais que les jumeaux et moi engageons en boissons soir après soir.
Pendant que je me triturais l’esprit et retenais mes filières sous-ongles de tisser de façon compulsive, Tasha a alimenté avec brio la conversation. À se demander si le travail de cette femme ne l’intéressait pas sincèrement.
Forts des conseils avisés de cette témoin du milieu, à peine ressortie de La Symphonie Fantastique et puisqu’il n’était pas encore minuit, nous avons marché jusqu’au Temple de Vénus. Toutes les tables de la salle étaient déjà prises, malheureusement, aussi la séduisante vigile nous a invités à repasser un autre jour. Nous étions, selon William, « trop loin du 45 pour y faire un saut à cette heure ». En vérité, et pour une raison que j’ignorais encore, il m’a paru chercher à éviter cette adresse. Il s’est donc empressé de suggérer un crochet par la rue voisine, au fameux Cock’n’tail.
— Aucune chance que Roxane soit ici ! m’a-t-il tout de suite prévenue. À moins qu’elle nous ait caché des talents de mixologue ? Mais bon, puisque nous avons convenu de ne faire l’impasse sur aucune maison…
Nous n’avons pourtant pas eu plus de chance au Cock’n’tail qu’au Temple. Après nous avoir poliment recalés, le serveur nous a même encouragés à réserver directement une table si nous espérions y prendre un verre les jours suivants ; ce que nous avons fait sans broncher.
L’addition de nos excursions nocturnes s’avérait déjà salée alors, m’étant souvenue de l’offre généreuse de Luna, à peine rentrée à l’Académie, je me suis empressée de l’appeler pour lui livrer le compte-rendu de nos recherches. En oubliant surtout pas de mentionner la note, qu’elle a réglée sans discuter.
Sur ce coup-ci, loué soit sa vie de château !
Les deux jours qui ont suivi n’étaient pas encore ceux de notre réservation au Cock’n’tail et, pour une raison obscure, le Temple de Vénus ne désemplissait pas. Nous avons donc visité le salon de thé de La Ruche : la première maison de passe à séduire par ses arguments écoresponsables – trop même pour proposer le sextoy de Cléopâtre – ; au sein de laquelle les butineuses vivent, d’après leurs dires, en quasi autarcie. Puis, le lendemain, William a daigné nous guider jusqu’au 1945, un lieu terrible dont l’originalité n’a d’égale que le sordide. On surnomme cette maison « la ferme des animaux », et pour cause, l'entièreté du personnel se compose de zoobots calibrés pour les pulsions les plus bestiales. Nous avons tenu moins d’une demi-heure à regarder des dégénérés baver devant des zèbres inoxydables et des grizzlys pulsés au nibilium. C’est le temps qu’il a fallu à Tasha pour se mettre dans la poche l’une des mécanos – seuls humains employés par la maison.
Vendredi est arrivé plus vite qu’on ne l’aurait cru, et avec lui la date de notre réservation au Cock’n’tail. L’occasion de souffler et de se détendre pour de bon autour d’un mélange parfaitement dosé, dans une ambiance de club rétro. Comme William le prétendait, les corps-à-louer de la maison, répondant chacun au nom d’une potion alcoolisée, sont triés sur le volet et se doivent de maîtriser l’art de la mixologie. À en croire Piña Colada, il existerait une école onéreuse destinée à former ces coquetels humains. Mes antennes misent plus sur une branche farfelue du réseau de conditionnement. Toujours est-il que Roxane a attendu plus de quinze ans pour apprendre à se servir d’un pressoir à jus, je la vois mal être convertie en barmaid de renom en moins de trois mois de temps, et ce même par le lavage de cerveau le plus efficace qui soit.
Les soirées s’enchaînent. Les lieux diffèrent, ainsi que les corps en vitrine. Mais nos investigations se ressemblent et pataugent. Nulle part on ne parle d’entorse aux contrats. Faute d’entrevoir le visage de Roxane, mes yeux repèrent trop de beautés blondes, toutes de noir vêtues, qui savent possiblement où se procurer du datura. Partout où l’on atterrit, William prend des notes et peaufine des croquis, comme s’il rédigeait un guide touristique pour amateurs de parties fines. Quant à Tasha, j’en viens à me demander si le bagou sans gêne qu’elle déploie devant toutes ces filles en tenues légères ne dépasse pas, en quelque sorte, le cadre strict de l’enquête. Je ne peux ni m’en inquiéter, ni le lui reprocher, car elle demeure notre atout choc, récoltant plus d’infos auprès du personnel que Will et moi réunis. Quand bien même, qui pourrait lui en vouloir ? Depuis que son frère et elle ne partagent plus la même petite amie, elle a l’air de se chercher, partout hors des sentiers battus. Il est naturel que le monde de la nuit et le commerce de la chair aient à ses yeux quelque chose de fascinant.
C’est à nouveau samedi et, en l’absence de cours, nous nous sommes présentés au Temple de Vénus avant l’heure du goûter. En plein jour, le débit de boisson ressemble à n’importe quel bar de la vieille ville. On y croise des gens ordinaires, des ouvriers de l’Agnopole aux équipages de marins, en passant par une employée hautaine qui doit juste sortir du bureau. Contrairement aux autres maisons, les corps-à-louer qui servent au bar affichent tous un style particulier, un genre de déguisement ; comme si, de l’autre côté de la porte blindée, se tenait la fête de fin d’année costumée d’un comité d’entreprise.
La cliente en tailleur se penche par-dessus le bar et souffle sa commande à un barman grimé en homme-lézard : combinaison en écailles synthétiques et maquillage en relief. Je crois que me souvenir que Roxane s’est déjà entraînée à ce genre de prouesse sur la figure rougie de la pauvre Adoria. À peine la commande murmurée, le faux reptilien actionne du bout de la griffe l’une des sonnettes qui recouvrent par dizaines le mur du fond. Moins d’une minute plus tard, une beauté en costard aux allures de vilaine PDG apparaît par une porte dérobée, attrape l’employée coincée par la cravate et la traîne par-delà la porte blindée.
— Comment on les appelle ici ?
— Des hiérodules, me répond William du tac au tac.
— La porte s’est ouverte toute seule. Je n’ai pas vu de badge.
— Le laisser-passer doit être intégré dans l’implant.
— Aucun espoir de s’infiltrer, alors ?
Ni l’un ni l’autre des jumeaux ne me répond. William hausse tout juste les sourcils, déjà absorbé par sa prise de notes. Que dire de cet endroit, sinon qu’il respire un luxe un peu bas de gamme ? L’or et le marbre doivent se trouver de l’autre côté, là où seul le client fortuné a une chance de les toucher. Pour nous, les verres sont sculptés, mais pas en cristal, et les appliques murales toutes en porcelaine de l’archipel. En ce qui concerne Tasha, elle se montre aujourd’hui plus détachée que jamais. À croire que l’instinct ou quoi que ce soit qui nourrit ses capacités sociales ne s’allume qu’une fois la nuit tombée. C’est la première fois depuis le début de notre tournée qu’elle a sorti son livre et, non contente de déjà le connaître par cœur, elle a choisi de relire pour la quarantième fois La langue de la girafe de Garo Sansley.
Je me vois mal interroger le type en écailles au bar. Son déguisement me gêne, peut-être parce que je ne comprends pas comment on peut décider de ressembler à un iguane, quand on a le luxe d’être un humain à temps complet. Pour ma part, si j’avais le choix… Sinon, je peux toujours me tourner vers le robot en robe de mariée comme on n’en croise quasi plus aux bornes d’union du BAS. Ce n’est pas tant que son rouge à lèvres sanguinolent inspire peu la confiance ; je doute surtout de la valeur des réponses qu’elle pourrait me fournir. Et après tout, qu’est-ce que j’ai à perdre ?
— Excusez-moi, vous avez déjà vu cette fille ?
L’androïde fixe la photo de Roxane sans cligner des yeux. Ses lèvres s’agitent. Pas comme elles le devraient mais avec les à-coups caractéristiques d’un vilain bug.
— ˈdʒu.əl ˈdʒu.əl ˈdʒu.əl.
Je crois qu’elle est cassée.
À ce train-là, nous sommes condamnés à commander verre sur verre jusqu’à ce que quelqu’un d’intéressant daigne prendre la relève. La bourse de Luna va lui paraître drôlement légère !
Un peu avant vingt heures, entre le remplacement de l’homme-lézard par une fée dont le dernier bad-trip pend encore à la commissure des lèvres et deux fournées d’aristocrates en escorte, un visage familier passe la porte de la salle. Je regarde le jeune homme se frayer un chemin jusqu’au comptoir, interpeller ce qu’il reste de Clochette. Ni verre sculpté, ni sonnette pressée. La hiérodule lui répond en secouant la tête et lui s’en retourne, tout penaud, sur ses pas.
— Eh Zackary !
Dès qu’il me reconnaît, la surprise lui fait de gros yeux. Il traîne des pieds jusqu’à notre table, plus vêtu pour le surf que pour un cocktail mondain.
— Qu’est-ce que tu fais là, Zack ?
— J’te r’tourne la question, Em’ !
— Hmm. En fait, mes collègues et moi, on mène une enquête.
— Ah ? Oh. Beh moi aussi, en fait. J’cherche m’sieur Sancho. Ça va faire trois s’maines qu’il vient plus et on est bien dans l’pétrin, les gars et moi. Il aimait bien v’nir ici d’temps en temps boire un verre, mais la zouz du bar dit qu’elle l’a pas vu.
J’ai beau me méfier de la petite copine de Nolwenn, je n’ai pas oublié ce que Sancho lui a fait. Savoir que cet homme à qui on faisait confiance fréquentait aussi le bar du Temple de Vénus ne redore franchement pas son blason.
— Dis, Zack, est-ce que Sancho aurait vu Roxane, dernièrement ? Il ne t’a rien dit ?
— Euh, ben nan. Ah ! J’crois qu’elle est passée faire coucou, y a genre… deux mois. Mais j’avais les mains dans l’moteur et elle est pas montée. J’pensais qu’elle v’nait pour la leçon d’surf mais m’sieur Sancho a dit qu’non.
— L’enfoiré.
— Hein ? Quoi ?
— T’as demandé à la mariée-robot, là ? Montre-lui une photo de Sancho. J’veux savoir si elle déraille.
Je raccompagne Zack jusqu’au comptoir. Cette fois c’est lui qui dégaine l’holopad pendant que j’attire l’attention de l’androïde. Ses pupilles biomécaniques scannent le visage de Sancho, ses lèvres claquent de nouveau :
— Besoin d’un soin dentaire ? Avec votre formule hiérodule, vous pouvez bénéficier de tarifs préférentiels chez le Docteur Dobble. Sinon, notre infirmière Jeringa est habilitée à vous offrir une prestation spéciale incluant la pose de couronne et un détartrage stimulant.
Quelque chose me dérange. C’est vrai que je n’ai jamais connu Sancho avec des dents en bon état mais, lèvres fermées, sur la photo, ça ne saute pas aux yeux. Tout en restant à côté de la plaque, le discours du robot varie et le sujet semble cerné. Que pouvait bien signifier sa réaction à Roxane ?
Je sens que la réponse est à portée de main. Pourquoi m’échappe-t-elle encore ? La frustration m’écrase. Zackary non plus ne semble pas à son aise, il s’apprête à prendre congé.
— Si tu revois Sancho, lui dis-je, tu pourrais me prévenir ?
— Ah, ça ça risque pas ! J’vais pas attendre qu’un type de Laverde reprenne le Transit. Nan, j’prends la mer ce soir avec la compagnie postale. J’voulais juste dire au-revoir au vieux.
— T’en fais pas, si je le croise, je lui transmettrai tes salutations.
Tu parles. Si je le croise, ce fion de mérou, j’envoie directement sa position à Gilgamesh. L’abus de faiblesse, c’est encore puni par la loi, que je sache. Si, comme je le soupçonne, il s’avère que notre ami le capitaine a profité de la crédulité de Roxie, je prendrai d’assaut tous les tribunaux de cette île de malheur ; je me créerai une chaîne Speccom, s’il le faut, pour soulever l’opinion publique ; je ne reculerai devant rien pour que la justice l’emporte.
Pendant que je cogite jusqu’à ébullition, le bar a commencé à s’animer. Tasha lève un œil hors de son livre de temps en temps. Je me demande ce qu’elle guette, comment elle les choisit. Mais elle est si douée que je ne veux pas interférer, ne serait-ce qu’en posant la question.
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