Laurène n’avait rien d’autre à faire que d’attendre le réveil de son camarade même s’il allait sûrement lui sauter dessus, un couteau à la main pour se venger. Au moins, le Soigneur pensait qu’il n’avait rien de très grave malgré le choc. Laurène refusait aussi de se dire qu’elle était choquée de son acte, mais c’était vrai. Elle avait presque agi naturellement. Il y a quelques semaines, jamais elle n’aurait blessé quelqu’un. Elle pensait déjà qu’elle commençait à devenir un monstre. Un monstre que personne n’aimerait. Cela l’effrayait trop, pourtant elle se souvint d’Aaron, de sa fureur. Lui aussi semblait terrifiant dans cet état-là.

M. Gomez passa prendre des nouvelles d’Aaron, Laurène lui fit un topo et il s’empressa d’aller voir les parents du jeune homme. Un autre ami à lui qui avait tenté de ‘‘protéger’’ son enfant ? Pathétique. Laurène comprenait désormais le ressentiment d’Aaron. Il semblait avoir vécu une situation familiale particulièrement horrible. La Liée ne savait pas ce qui s’était passée, mais sûrement quelque chose de grave. Elle profita de se retrouver à l’infirmerie pour faire soigner ses blessures et regagna le chevet d’Aaron aussitôt fait. Le jeune homme dormait, sa poitrine se soulevait à intervalle régulier.

« Tu dis que tu ne l’apprécies pas, mais tu veilles sur lui. »

« Je ne veille pas sur lui. J’attends juste qu’il se réveille pour lui expliquer que je n’avais nullement eu l’intention de le tuer. »

« Oof, s’il était mort tu n’aurais pas été très triste de toute façon. »

« Ne soit pas horrible ! Ouais je ne l’aime pas, mais pas de là à le voir mort. C’est hyper radical. »

« Comme quoi les choses évoluent, tu ne disais pas ça il y a quelques jours. »

« Cela ne change rien. Je m’entends avec lui par nécessité. Pas parce que j’ai des affinités avec lui.»

« C’est vrai, sage décision… »

« Je ne suis pas que rebelle. »

Laurène sentait qu’Ignisaqua la poussait à faire un effort avec son camarade, néanmoins elle se demandait bien pourquoi. Il détenait des informations qu’elle ignorait. Le Lié se réveilla en fin de matinée alors que l’adolescente discutait toujours avec son dragon, assise à ses côtés. Le grognement d’Aaron la sortit vite de sa discussion avec Ignisaqua. Dès qu’il tourna un peu la tête, il se stoppa à cause de la douleur lancinante. Il se redressa lentement et ouvrit les yeux. Laurène se braqua et ne fit rien mais le Lié remarqua vite sa présence à son chevet.

– S’il-te-plaît ne me tue pas ! Je voulais juste éviter un drame, pas te tuer, lâcha la jeune fille à toute vitesse.

Aaron la regarda avant de rire. Soit il allait d’un moment un autre lui sauter à la gorge, soit elle avait vraiment cogné trop fort sa tête. Cela ne rassura donc pas du tout sa camarade qui se leva pour s’échapper d’un tête à tête pour le moins gênant. Elle partit en quête d’un Soigneur pour ausculter Aaron.

– Merci, prononça doucement ce dernier.

Cette fois se fut Laurène qui rigola, plus de nervosité qu’autre chose. Évidemment qu’elle avait toujours peur qu’Aaron se lève afin de l’étriper, mais il ne semblait pas disposer à le faire et cela l’étonna vraiment.

– Pour t’avoir assommé à coup de brique ?

– Oui.

Laurène éclata de rire pour de bon car cette réaction lui paraissait si improbable qu’elle ne parvenait pas à croire que cela pouvait être vrai.

– Te moques pas, ce n’est pas gentil ! s’écria-t-il comme un enfant Je n’étais pas bien… j’allais commettre l’irréparable et tu es la seule qui a réagi. J’aurai pu avoir des gros problèmes avec la justice. Alors je te remercie de m’avoir épargné cela. Je t’en dois une…

– Je ne voulais pas qu’on m’accuse de non-assistance à personne en danger, dit Laurène en souriant. Plus sérieusement… c’est chaud avec tes parents. Vous n’avez jamais essayé de parler pour arranger les choses ?

– Je n’ai plus jamais voulu leur parler après mon arrivé ici.

– Alors je suppose que j’ai eu raison de leur dire de ne plus jamais revenir te voir.

– Comment fais-tu ?

– Pour ?

– Pour connaître les gens.

– Je ne les connais pas. Je ne te connais pas, contredit Laurène. Il suffit juste d’observer pour faire des déductions. Lucas aussi fait cela. Et toi aussi tu le fais, tout le temps même. Je t’observe comme tout le monde tu sais… Puis sérieusement, avec ce qu’il vient de se passer, je n’ai pas à être Einstein pour remarquer qu’il y a un problème.

Aaron dodelina de la tête et Laurène eut peur qu’il se sente mal, encore plus parce qu’il ne disait rien. Sauf qu’il ne semblait pas souffrir le martyr et il la regardait juste, pensif.

– Et qu’est-ce que tu vois ? prononça-t-il enfin.

– Que Henry parle peu et veut se faire discret. Que Joyce et Lucas se rapprochent depuis que je ne suis plus là. Enfin, avec eux, car à ce que je sache, je suis vivante pour le moment. Clara fait la gueule pour une raison qui m’est encore mystérieuse. Valentine et Anna semblent s’être mises ensembles, énuméra Laurène avant de croiser le regard amusé d’Aaron, comprenant qu’il demandait par rapport à lui et non les ragots du groupe.

Laurène était mortifiée de révéler toutes ses informations personnelles aux autres à son camarade. Elle détourna le regard et se mordilla la langue. Quelle gaffe !

– Et moi ? Je me fiche de savoir ce que tu penses de moi, mais qu’observes-tu ?

– Toi… souffla la Liée. Tu observes aussi, beaucoup comme moi en faites. Les filles te gavent un peu à part Clara, mais tu te forces à t’habituer car elle est ton amie. Tu veux me frapper très fort dès que tu me vois, je suppose que je dois te rappeler une mauvaise connaissance… Tu as visiblement eu des gros problèmes avec tes parents. Tu n’as confiance en personne ici et aussi en dehors, je dirais même si tu pourrais avoir confiance en certaines personnes. Et j’ai la désagréable impression que tu me cache quelque chose en ce moment. Oh ! Et tu fais une fixation sur Henry.

– En qui veux-tu que je fasse confiance ?

L’idée d’accorder sa confiance aux autres l’angoissait. Laurène ne pouvais le juger, elle ne connaissait rien de son vécu, de sa vie.

– Nous autres Liés sommes dans le même bateau que toi, donc tu pourrais tenter de nous faire confiance. Cependant, je suppose que tu as peut-être trop peur. Néanmoins tu pourrais avoir confiance en M. Gomez. Non ? tenta sa camarade.

Il resta silencieux. Laurène leva son bras pour appeler un Soigneur avant de retourner à sa place. Elle voulait savoir la gravité de la blessure qu’elle infligeait à Aaron. Le Soigneur lui donna des antidouleurs et lui conseilla de se reposer toute la journée, ce qui agaça le jeune homme. Il ne supportait pas de ne pas être productif, mais il n’avait guère le choix. Sa camarade se demandait si elle finirait comme lui, à force d’être poussée par les adultes toujours plus loin. Laurène se leva avec lui et ils firent le chemin pour la cantine ensemble. Tout deux remarquèrent bien qu’on les observait à leur passage. Rien d’étonnant mais cela rendit Laurène mal à l’aise, elle détestait être observée de la sorte. Aaron s’arrêta avant d’entrer dans le bâtiment. Il semblait vouloir parler mais hésitait.

– Je n’ai jamais connu quelqu’un qui arrivait à lire en moi et ce qui me perturbe le plus, c’est que je suis incapable de prédire tes réactions alors que tu comprends le pourquoi de mes actes.

Les actions de Laurène dépassait le Lié et il aurait aimé pouvoir deviner comme il parvenait à le faire pour les actions des autres. Mais elle était différente des autres. Cela, il le remarquait déjà, il savait.

– C’est faux, articula Laurène. Beaucoup de chose m’échappent malgré tout et je ne prédis pas. Je cherche à comprendre pourquoi. Lucas aussi observe et déduit beaucoup. Cela doit être de famille ou caractéristique des Liés ! Mais au moins maintenant, je comprends pourquoi tu es froid avec moi.

Laurène s’était en allée avant qu’Aaron ait pu répondre quoique ce soit. De toutes manières, il ne comptait pas lui dire à quelle point elle était trop spéciale pour ne pas le dérouter. Il avait peur qu’elle le prenne mal aussi. Il savait pertinemment qu’il devait faire un effort pour s’entendre avec elle, surtout que sa camarade n’était pas méchante. Cependant il ne trouvait pas de solution.

En fin de journée, la jeune fille regagna le quartier des Liés. Fatiguée par sa journée, la seule chose qu’elle souhaitait, était de prendre une bonne douche et d’enfiler son pyjama. L’adolescente passa devant Henry en le saluant rapidement.

– T’étais incroyable ce matin ! lâcha le jeune homme.

– Pardon ? lança Laurène en se retournant surprise.

– Je veux dire, pour quelqu’un qui est entraîné au combat que depuis seulement deux semaines, tu te débrouilles vraiment bien je trouve. Puis… tu as gardé ton sang froid ce matin quand Aaron s’est énervé, justifia Henry en souriant.

– Merci, c’est gentil, répondit Laurène un peu choquée. Après je n’ai pas vraiment le choix… puis Mme. Amaro pense que je ne suis pas à la hauteur. Donc bon !

Malgré tout, son cœur se réchauffa d’entendre cela. Évidemment qu’elle ne se sentait pas légitime à de tel compliment sauf que cela lui faisait du bien d’entendre cela. Surtout venant de quelqu’un qu’elle ne connaissait pas spécialement. Laurène se disait qu’elle devrait faire un effort avec Henry, et non le laisser seul comme cela. Lui aussi était Lié.. se serrer les coudes ne coûtaient rien.

– C’est étrange de faire des conclusions si hâtives alors qu’il nous faut tous du temps pour s’adapter, apprendre et évoluer.

– Les adultes ici ne m’apprécient pas de toutes façons, donc je commence à m’habituer.

– Moi non plus ils ne m’aiment pas… M. Gneiss trouve que je suis trop faible.

– Alors bon courage à toi pour la suite de ta formation Henry ! Tu pourras être épaulé par Joyce et Lucas, ils te soutiendront j’en suis sûre. Si tu as des questions tu peux me demander mais je ne suis sans doute pas la personne la mieux placée pour répondre. Je veux dire… je peux être là moralement, mais je n’y connais rien à ce monde.

Elle ne l’orienta pas vers Aaron à cause de son hostilité qu’il prononçait peu mais gardait visible. Juste avant le repas, Laurène partit à la recherche de Clara mais elle devait être dans le quartier des Dresseurs, or Laurène ne pouvait pas y accéder et elle était trop timide pour toquer et demander. Puis les Dresseurs possédaient le quartier le plus grand car ils étaient beaucoup plus nombreux, elle se serait perdue et ne l’auraient pas croisé. La blonde ne vint pas manger avec eux, ce qui mit en rogne Valentine. Leur amie n’avait pas à les snober d’une telle manière ! Anna qui généralement n’intervenait dans aucune dispute, paraissait elle aussi agacée par l’attitude de Clara. Laurène pensait juste qu’elle tissait des nouvelles amitiés, ce qui était normal. Pourtant, l’agacement de ses amies la confortait dans le fait que c’était étrange. Que diable se passait-il pour que Clara les ignore ? Aucune des trois n’avaient fait quelque chose de désobligeant. Et la jeune fille n’était pas du genre à s’offusquer facilement. Il allait falloir clarifier la situation, un jour. Malheureusement Clara disparut avant même que Laurène eut terminé son repas. Laurène souhaitait expliquer la situation à ses amies en même temps. Clara ne lui facilitait pas la tâche à la bouder pour elle ne savait quelle raison.

– Bon Lucas, tu lui diras que je voudrais bien lui parler… saurais-tu pourquoi elle agit comme cela ?

– Tu connais Clara. Elle doit sûrement se monter la tête avec trop de pression. Cela ne serait pas la première fois. Tu le sais aussi.

– C’est cela qui m’inquiète… mais ce n’est pas logique. Pourquoi ne plus nous adresser ne serait-ce qu’un regard ?

– Je me renseignerai. Tu sais, on s’entend bien avec Clara quand même, donc peut-être qu’elle me parlera, déclara doucement Lucas, se voulant rassurant.

– J’espère…

– Bon allez-vous reposer ! Cela sera vos premiers duels demain donc vous serez bien contents d’être en forme, assura Aaron. Laurène, si tu perds contre Joyce ou Henry ou Lucas, je te ferai vivre un cauchemar pendant nos entraînement jusqu’à la fin de l’année ! Et vous autres, donnez tout ce que vous avez. Si vous faites exprès de vous faire battre, je le remarquerai.

Au moins, Aaron était clair. Laurène détenait son comportement futur envers elle. Elle se devait donc de réussir pour son propre bien. Néanmoins, trouver le sommeil s’avéra plus compliqué que prévu. L’événement d’aujourd’hui perturbait pas mal la Liée, comme le reste de tout ce qu’ils se passaient dans sa vie en ce moment de toutes manières.

« Tu devrais cesser de te poser des questions inutiles. »

« Tu n’as pas l’habitude d’être perturbé toi… »

« Je n’en ai pas l’occasion de toutes manières. Tu es humaine donc cette attitude est normale, mais je peux t’assurer que tu es plus soucieuse que la moyenne et que nécessaire. »

« Tu sais bien que j’ai des raisons de me méfier avec ce que je suis. »

« Et tu sais que je serai toujours là pour te sauver en cas de danger. »

« Je le sais Ignisaqua. Mais je dois aussi savoir identifier mes alliés et mes ennemis. Une personne sans aucun esprit de déduction peut apporter plus de problème que quelqu’un non préparé physiquement. »

« J’aime cette manière de penser. Tu es lucide. »

« Je me force à l’être car mes aptitudes physiques me font défaut. Elle ne sont pas assez développées. »

« Je veux que tu sois prête et les adultes aussi. Mais n’oublie pas une chose : personne n’est parfait. Certes tu as besoin de développer ton combat mais ta formation est faite pour cela. Tu n’as pas à t’obstiner à être celle qu’ils veulent que tu sois. Tu ne dois pas oublier l’essentiel : ne t’efface pas. Reste toi avant tout. Tout prend le temps qu’il faut, ce que tu veux développer, se développera en temps et en heure. »

« Il faut juste que je parvienne à m’endurcir. Sinon je crains de finir hantée par des événements traumatisants. »

« Même les personnes endurcies, surtout les personnes endurcies sont hantées par des traumatismes passés. »

« Tu savais que j’étais l’élue ? »

« Oui je le savais. Il y a beaucoup de choses que j’aimerai te divulguer, mais je ne peux pas pour ton bien. Tu en saurais trop et cela serait la pire chose si nos ennemies te trouves. Tu comprends ?»

« Oui… »

« Cela n’a rien à voir avec ma confiance en toi. »

Cela frustrait Laurène mais elle entendait bien que cela devait être vrai. On ne lui parlait pas énormément des ennemis, mais elle se doutait bien avec l’attaque durant le trajet qu’ils ne se montreraient pas sympathique si elle les rencontrait. Ignisaqua semblait sans histoire donc elle se demandait ce qu’il détenait. Qu’avait-il vécu ? Dans quoi s’était-il embarqué pour qu’il sache des éléments sensibles à ce point ? Cela turlupinait la Liée sauf qu’elle se contraignit à arrêter de penser. Elle devait dormir pour être en forme, mais ce n’était pas simple.

Le lendemain matin, comme à son habitude, Laurène s’attacha les cheveux. Elle ne les avait jamais lâchés en public ici, mais surtout, elle ne souhaitait pas qu’ils la gênent en plein duel. Elle opta pour des nattes collées, elles se balanceraient moins. Laurène se força à manger. Sauf qu’elle ne tenait pas en place à cause du stress. Il n’y avait aucun enjeux ! Cependant savoir que tout le monde allait l’observer l’angoissait terriblement. Elle pouvait se montrer gentille mais Laurène n’appréciait guère les gens. Elle redoutait toujours les messes basses ainsi que les moqueries. Ces choses-là la toucheraient. Elle ne voulait pas s’en embarrasser sauf qu’elle ne pouvait les contrôler.

Encore ce matin, lorsqu’elle apparut dans la salle commune, les gens évoquaient son geste envers Aaron, la traitant de folle ou d’intrépide. Ignisaqua lui répétait encore une fois qu’elle ne devait pas les écouter. Une fois de plus, Clara ne vint pas les voir. Lucas tenta donc une approche et elle ne le rembarra pas. Ses trois amies étaient frustrées de ce comportement qui les blessait en plus de cela. Ce matin, les duels entre même catégorie se déroulaient. L’après-midi, cela serait entre chaque gagnant des catégories. Cela durerait un moment pour les Dresseurs et les Soigneurs, moins longtemps pour les Liés et les Persévérants.

Tout le campus se rassembla dans l’arène et les duels débutèrent par ceux des Soigneurs. Anna perdit dès le premier tour. Toute honteuse, ses amis la réconfortaient : elle n’était pas entraînée et son gabarie ne la favorisait pas. Ce fut logique qu’elle ne gagne pas même si sa camarade aussi de première année n’était pas plus avancée qu’elle. Le passage des Dresseurs fut beaucoup plus long et la bande, mise à part Aaron qui observait, décrocha bien vite.

– Tu devrais analyser leurs techniques, reprocha Aaron à Laurène profitant qu’elle ne parle plus.

– À quoi cela me servirait ? Si jamais j’arrive à battre quelqu’un, tu m’infligeras une défaite. Et je ne rencontrerai aucun d’entre eux.

– Dans quelques semaines je te laisserai face à eux, affirma Aaron. Et dans quelques mois, je ne serai plus là, donc tu seras obligatoirement la Liée la plus forte et pas seulement. La personne la plus forte du campus. Tu dois l’être.

Laurène retrouva son attention lorsque ce fut le tour de Clara. L’apprentie Dresseuse embrassa les tribunes du regard avant de se concentrer. Elle possédait la qualité d’être rapide mais ses gestes manquaient de précision selon Aaron. Néanmoins Clara battit sa camarade de première année avec une facilité remarquable. Au second tour, elle battit un autre de ses camarades de première année mais elle s’inclina de peu face à une seconde année. Aaron assura qu’avec de l’entraînement elle deviendrait une combattante redoutable. Sûrement une des meilleures Dreusseuses de sa génération. Cela faisait plaisir d’entendre cela, mais Laurène ne pouvait être totalement heureuse sans savoir ce qui se passait dans la tête de son amie.

Vint le tour des Persévérants. Valentine n’avait pas la même aisance que Clara mais une lucidité tactique se relevait. Malgré tout, la brune se hissa au second tour. Laurène taquina Anna en la voyant toute fière de la jeune fille. Puis Valentine tomba sur un Persévérant de deuxième année vraiment plus fort qu’elle.

Pour les Liés, le tirage au sort fut plus compliqué. Laurène eut la chance d’être exemptée du premier tour qui opposerait Aaron à Lucas et Joyce contre Henry. Aaron fut épargné pour le prochain tour après avoir battu entre une ou deux minutes Lucas. Et encore, il n’avait pas encore activé son partage. Le combat entre Joyce et Henry fut plus serré. Joyce le remporta non sans peine. Le duel de Laurène contre Joyce commençait directement. La jumelle se prépara. Aaron fixait l’arène.

– Fais attention à toi, déclara-t-il en plissant les yeux.

– Pourquoi ? s’étonna Laurène en donnant sa veste à son frère. Joyce ne veut pas me tuer, tu le sais au moins ? Tu n’as pas confiance en elle ?

Le jeune homme ne lui fournit aucune réponse cependant il grimaça quand elle fit allusion à la confiance. Laurène dissimula son tremblement et Lucas lui conseilla de respirer lentement. Ce qu’elle fit. En entrant dans l’arène, elle tenta de faire abstraction des spectateurs. Ils ne comptaient pas. Lorsque le directeur annonça le début du duel, Joyce s’élança immédiatement. Laurène la fit tomber, lui entailla les bras et les jambes, l’affaiblissait en la fatiguant car elle la forçait à se déplacer tout le temps. Néanmoins lorsque sa camarade lui saisit la jambe pour la faire tomber, Laurène se retrouva au mauvais endroit, au mauvais moment. D’habitude, elle aurait répliqué mais une horrible douleur à la tête lui signala que son crâne avait heurté un objet pointu. Le regard horrifié de Joyce le lui confirma. Laurène leva péniblement le bras et toucha du liquide en rapprochant sa main sur le sol, près de sa tête. L’adolescente eut juste le temps de penser que l’arène devait être nettoyée. Elle eut juste le temps d’entendre le début du cri d’horreur de Joyce avant que tout ne se réduise progressivement à rien.

Laurène… Laurène… Laurène… La Liée comprit qu’Ignisaqua tentait de forcer son réveil.

« Il est quelle heure ? »

« Midi, tu es restée inconsciente presque deux heures. »

La jeune fille ouvrit doucement les yeux et Lucas bondit de sa chaise pour s’approcher. Lorsqu’elle se redressa, la douleur se fit plus vive.

– Je suis désolée ! commença Joyce paniquée, qui visiblement avait pleuré. Je n’avais pas vu la pierre.

– Ce n’est pas de la faute, prononça lentement Laurène en souriant. Clara n’est pas là ?

Ce fut une douche froide. Même en colère, Clara restait son amie… cela attristait Laurène que Clara ne se fasse pas de soucis à son sujet. Elle ne la comprenait pas. La déception et la colère se lovèrent dans son cœur et elle se sentit mal.

– C’est quand même pas de bol, remarqua Valentine.

– C’est mon karma, sûrement pour avoir frappé Aaron avec une brique.

Après quelques minutes, la bande partit manger, laissant la jeune fille seule à l’infirmerie. Les Soigneurs ne voulaient pas la lâcher sans s’assurer qu’il n’y avait aucune anomalie. Néanmoins, Aaron retourna sur ses pas. Laurène voulut le questionner mais il la devança.

– L’arène est censée être nettoyée tout les jours. Ce caillou n’aurait pas du se trouver là.

– Je me suis dit la même chose mais…

– Tu vas encore me traiter de parano mais… je pense qu’il y a un espion des ennemies ici. Je pense que l’information sur toi a dû être entendue par ce dernier et qu’ils tentent de te tuer.

– OK admettons que ton hypothèse saugrenue soit juste, accorda Laurène. Tu veux que ce soit qui ? T’as une idée au moins ?

– Je n’en ai pas la moindre idée, lâcha Aaron dépité. Cela peut être n’importe qui… un camarade de n’importe quel catégorie, comme un adulte professeur, comme un membre du personnel. J’enquêterai.

Il semblait si sûr de lui, si investi que cette hypothèse paraissait plus logique à Laurène. Elle se tordit les doigts, ne sachant que dire, et ne sachant comment le remercier.

– Moi aussi alors, renchérit Laurène. Mais pourquoi es-tu si certain ?

– On nous dit qu’on est protégé ici… Ce n’est pas tout à fait vrai, murmura Aaron.

La jeune fille remarquait dans son regard qu’un souvenir douloureux semblait revenir à la surface de son esprit. Elle n’osa pas en évoquer. S’il ne voulait pas s’épancher sur le sujet, c’était qu’il n’était pas prêt et elle n’avait pas à le forcer, encore moins pour sa curiosité et Laurène en avait conscience.

– Les adultes dissimulent beaucoup d’informations, l’essentiel des incidents. Lorsqu’on me soupçonnait d’être l’élu, il n’y avait pas besoin d’un camarade pour me retrouver de multiples fois à l’infirmerie… ils ont des sbires Laurène. Il y a un traître parmi nous.