Chapitre 14 :

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Seul Aaron ménagea un peu Laurène. Le directeur se contentait d’exiger de plus en plus de résultats qui lui semblaient satisfaisants. La blessure de la jeune fille n’impactait absolument pas son envie d’obtenir des résultats. Laurène avait l’impression qu’il appréciait sa douleur. Et la jeune fille commençait à douter que son corps allait tenir la cadence. Aaron prenait en compte sa blessure mais l’entraînait toujours tous les jours. Le jeune homme s’était mis en tête de rendre Laurène plus forte pour qu’elle ne meure pas avant ses 16 ans ! Laurène aussi espérait survivre d’ici avril avec son frère. Après mûre réflexion, Ignisaqua était venu à la même conclusion qu’Aaron. Ce qui ne rassurait absolument pas la jeune fille. Elle n’était pas habituée à ce qu’on lui veuille du mal, encore moins sans savoir pourquoi. Cette situation lui paraissait irréelle. Dans le milieu de la semaine, M. Gomez débarqua chez les Liés alors qu’ils se préparaient pour partir en cours.

– Qui est de la zone C ici ? demanda-t-il.

– Des zones ? fit Joyce surprise.

– Le système scolaire français sépare son territoire en trois zones et répartit les vacances différemment selon elles sauf pour les premières vacances, Noël et les vacances d’été, clarifia Laurène.

– Oh… Dès que je suis retournée en France, on m’a conduit ici.

– Est-ce que tu sais où habite tes parents ?

– Vers Rouen.

– D’accord, les vacances ne commencent pas tout de suite pour toi, la semaine d’après. Aaron, toujours de la zone C comme les jumeaux ?

– Je suppose que oui…

– Laurène, Lucas, voulez-vous rentrer chez vous à partir du week-end ?

– Je ne serai pas contre. Il faut que je m’excuse auprès de mes parents pour… tout ce que j’ai fait ces dernières années, affirma Lucas.

Sa jumelle trouvait ça courageux de la part de son frère de faire ça. Elle savait bien qu’en partant il avait réalisé que sa crise d’adolescence était allée très loin, cependant elle n’aurait pas imaginé qu’il veuille vraiment arranger ses relations avec leurs parents.

– Je vais rester ici. Puis, je n’ai pas envie de me faire attaquer en plein vol. Rester ici me permettra aussi de m’entraîner plus longtemps, déclara-t-elle après une rapide réflexion.

M. Gomez partit sans demander à Aaron, connaissant déjà la réponse. Puis l’adolescent avait failli s’énerver lorsque le Dresseur lui avait affirmé que tout allait bien et qu’aucun traître se trouvait parmi eux. Cela agaçait Aaron qu’il ne soit pas plus alerte et ça rassurait Laurène qu’il pense ça mais elle comprenait les craintes d’Aaron. Malheureusement, elle les sentait elle aussi. Si des événements étranges continuaient à se dérouler autour d’elle, elle ne pourrait plus nier l’évidence d’un traître. Pourtant elle gardait l’espoir que ce ne soit que leur paranoïa.

– Toi aussi tu habites dans la couronne périurbaine de Paris ? s’étonna la Liée.

– Que de vocabulaire ! Tu as bien suivi tes cours de géographie en troisième, se moqua Aaron un sourire narquois. Mais non, je viens de Versailles. Mes parents y habitent toujours je crois. Ça fait longtemps que je n’y suis plus allé.

Lucas prit sa jumelle à part pour lui parler. Il tentait de la convaincre de rentrer avec lui, qu’elle devait apaiser les tensions avec ses parents au lieu que cela se finisse par ne plus jamais se parler. Sauf que Laurène ne voulait pas. Ne pouvait pas. Avec tout les événements des semaines précédentes, elle avait compris deux choses : tout trajet sécurisé ou non pouvait se solder par une tentative d’assassinat et sa vie basculait sérieusement dans la catégorie des vies risquées que personne n’aimerait réellement avoir. Tout cela à cause de ses parents. La Liée savait qu’elle pouvait potentiellement leur pardonner pour qu’elle puisse se sentir mieux, mais il fallait du temps. Beaucoup de temps, or c’était trop récent pour elle. Laurène sentait la colère qui la rongeait dès qu’elle entendait parler ou qu’elle pensait à ses parents. La jeune fille ne voulait pas agir sous le coup de la colère et dire des choses qui dépassaient ses pensées. Et elle était quasiment certaine que ça risquait d’arriver face à ses parents.

Henry débarqua juste après, comme Joyce il faisait partie de la zone B et prévoyait de revenir chez lui. Cela devait demander énormément de boulot d’escorter autant de Liés à chaque trajet séparé. Laurène s’imaginait entourée d’une dizaine de Dresseurs au moindre déplacement ! Même avec autant de personnes, seraient-ils de tailles contre les ennemis ? Elle appellerait son frère le soir même pour savoir s’il était en vie lorsqu’il partirait.

Le duel avec Aaron se déroula l’après-midi. Mme. Amaro insistait pour qu’Aaron s’entraîne le matin pour plus de maîtrise. D’après elle, il ne contrôlait pas encore correctement son partage et étrangement avait perdu le peu de contrôle qu’il possédait. Cela le frustrait aussi même s’il savait pertinemment d’où cette perte de résultats provenait : la visite de ses parents. Sa professeure le faisait donc travailler sans relâche pour qu’il puisse finir plus tôt sa formation comme c’était prévu. Laurène se demandait bien ce qu’il ferait après. Quel type de métier exerçaient les Liés formés d’ailleurs ? Étaient-ils planqués dans un bureau où les laissait-on se battre au côté des Dresseurs et des Persévérants ? Leurs capacités correspondaient formidablement bien au combat, grâce à ça ils prenaient sûrement souvent l’avantage. Pourtant l’idée de brûler des gens ne plaisaient pas forcément à Laurène. Mais elle s’imaginait se montrer menaçante quand le partage viendrait. Cela la rassurait d’une part qu’elle aurait cette arme pour se défendre. Elle se sentait trop faible pour réussir à survivre au combat.

Aaron était donc particulièrement tendu à cause de la pression de Mme. Amaro et de ses suspicions. Il n’en avait pas reparler à Laurène, mais elle savait bien qu’il menait son enquête quand son temps libre le lui permettait.

Laurène rejoignit Anna et Valentine à leur table. Clara ne leur adressait plus du tout la parole et cela commençait fortement à énerver la Persévérante qui estimait que leur amie se comportait injustement envers elles.

– Je vais aller lui dire mes quatre vérités. Elle va redescendre, cracha Valentine. Nous sommes toutes venues car elle n’a pas fait attention.

– C’est injuste de lui reprocher ça que maintenant. À part pour Laurène où c’est plus délicat, on n’a rien à redire. On a eu le choix, et on a accepté de se former, la calma Anna.

– On peut attendre que les vacances passent pour qu’elle puisse réfléchir et nous aussi. Cela permettra à tout le monde de s’apaiser et on lui demandera des explications si elle continue son mauvais jeu après la pause, proposa Laurène.

– Tu as gagné en sagesse, souleva Valentine.

– Anna et moi avons toujours fait preuve de sagesse. Plus que Clara et toi !

– De quoi voulais-tu parler à Clara d’ailleurs ? ajouta Anna.

– Je… j’attendais justement qu’elle soit là pour vous en parler aussi.

– Hey, fit Anna en lui prenant la main. On voit bien que cela te pèse sur le cœur. Dis-nous tout. Tu le diras à Clara plus tard. Elle n’avait qu’à pas faire un cinéma pour une raison qu’on ignore.

Laurène se mordilla la lèvre avant de tout expliquer. En exposant ce que l’ennemi avait dit, la prophétie et les doutes des adultes. Plus elle parlait, plus Anna lui broyait la main et le regard de Valentine s’assombrissait. Mais elle se sentait mieux. Joyce, Henry et Lucas débarquèrent lorsque la Liée eut fini ses explications. Lucas appuya sa main sur l’épaule de sa sœur et lui murmura que cela allait aller. Il n’était pas convaincu, Laurène non plus. Personne ne l’était. Anna et Valentine ne connaissaient pas cette fameuse prophétie tout comme Laurène et les autres Liés. Laurène avait eu un petit espoir qu’elles aient eu vent d’informations par leurs colocataires, mais ce secret semblait bien caché. L’adolescente aurait aimé répondre aux questions de ses amies mais elle ne le pouvait pas. Elle-même cherchait des réponses auprès d’Aaron, mais il ne lui révélait rien car on le lui avait interdit. Cela désappointait Laurène tout ce mystère sur son avenir et celui de la communauté entière.

– Je croise Clara tous les jours. Je peux la coincer pour le lui dire si tu veux, proposa Lucas lorsqu’il fut seul avec sa sœur.

– C’est gentil, mais c’est à moi de lui dire, déclina Laurène. Pour le moment, j’aimerais juste savoir pourquoi elle nous boude… à chaque fois que je viens la voir, elle fuit.

– C’est peut-être qu’avec toi le problème.

– Mais je n’ai rien fait !

– Je sais ! Mais on n’est pas dans la tête de Clara pour savoir.

Et Lucas avait raison. Eux deux se trouvaient être les personnes les plus proches de Clara alors si elle ne voulait pas leur parler… A qui parlerait-elle ?

L’entraînement de l’après-midi avec Aaron fut un désastre. Pour une fois, ce n’était pas la faute de la Liée. Laurène progressait petit à petit même si elle avait développé le toc de regarder en permanence le sol. Aaron n’abaissait pas son niveau non plus. Il conseillait Laurène sur ses coups : favoriser les attaques aux parties sensibles car elle était petite, ou profiter de sa vitesse pour le prendre d’avance et donc plus anticiper. Néanmoins, il n’était pas toujours là. Laurène remarquait qu’il divaguait dans ses pensées. Puis Aaron activait parfois le partage sans s’en rendre compte. Le vent soufflait soudainement plus fort ou enveloppait Laurène, une marre d’eau à côté d’eux s’était mystérieusement agrandie trop rapidement pour que ce soit du à la pluie. Les deux Liés n’y prêtaient pas attention, il pleuvait donc ça ne les étonnait pas. Laurène se concentrait énormément sur ses appuies à cause de l’averse. Aaron et elle glissèrent plusieurs fois. Au moment où Laurène se relevait après être tombée, elle observa Aaron qui paraissait réfléchir. Sûrement ses parents car il serrait les poings et son regard faisait peur. Soudain, Laurène n’eut plus l’impression qu’il pleuvait. Mais lorsqu’elle respira, de l’eau s’imprégna dans ses poumons et elle comprit que quelque chose n’allait pas : sa tête enfermée dans une bulle d’eau. Elle comprit car même en bougeant, l’air ne venait pas. Laurène paniqua. La Liée hurla. Dans l’eau. Par miracle la bulle explosa et elle s’effondra au sol, toussant et crachant tout le liquide qu’elle avait inspiré. La Liée sentait ses poumons la déranger. Une main se posa sur son épaule.

– Je suis désolé ! Je ne l’ai pas fait exprès, se justifia Aaron terrifié. Je ne parviens pas à contrôler mon partage et je me suis monté la tête tout seul. Tu en as fait les frais.

– Ce… n’est… pas grave, suffoqua Laurène entre des toux.

– Attend ? Tu ne me hurles pas dessus ?

Laurène recracha toute l’eau puis respira profondément, ayant toujours une gène au poumon. Au moins, elle ne mourait pas noyée aussi bêtement. Elle attendit de respirer sans difficulté avant de répondre :

– Ignisaqua pense que mon partage s’activera bientôt, confia Laurène. Au vue de ce que je suis, j’ai peur que ça s’annonce incontrôlable… imagine j’inonde le campus ou je brûle vif des gens car je ne contrôle rien… Je vais passer par là moi aussi, donc je ne peux pas t’en vouloir. Tu te débrouilles comme tu peux et tu es à fleur de peau.

– Tu sais, fit-il en s’asseyant à ses côtés. Cela va être une catastrophe quand vos partages, aux autres et à toi seront déclenchés. J’ai inondé tout le campus lorsqu’il est apparu. Tous le monde a eu peur, même les adultes. Déjà car j’étais en avance, mais aussi à cause des dégâts.

– Je n’aurai plus qu’à porter une pancarte où il y a inscrit : « Attention ! Alerte à la pyromane et hydrokinésiste incontrôlable ! Vous risquez de mourir noyer et brûler à tout moment ! ».

Aaron rigola en passant sa main sur la flaque d’eau, pensif en même temps.

– Tu t’en sortiras, affirma-t-il. Si tu es vraiment l’élue, alors tu finiras par posséder un total contrôle sur le partage.

– Pour le moment je ne l’ai pas ! Donc je profite. Mais un jour, tu me revaudras cette noyade traumatisante ! Je ne sais pas comment, mais je trouverai.

– Ouais, et bah, je te rappelle que comme tu ne comptes pas partir la semaine prochaine, tu as duel ! Ton objectif c’est de battre Joyce ou Henry, ou alors de me faire saigner le plus possible !

– Ah ouais.. je pensais que tu étais masochiste, mais je ne pensais pas que c’était à ce point là.

– Je ne le suis pas. Mais la semaine prochaine, je serai ton ennemi. Donc je dois ressentir au moins le quart de douleur que tu devras infliger à ceux ou celles qui veulent te tuer.

– Donc tu es masochiste.

La pluie s’arrêta finalement et ils repartirent au combat. L’herbe glissait toujours autant. Alors que Laurène chuta, entraînant son camarade à terre avec elle, l’adolescente osa enfin demander ce qui lui occupait l’esprit depuis un moment :

– As-tu poursuivi ton enquête ?

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