Chapitre 15 :
Aaron se figea. Laurène s’apprêta à en profiter mais il l’arrêta. Il ne pouvait pas lui parler de ça en se battant, il devait se concentrer pour rassembler toutes les informations. Il la tira par le poignet avec lui. Il voulait trouver un endroit extérieur plus calme et moins peuplé pour que personne ne les surprenne en train de comploter. Si Mme. Amaro les trouvait et qu’ils ne s’entraînaient pas, elle les tuerait de ses propres lames. Ils prenaient tout de même le risque. Si les adultes ne s’occupaient pas des problèmes, Aaron était bien décidé à le régler lui-même.
– Je n’ai rien trouvé pour le moment, avoua ce dernier, quelque peu agacé. Je n’ai pas la moindre piste, cela pourrait être n’importe qui. Je n’aime pas ça.
– Pas totalement n’importe qui, on peut déjà éliminer les autres Liés et mes amies, tu sais.
– Je ne les connais pas assez pour ne pas douter d’eux. Sauf Clara et ton frère, évidemment. En plus, ils savent que tu es l’élue.
– Certes, mais je connais Anna et Valentine depuis mes six ans. Si quelque chose n’allait pas avec elles, je l’aurais forcément remarqué, assura sa camarade.
– J’espère que tu as raison ! On ne peut pas se permettre de sous-estimé des personnes. Ignisaqua a fait des recherches ?
– Il n’a malheureusement rien trouvé de bien intéressant. C’est logique aussi. S’il y a un infiltré, le dragon ne va pas faire : hey, mon partenaire est un ou une psychopathe qui veut tuer des gens mais surtout ta partenaire !
– Pas faux… Il faudrait de vrais enquêteurs pour nous aider, soupira Aaron. Malheureusement M. Gomez ne veut pas nous croire. Les adultes ne veulent pas nous croire ! Ils attendent toujours que quelque chose de grave se passe avant de se décider d’agir, c’est toujours comme ça.
– Je pense que M. Gomez nous croit, rétorqua Laurène. Mais c’est un adulte, il doit avoir beaucoup de travail donc il n’a pas forcément le temps. Lorsque ça se calmera, je suis sûre qu’il cherchera lui aussi. Je lui fais confiance.
– Comment peux-tu être aussi écrasée face à eux alors que tu ne te gènes pas avec nous ? lâcha le jeune homme.
– Je respecte M. Gomez, il m’a sauvé la vie, il est là pour me soutenir. Puis, ce n’est pas pareil. Les autres, vous, vous n’êtes pas des adultes. Vous n’avez aucun pouvoir sur moi, ou sur ma vie. Alors qu’eux peuvent faire comme bon leur semble de moi. Je me dis… que si je suis un minimum docile, ils me laisseront en paix. C’est la seule solution… puis, j’ai toujours respecté mes supérieurs en leur présence même si je ne les appréciais pas.
– Je ne savais pas que tu pouvais être sage.
– Ce n’est pas parce que j’ai envie de te foutre des baffes quand je vois ta tête que cela me le fait pour tout le monde. Loin de là heureusement ! lança la Liée en se levant. Mais ne t’inquiète pas, il y a pire ! Genre Mme. Amaro ! Elle est si insupportable, égocentrique, narcissique et prétentieuse. Bref… le jour où je pourrai lui montrer que je peux l’écraser, je n’hésiterai pas à la laisser à terre !
– Encore faudrait-il que tu prennes au sérieux ta formation pour un jour avoir une chance de me battre. Mais tu es si incapable que même les Soigneurs les plus faibles t’écraseraient.
– Je tiens à préciser que je n’y suis absolument pour rien dans cette décharge de haine envers vous, se dédouana Aaron en ignorant les regards meurtriers de Laurène même s’il paraissait réellement navré pou elle.
– Au lieu de t’adonner à des activités inutiles, tu devrais t’entraîner à retrouver le peu de contrôle du partage que tu avais acquis si tu souhaites réellement achever bientôt ta formation, trancha Mme. Amaro aussi aimable qu’une porte de prison.
Aaron se renfrogna sans bouger d’un cil. La cheffe du conseil des Liées leur fit la leçon avant de tirer Laurène avec elle pour mieux passer ses nerfs sur quelqu’un. Aaron protesta mais il n’y eut rien à faire, Mme. Amaro voulait la tester. Elle ne fit aucun cadeau à Laurène et activa même son partage lors de leur duel. Ce qui l’épuisa plus qu’autre chose. Son dragon devait être essentiellement d’eau et avec l’incident durant son duel avec Aaron, Laurène était plus alerte et se plaçait hors de porter des zones denses en eaux. Si l’élue récolta le plus de blessure, de l’égratignure à peut-être une entorse à la cheville, Mme. Amaro avait trop forcé sur le partage et s’écroula de fatigue. Laurène en déduisit qu’elle n’avait plus l’habitude de se battre ou qu’elle l’avait juste sous-estimé. Elle tourna les talons, non sans une vive douleur à la cheville droite qui la fit serrer des dents et lui arrache une grimaça de douleur. Elle marcha, ou plutôt boita plus doucement vers l’infirmerie.
– Que fais-tu ? hurla Mme. Amaro. Tu devrais m’achever ! Vas-tu réellement être aussi clémente avec tes ennemis ?
– Oh mais à ce que je sache vous ne faites pas partie des ennemis. À moins que vous nous cachiez de précieuses informations, argua Laurène en se retournant. Vous ressentez peut-être le besoin d’écraser littéralement vos adversaires pour les dominer, vous ressentez une sensation enivrante pour détruire les autres. Bien vous fasse madame ! Mais à titre personnel, je ne prends aucun plaisir à me délecter de la terreur des autres. Je ne suis pas un monstre.
Laurène lui tendit la main pour l’aider à se relever. Elle faisait cela à contrecœur, pour pouvoir la calmer car elle venait de se lâcher un peu trop et elle avait conscience que cela allait lui coûter beaucoup. Mme. Amaro l’empoigna par les cheveux et tenta de cogner la tête de la Liée contre le sol mais cette dernière amortie le choc. Elle para un coup au visage avant de sentir un grand courant d’air.
– Ne t’avise pas de t’en prendre à Laurène ! Haut-placée ou non, je te calcinerai, annonça Ignisaqua d’une voix inflexible.
L’adulte se stoppa et frémit. L’adolescente en profita pour se lever et rejoindre son dragon. Amaro balbutia plusieurs mots afin de présenter une ribambelle d’excuse. Laurène s’efforçait de ne pas rire tellement qu’elle parut ridicule. Puis elle s’enfuit. Laurène se permit enfin d’éclater de rire.
– Tu as été imprudente, reprocha Ignisaqua.
– Désolée… elle m’a juste agacé à mes limites. Je ne voulais pas te déranger avec ces problèmes-là.
– Tu es ma partenaire, Laurène. Si tu as un problème, c’est aussi le mien, donc je t’aide ! Puis te voir tacler quelqu’un de la sorte, c’est plutôt jouissif ! Tu devrais t’imposer plus souvent.
– Je m’imposerai quand j’aurai le titre nécessaire pour.
L’adolescente était quasiment sûre de s’être foulée la cheville. Elle ne marchait pas, elle boitait. La douleur se calmait au repos mais beaucoup plus vive à chaque mouvement. Et sur le moment, elle haït Aaron d’être parti comme un voleur et de ne pas l’aider à se déplacer. Néanmoins, Lucas débarqua, déterminé à la porter jusqu’à l’infirmerie. Au lieu de ça, ils tombèrent tout les deux. Le Lié se contenta juste de l’aider à marcher pour éviter une autre catastrophe. Laurène n’avait pas besoin d’autres blessures, elle n’en avait déjà jamais eu autant dans sa vie jusqu’à maintenant ! Des Soigneurs constatèrent une entorse et elle se retrouva avec une attelle et une béquille. La jeune fille aurait au moins toutes les vacances pour reposer sa cheville même si elle avait prévu de se battre. Adieu les entraînements !
« Il va falloir que tu habitues ton corps à toutes météos. Il a l’air fragile. »
« C’est ma première vraie blessure sérieuse. Mon corps tiendra le coup, je ne suis pas totalement faible. »
Cela blessait un peu Laurène qu’Ignisaqua estima qu’elle n’était pas assez forte. Lui-même disait qu’il la soutiendrait quoi qu’il arrive. Alors pourquoi lui dire de telles choses ? Lucas lui ouvrit la porte du salon et sa sœur jumelle s’avança doucement.
– Que s’est-il passé ? s’enquit Henry, cédant volontiers sa place à Laurène.
– Mme. Amaro, grommela cette dernière. Merci.
Elle le remercia à nouveau, lorsqu’il lui apporta de la glace à mettre sur sa cheville. Ils papotèrent, M. Gneiss l’avait encore engueulé car il ne retenait pas les règles des scelles. Laurène ne savait même pas qu’il y en avait ! Lucas et Henry lui apportèrent le repas du soir pour qu’elle évite de se déplacer. Elle leur en était réellement reconnaissante mais rester assise sans rien faire et toute seule la frustrait déjà ! C’était bien parti les vacances… Aaron termina son repas plus tôt que les autres. Il s’assit au côté de Laurène et sortit un poignard qu’il déposa dans la main de Laurène.
– Prends-la, ça te fera deux lames. Je t’ai observé combattre Amaro. Tu as encore pas mal de défauts à corriger et elle t’a sous-estimé et trop forcé sur son partage mais je crois bien que tu l’aurais battu. Je l’ai piqué à l’armurerie. Il faut bien des récompenses lorsqu’on s’améliore. Ce poignard est à toi maintenant.
Laurène le remercia, un petit sourire aux lèvres. A défaut d’aller bien, elle obtenait au moins quelques encouragemen. Ce poignard là était plus grand que le premier qu’elle possédait. Néanmoins, il n’était pas aussi jolie : aucune gravure ou de forme de manche particulière. La lame était basique. Laurène comprit que ce n’était pas par hasard qu’Aaron faisait preuve de bon sentiments. Il s’agissait d’une excuse pour commencer l’entraînement avec deux couteaux. Il prévoyait de lui expliquer le combat avec aucune main de libres. Il ne serait pas là pour l’entraîner avec le partage aussi, mais alors qui le fera si ce n’était pas lui ? Laurène ne s’imaginait vraiment pas sans Aaron comme mentor et à part pour l’envoyer à l’infirmerie, Mme. Amaro ne semblait pas favoriser sa participation dans sa formation.
– Est-ce que… penses-tu que Mme. Amaro pourrait faire partie des ennemis ? questionna Laurène.
– Mais ça ne va pas ! Après on me dit que je suis taré ! Qu’est-ce qui te fait penser ça ?
– J’avais vraiment l’impression qu’elle voulait me tuer…
– Elle est débile et méchante, affirma Aaron. Mais elle n’est pas de mèches avec les ennemis. Dès qu’ils ont un Lié, ils le tuent s’il n’est pas l’élu. Puis, on ne peut pas feindre éternellement d’être ce que l’on n’est pas. Les retards existent mais un Lié qui n’a pas de partage après deux ans et demi, c’est très suspect.
– C’est du vécu ? renchérit Laurène avec douceur.
– Il s’appelait Dylan, murmura Aaron sans la regarder. Il était en dernière année quand je suis arrivé et il n’avait pas le partage alors qu’il finissait deux mois après. Au final je me suis retrouvé avec un couteau à deux millimètres du cou en pleine nuit alors que je dormais. Depuis il est emprisonné. Je n’ai jamais eu le droit de le revoir si je voulais.
– Tu aurais pu m’expliquer cela plus tôt, déclara doucement Laurène. Je t’aurais moins pris pour un parano. Mais maintenant… je comprends. J’ai confiance aux autres Liés mais j’ai peur de ce qui peut m’arriver.
– Tu as raison de l’être, mais ne te laisse pas guider par ça. Tu ne dois pas vivre ta vie selon les dangers. Je suis passé par là et c’est compliqué de se le dire, mais c’est nécessaire. La prophétie se terminera et tu auras une vie après, une vie qui sera beaucoup mieux. Enfin… je l’espère pour toi.
– Peut-être, lâcha Laurène avant de se mordre la lèvre. Depuis que je sais, j’ai l’impression d’être née pour la réalisé. Et si je meure ? Si c’était ça la clé ? Ma mort…
– C’est une possibilité mais pas la fatalité. Je ne vois pas pourquoi tu ne vivrais pas. On ne parle pas de morts dans la grande prophétie, si ça peut te rassurer.
– Tu l’as connais bien ?
– Disons que d’après la voyante, on a tous un rôle à jouer. Mais je ne suis pas autorisé à en dire plus.
– C’est pour ça que tu fais des efforts, comprit Laurène. Tu me détestes, mais comme tu sais qu’on doit coopérer, tu essayes d’améliorer les choses.
– Tu devrais aussi et surtout tu ne dois pas le dire. Tu n’es pas censé le savoir, je ne suis pas censé t’en parler ! rétorqua Aaron. Mais je ne fais te conseille pas que pour ça. Entre Liés on est supposé se serrer les coudes car on est peu. Certes, je ne t’adore pas mais je te respecte.
Laurène ne savait pas d’où venait sa déception exactement. Peut-être aurait-elle voulu qu’il devienne sympathique par affinité et non par nécessité. Mais elle se contenterait de ce qu’il lui donnait car elle devait faire des concessions. Puis… il la respectait, déjà. C’était un bon début. Aaron sentit que cela l’avait refroidi et il n’osa plus ajouter un mot.
– Merci pour tes conseils, répondit Laurène, plus froidement qu’elle l’aurait voulu.
Elle aurait souhaité ne pas montrer toute sa déception, cependant la jeune fille comprenait que contenir toutes ses émotions étaient compliquées. Aaron ne sembla pas s’émouvoir particulièrement de sa réaction. Il comprenait qu’il avait dû être un peu trop direct. Il la laissa tranquille et retourna dans sa chambre.
Le lendemain matin, Laurène se leva pour saluer ses amies qui partaient ainsi que son frère. Clara resta distante et ne prenait aucune des perches que la Liée lui tendait pour clarifier la situation. Il y avait des choses à dire mais elle préférait ne pas s’épancher. M. Gomez rentrait lui-aussi et ne reviendrait que dans quelques semaines, il transmit son numéro à Laurène pour qu’elle puisse l’appeler si elle avait besoin ou en cas d’urgence. Cela soulagea cette dernière de savoir qu’elle pourrait se tourner vers quelqu’un.
Elle fit ses aux revoir à tout le monde et les regarda partir, triste et anxieuse. La réalité la frappa lorsqu’ils furent hors de son champ de vision : elle se retrouvait seule avec une majorité d’inconnu et des personnes qu’elle ne connaissait que depuis trois semaines. Laurène songea finalement qu’elle aurait dû rentrer. Sauf que c’était trop tard maintenant, elle devait assumer désormais. Le campus devait être un lieu sûr. Que pouvait-il donc lui arriver ?
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