Chapitre 5 :

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 – Fais un pas de plus vers nous et je la bute, annonça calmement le ravisseur de Laurène à M. Gomez. Et toi arrête de gesticuler sinon je te trancherai la gorge. Je ne te lâcherai pas.

Laurène était terrorisée mais tenta de le dissimuler, quoique son agresseur en avait peut-être rien à faire de son état actuel. Elle regarda M. Gomez qui ne bougeait pas, en quête d'une solution. Clara rejoignit son père, inquiète. L'adulte savait qu'elle pouvait être en danger et il avait déjà été confronté à des dangers plus conséquent.

– Qui emmènes-tu cette fois ? Dresseuse ? Persévérante ? Mmmh... elle a une bonne tête de Soigneuse ! Mais j'ai l'espoir qu'elle soit une Liée, ricana-t-il en tenant plus fermement Laurène. Qui es-tu jeune fille ?

Laurène ne lui répondit pas et n'osait même plus respirer. Elle devait absolument s'échapper de l'emprise de l'homme : son frère l'attendrait vivante au campus,ses deux autres amies aussi. L'adolescente sentit le couteau s'éloigner d'elle, il approcha son bras de son cou et elle prit sa chance : elle baissa la tête et mordit du plus fort qu'elle pouvait. Leur ennemi hurla et elle se dégagea mais lorsqu'elle voulut totalement s'éloigner il saisit la cheville de la jeune fille, la tira vivement et elle bascula violemment à terre. Son front cogna contre une pierre pointue et elle sentit du sang couler et la douleur lui transpercer le crâne. Elle laissa pousser un juron, ne pouvant plus rien faire.

– Laurène ! s'exclama Clara.

– Cela va.

C'était faux. Elle avait terriblement mal à la tête et on la traînait violemment au sol. Et en plus de cela, elle risquait de mourir ou d'être enlevée loin de toutes ses amies et de son frère ! Elle vivait sa meilleure des vies actuellement. Le père de Clara lâcha son sac et courut vers eux. Il poignarda une fois l'assaillant, il ne lâcha pas Laurène. Il poignarda une deuxième fois, mais il resta solidement accroché. Trois fois, aucun résultat. Quatre fois, l'homme se reporta sur M. Gomez. Laurène s'éloigna le plus vite possible et Clara la prit dans ses bras. Cependant elle la lâcha et hurla son père. Le Dresseur avait le visage tuméfié et en sang, le nez cassé, mais il tenait toujours sur ses jambes. L'agresseur l'était aussi sauf qu'il saignait abondamment. Cela ne l'empêcha pas d'attaquer le papa de Clara. Que faire ? C'était pour elle, pour la garder avec eux, pour la sauver que le père de Clara se battait. Si elle l'approchait ses efforts pourraient être gâchés, mais elle ne souhaitait pas qu'il meure. Clara partit à la rescousse de son père alors même qu'il lui disait de ne pas bouger. L'adolescente n'avait aucune base de combat, elle ne pouvait pas aider son père sans se blesser. Laurène prit la sacoche de l'adulte pour fouiller mais il n'y avait plus rien qui aiderait. Clara saignait déjà à la tempe, cela ne paraissait pas méchant mais cela ne devait pas s'aggraver. Laurène remarqua que l'ennemi faiblissait : sa blessure était mortelle. Il titubait dans une flaque de sang beaucoup trop grande. Ses mouvements étaient lents et il se retenait de céder sous son poids. Sauf qu'il avait encore du temps pour faire du mal à son amie. Laurène se précipita vers eux, elle donna un coup de pieds à l'homme. Ce dernier tomba à genou et lâcha Clara. Néanmoins, il saisissait les poignets de Laurène et la tira vers lui. Leurs têtes cognèrent l'une contre l'autre faisant redoubler l'afflux de sang au niveau de la blessure de la Liée.

– Qui es-tu ?

– Qu'est-ce que cela peut vous faire ?

– Bientôt ! Ils se réveilleront ! Mais pour cela, il faut l'élément déclencheur et cet élément doit être de notre côté ! Pour qu'on puisse le contrôler.

– Je ne suis un déclencheur de rien du tout. Puis pourquoi vous vous en souciez encore ? Vous allez mourir, vous le savez.

– Parce que le Dieu Suprême doit triompher.

Laurène en resta bouche bée. Elle ne pouvait se dégager et observa l'homme, ahurie. Elle ne comprenait pas les histoires qu'il baragouinait, elle ne comprenait rien du tout. L'agresseur n'avait pas vu M. Gomez qui bougeait, qui se trouvait derrière lui. Laurène en était profondément incapable, mais pour les sauver, pour la sauver, lui si. Le couteau, proche de la gorge s'enfonça et le Dresseur maintenait longtemps la force qu'il exerçait dessus. Le sang gicla sur le visage de la Liée et elle hurla. Elle hurla pour avoir vu un meurtre, pour voir cet homme se vider de son sang car il souhaitait la récupérer. Elle comprit qu'il était décédé lorsqu'il ne serrait plus ses poignets. Ce fut atroce. Laurène cria, pleura et fixait l'homme sans vie. Elle était trop sensible pour cela mais elle n'avait pas le choix. Elle pleurait devant un cadavre, oui, il lui voulait du mal... mais cela avait été si violent. Elle comprit que sa vie serait beaucoup plus dure, beaucoup plus violente qu'avant. Elle allait devoir s'y faire, elle devrait dans le futur, savoir reproduire ce que M. Gomez venait de faire pour se protéger. Cela terrifiait Laurène car cela lui paraissait être un processus de déshumanisation : tuer sans s'en soucier. Même si elle devait se protéger, elle voulait se sentir humaine, ressentir des sentiments, des émotions et non devenir une coquille vide. Elle avait peur de ce qu'elle pouvait potentiellement devenir. Le père de Clara soigna les petites blessures des deux adolescentes. Il nettoya le visage couvert de sang de Laurène et lui conseilla de laisser le bout de tissu appuyer contre sa blessure à la tête. Puis ils ne tardèrent pas à partir. M. Gomez avait vraiment besoin de soin le plus tôt possible, et puis la journée était déjà éprouvante pour eux.

Vers la moitié de l'après-midi, ils arrivèrent au-dessus d'une falaise qui cachait le campus. Plusieurs mètres de hauteurs séparaient le sol de celui du site. Le haut de la falaise abritait essentiellement des dragons de terre. Laurène vit une grande bâtisse, de long semblait énorme mais il n'y avait aucun étage. Elle observa surtout un bâtiment étrange placé en haut de la falaise. Ce lieu circulaire possédait un dôme en vitraux colorés qui semblait se marquer dans le style gothique. Le père de Clara fit poser son dragon juste à côté de la falaise : elle avait été creusée pour aménager un endroit. Le dragon de l'adulte s'envola alors que son Dresseur déboula en catastrophe dans le lieu. Il fut pris en charge immédiatement. Jamais Laurène n'aurait pensé que dans tout les lieux du campus, le premier qu'elle visiterait serait l'infirmerie. Pour y penser, c'était déprimant quand même. L'infirmerie était une grotte creusée par les humains puis aménagée spécialement pour l'usage. L'endroit n'avait pas les murs peints, il s'agissait juste de la pierre de la falaise mais le sol avait été lissé, sûrement pour éviter les chutes des Soigneurs et des personnes prises en charges. Il y avait des escaliers et Laurène s'imagina le même agencement qu'au rez-de-chaussée si on pouvait réellement appeler cela comme cela : deux rangées de lits à perte de vues avec un passage unique. Enfin, elle releva que l'infirmerie se fragmentait en plusieurs centres grâce à des pancartes pour indiquer « brûlures », « chute de dragon », « fractures », « traumatisme crânien » etc... Les Soigneurs se facilitaient la vie en s'organisant bien. Clara rejoignit son père et resta avec lui. Laurène se trouva paralysée, incapable d'esquisser un geste, ce qui ne la dérangea pas des moindres car elle voulait laisser le père et sa fille ensemble. Une dame aux cheveux noirs bouclés, aux yeux bridés à l'uniforme vert foncé l'observa avant de lui mettre une lumière dans les yeux : Laurène sursauta. La dame désinfecta et pansa sa plaie au front. Laurène se laissa faire, épuisée pour avoir la force de refuser son aide.

– Pas d'inquiétude, aucun signe de traumatisme crânien, assura-t-elle au Dresseur. Elle est juste sous le choc et fatiguée de sa journée. Tu dois te reposer jeune fille, une bonne nuit de sommeil te fera le plus grand bien. Si cela ne va pas, viens me voir.

– Merci. Ne reste pas planter ici Laurène. Viens.

La jeune fille s'avança vers eux lentement. Elle n'osait à peine les regarder, honteuse pour tout ce qu'elle avait dû leur faire subir. Elle s'excusa. L'adulte la força à le regarder, un petit sourire et un regard compatissant pour lui assurer que cela allait pour lui.

– C'est mon métier de protéger les plus vulnérables, déclara M. Gomez. Si je n'avais pas réussi à te protéger, je m'en serai voulu toute ma vie. Nos ennemis sont trop cruels.

– J'essayerai de devenir plus forte, promit Laurène.

– Laurène. Je ne veux pas que tu deviennes une machine de guerre sans sentiments. Je veux juste que tu saches te protéger en cas de danger. Parce qu'une situation comme celle-là, tu y seras encore confronter de nombreuses fois. Cette promesse, ce n'est pas à moi que tu dois la faire mais à toi même.

Laurène lâcha un faible remerciement, ne se détachant pas de la culpabilité qu'elle ressentait. La jeune Liée entendit son frère au loin. Le reste du groupe avec la maman de Clara déboulèrent à l'infirmerie. Mme. Gomez se précipita vers son mari pendant que Lucas se jeta dans les bras de sa sœur. Il la serait très fort mais elle s'en fichait, elle se laissa aller dans les bras de son frère.

– Espèce d'idiote ! J'aurai dû y aller à ta place ! s'écria l'adolescent. Cela va ? T'es blessée ? Ton front ! Que s'est-il passé ? Pourquoi...

– Calme toi Lucas, intervient Anna. Laisse la un peu respirer. Son voyage n'a pas été aussi paisible que le nôtre.

– Ouais enfin, avec ce qui s'est passé sur le chemin isolé, marmonna Valentine visiblement pas d'accord.

– CE QUI S'EST PASSÉ SUR LE CHEMIN ISOLÉ RESTE SUR LE CHEMIN ISOLÉ ! s'affolèrent Mme. Gomez livide, Anna et Lucas.

– Que s'est-il passé ? fit M. Gomez.

– Absolument rien.

Cela arracha un sourire à Laurène qui se décida qu'elle soutirerait l'anecdote à son frère. Puis elle croisa le regard inquiet de ce dernier, insistant pour un petit récapitulatif des événements. Au moins, ce qui s'était passé pour eux semblait moins grave que lors de son voyage, cela la soulagea que son frère n'eut pas supporter cela.

– On s'est fait attaquer par un ennemi, révéla-t-elle.

– Où est-il ? se renseigna la mère de Clara soudainement intéressée.

– J'ai dû le tuer. C'était Laurène ou lui, répondit son époux.

– Cela aurait été encore mieux si vous aviez pu le capturer...

– Je n'étais pas assez armé.

Laurène trouva la femme de M. Gomez très injuste envers lui : il l'avait sauvé, il avait pensé à la survie avant l'utilité, c'était normal. Sa femme fut appelée pour une urgence et elle partit directement sans même saluer sa fille. Clara l'observa s'en aller, de marbre, ne souhaitant pas montrer que cela l'impactait. Même si son amie le cachait, Laurène le remarquait. Depuis toujours Clara obtenait très peu l'attention de sa mère, elle lui avait confié plus jeune que cela lui faisait énormément mal, et Laurène voyait bien que cela restait toujours le cas.

Valentine, Anna et Lucas n'avaient pas encore fait le tour du campus. M. Gomez se remit suffisamment pour les conduire lui-même. Il tenait à leur faire visiter les lieux et à leur expliquer un peu plus comment cela allait fonctionner. Il avait grandi ici, il devait être connu par énormément de personnes. Voir sa fille débarquer l'enthousiasmait beaucoup et serait sûrement un grand événement pour les personnes qui le connaissaient.

– As-tu rencontré les autres Liées ? chuchota Laurène à l'oreille de son jumeau.

– Non, pas encore. Mais cela va aller Laurène. Je suis sûr qu'ils sont cool ! Déstresse. Ici, tu ne crains rien.

Après l'attaque durant le voyage, Laurène ne parvenait pas à en être certaine même si elle aurait bien aimé être aussi convaincue que son frère.

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