Les adolescents se regardèrent, cherchant quelqu’un qui comprenait ces paroles. Laurène resta concentrée, pour le moment, cette pjrase lui paraissait plutôt clair. Mais tout semblait encore très mystérieux d’un côté. Le voyant leva brusquement son bras vers le haut sans savoir ce qu’il désignait car le plafond n’avait pas forcément une importance capitale dans la prophétie selon Laurène.

– L’Oublié va faire face à son passé ! Il choisira entre la fin ou le renouveau. Il se sacrifiera ou non, comme le Père ou comme la Mère, comme deux d’entre eux, comme les trois, comme aucun.

Laurène se mordilla la lèvre, les futurs ne l’avançaient pas. Elle regarda Aaron, lui aussi l’observait. Il comprit qu’elle avait plus peur pour sa vie à lui que la sienne. Elle comprit qu’il comptait faire passer sa vie à elle avant la sienne. Et ils rougirent tous les deux sous les regards surpris des autres. Puis, le voyant bougea son bras au point où sa main cogna le visage de Laurène. Elle grimaça, se massant l’endroit de l’impact.

– La Mère, scellera l’avenir final de notre monde. Par un sacrifice, elle le fera. Par sa puissance et celle du Père, son choix déterminera une des trois voies.

Laurène était préparée à toujours être très importante. Mais elle refusait de croire Bérénice quand elle lui disait qu’elle était beaucoup plus qu’un déclencheur. Elle ne pensait pas que son rôle serait si décisif. Elle aurait égoïstement souhaité que ce soit Luc ou Aaron qui ait ce lourd fardeau, car elle ne se sentait plus capable de tenir comme ça. Le voyant faillit éborgner Aaron qui évita de justesse sa main dure.

– Le Père arrivera bientôt ! La solitaire ou les sous-estimée les réuniront peut-être ! fit-il en montrant Joyce. Il anéantira ou renforcera les demis-dieux. Il décidera entre le néant ou le renouveau.

Donc si elle comprenait bien, Aaron et elle décideraient de l’issue et Luc influencerait tout ça… un vrai casse tête ! Le voyant s’affaissa durant cinq secondes avant d’enlever son bandeau. Il paraissait exténué mais tenait debout contrairement à la vieille Bérénice.

– Alors les jeunes ? Je vous ai été utile ?

Évidemment, mais la bande d’amis se regarda et le regarda sans rien dire.

« Dépêchez-vous ! Les hostilités ont commencé. »

« Je ne comprends pas quand tu disais de ne pas poser de questions… je ne comprends pas. »

« Il faut remonter ! Il faut partir ! Aider les soldats au front. Mais vous ne pouvez pas rester là ! »

Laurène se leva, exposa la situation aux autres. Ils se préparèrent tous, sauf Joyce. Cette dernière agrippa le voyant, son visage à quelques millimètres de lui. Il l’avait appelé comme les autres voyants l’appelaient : la solitaire. Bien sûr, ça ne lui plaisait pas de se séparer des autres, mais si tel était son destin !

– Il me faut plus d’informations ! vociféra-t-elle. Comment suis-je censée savoir où aller ?

– Je, balbutia le voyant impressionné. Attendez un peu, je crois que j’ai un papier concernant…

– Mais on n’a pas le temps ! Je n’ai pas le temps !

– Reste avec lui, je formerai des protections pour un bon bout de temps, lui assura Laurène en posant la main sur l’épaule de sa congénère. Et il devrait partir avec toi. Il ne sera plus en sécurité quand le gouvernement apprendra et les ennemis ne le portent pas dans leurs cœurs, j’imagine.

Laurène sortit de son sac l’argent qu’elle avait dérobé au Laurewce et les mis dans les mains de son amie. Joyce sentit la peur la foudroyer lorsque les liasses de billets furent dans sa main. Longtemps rien ne l’avait concerné directement. Pourtant ça devenait concret : ses actes allaient devenir importants.

– Je suis désolée, souffla Laurène. J’ai dû en utiliser mais j’espère qu’il en restera assez.

– Merci Lau. Ne t’inquiète pas, je suis sûre que Monsieur le voyant doit avoir de l’argent pour subvenir à ses besoins. Il pourra contribuer.

Laurène la serra dans ses bras en espérant que tout aille bien. Elle s’en voulait que son amie soit dans une position risquée, elle se sentait coupable même si ce n’était pas directement sa faute et elle le savait. Aaron serra Joyce dans ses bras, ce qui surpris Laurène peu habituée de le voir exécuter de tel geste, et ça lui pinça le cœur. La jalousie… Le Lié encouragea son amie puis laissa Clara et Lucas lui dire aux revoir.

– Pence à ce que je t’ai dit avant de partir, murmura Joyce à l’oreille de Clara. Lulu ! À mon retour t’as intérêt à me compenser tous les gâteaux que tu m’as piqué !

Cela le fit sourire et détendit l’atmosphère toujours un peu lourde. Cependant, Joyce avait les yeux brillants. Se retrouver seule face à tout… Effrayait ! Joyce n’était pas prête pour ça, elle n’avait pas été préparée comme Laurène ou Aaron.

– Bon… partez ! Partez avant que ce soit compliqué de vraiment sortir d’ici et que je sois tentée de rester avec vous !

Joyce aurait espérer que sa voix soit un peu plus sûre d’elle, mais tout le monde put entendre son émotion. Elle reçut quelques encouragements et les regarda monter au pas de course. Ils devaient repartir au plus vite.

« Par le Père et la Mère, dépêchez-vous bon sang ! »

« On remonte, OK ? On fait ce qu’on peut. »

« Ne faites pas ce que vous pouvez. Faites le maximum ! », aboya Ignisaqua.

Laurène détestait quand son dragon se comportait de la sorte. Sauf que ce n’était pas le monde pour démarrer une dispute. Elle aurait tout le temps plus tard. Arrivés à l’entrée de la grotte, ils durent assommer six ennemis qui guettèrent leur retour. Avant de sortir, Aaron arrêta Laurène et détacha la veste de sa taille pour lui redonner.

– Je pensais que tu aurais besoin de tes poignards pour aujourd’hui. Du coup je te l’ai ramené.

– Merci Aaron ! Tu me sauves, fit-elle en réprimant son envie de le serrer dans ses bras.

Ce n’était pas le moment. Elle enfila sa veste et ils sautèrent sur leurs dragons respectifs. Ils restèrent un moment à observer pour la première fois de leur existence un champ de bataille sous leurs yeux. Les flammes gagnaient du terrain, le vent soufflait dans tous les sens, la terre tremblait…. L’apocalypse.

– Prêts à traverser ? jaugea Aaron.

– Est-ce qu’on a vraiment le choix ? commenta Clara.

– Pas vraiment, confirma Lucas. Il faut rejoindre notre camp. Même si ça fait assez peur…

Ce fut pourtant lui, le premier à s’élancer, alors qu’elle allait partir en même temps qu’Aaron, Laurène rattrapa une lame à quelques centimètres de son visage. Elle la rangea dans sa veste. Une de plus dans sa collection !

– Merci pour ce cadeau, c’est très aimable de votre part. Mais je ne compte pas vous tuer.

– Petite insolente ! Après avoir tué tant de personnes ! Où est Luc ? Tu dois nous rendre Luc !

– Luc n’ira nulle part avec vous, cracha Laurène. Il est bien mieux loin de vous ! Il choisira ce qu’il veut plus tard, mais jamais, jamais je ne vous laisserais le maltraité encore une fois !

Énervé le doyen se leva sur son dragon pour attaquer Aaron et Laurène. Cette dernière eut le temps de voir la lame s’enfoncer dans le cou, les yeux du vieil homme devenir vitreux et son corps chuté en bas de la montagne, la chute ne lui aurait laissé aucune chance de toute façon. Laurène regarda en direction du lanceur : le type drapé de noir s’en allait poursuivi par des ennemis. Elle espéra qu’il puisse s’échapper. Le restant des ennemis se dirigeaient vers eux mais elle leur envoya une lame de feu pendant qu’Aaron les emprisonnait dans une tornade.

– Lau ! Il faut y aller sinon cela sera beaucoup trop compliqué !

Laurène s’exécuta et il la suivit. Clara et Lucas les attendaient et la troupe repartit. Ils survolaient non de très haut et elle remarqua son père en prise avec un ennemi. Elle lança une boule de feu alors que son père redressa la tête pour la voir. La jeune fille tenta de lui crier quelques mots qui furent recouvert par une violente bourrasque de vent. Clara décocha une flèche qui se logea dans la tête de l’assaillant de son père. Alors qu’ils continuèrent à avancer, les attaques se centrèrent sur eux. Ayant dépassé tout juste la moitié de la partie du champ de bataille ennemi, Lucas cria :

– Terra !

La dragonne du jeune homme avait été touchée à l’aile et faisait de son mieux pour amortir sa chute. Sans réfléchir, Laurène fonça tête la première pour rattraper son frère de cette chute mortelle pour lui. Heureusement Ignisaqua était très rapide. Lucas releva la tête vers sa sœur.

– Saute ! ordonna sa sœur en-dessous de lui. Et accroche-toi bien !

Le Lié lança quelques mots à sa dragonne puis il sauta. Laurène agrippa sa main et utilisa le partage pour booster son énergie et sa force pour serrer les jambes afin de ne pas tomber en arrière et installer Lucas. Après que Terramicus ait chuté, Ignisaqua se posa et Lucas rejoignit directement sa dragonne. Aaron et Clara descendirent à leur tour. La Dresseuse se lança déjà dans un duel de flèche avec un archer ennemi.

– J’en aurai bientôt plus, grommela la blonde.

Laurène se concentra et forma des flèches de glace aussi dur que du béton qu’elle tendit à sa meilleure amie.

– Ce n’est pas un problème. Je peux t’en fournir, à volonté.

– Oh, fit Clara avec un sourire narquois. Je vais battre cet archer à plat de couture ! Il n’aura jamais assez de flèche. C’est parfait.

Laurène laissa son amie s’amuser en s’assurant de maintenir une protection autour d’elle et rejoignit Aaron qui examinait Terramicus toujours consciente.

– Ça va aller ? demanda Laurène en prenant la main de son frère pour le rassurer.

– Son aile est sérieusement touchée et une patte semble amochée, donc elle ne peut pas bouger. C’est miraculeux qu’elle ne soit pas plus blessée. Le problème c’est qu’on ne peut pas la transporter et elle ne peut pas rester là…

– Il va falloir attendre la fin de la bataille, comprit Lucas sombrement. On est coincé ici jusqu’à la fin.

– On est trois Liés avec le partage en plus. Il n’y a pas de raison que ça se passe si mal…

– Les gars ! hurla Clara une entaille à la joue et un cadavre à ses pieds. Ils se rabattent sur nous ! J’ai besoin d’aide !

– Ça ne servira à rien de former une barrière. Mais on est prêt pour ça. Lau, murmura le brun à l’oreille de la Liée. Ne t’éloigne pas trop s’il-te-plaît. On ne veut pas te perdre une nouvelle fois.

Je ne veux pas te perdre une nouvelle fois. Cette phrase mourait sur les lèvres du jeune homme mais elle la lut dans ses yeux. Elle hocha la tête même si elle savait que désormais, elle possédait assez de puissance pour s’en sortir seule. Clara se battait en corps à corps et Laurène vint lui porter main forte, son amie ayant aucune défense. Les deux amies combattaient côte à côte. Lucas déplaçait des blocs de terre contre les ennemis, ne leur laissant aucune chance. Aaron envoyait valser facilement ses adversaires par une tornade. Malheureusement, sa réputation qui le précédait ne lui donnait aucun répit : il combattait au corps à corps et en plus de cela utilisait le partage. Il avait déjà récolté quelques bleus et entailles. Laurène le gardait à l’œil sans oublier de parer les coups.

– Va l’aider ! lança Clara en plantant son poignard dans le ventre d’un homme avant de lui cogner la tête par terre.

– Mais… et toi ? Comment tu vas t’en sortir ?

– Ne t’inquiète pas, Lu’ me garde à l’œil. Va aider Aaron je te dis ! Il en a besoin plus que moi.

La Liée se pinça la lèvre en encourageant sa meilleure amie. Puis avant qu’elle n’ait pu faire quelque chose, un attaquant tombant au pied de Clara révéla l’inconnu masqué. C’était étrange car la jeune fille n’avait pas l’impression de reconnaître la personne qu’elle avait aperçu quelques heures plus tôt.

– Vos ennemis m’ont donné du fil à retordre après avoir tué leur chef…

Son commentaire balaya les doutes de la jeune fille et elle suivit les conseils de Clara en espérant que le type masqué ne les trahisse pas ! À grands pas elle rejoignit son camarade et planta un poignard dans le dos de l’ennemie qui comptait faire la même chose. Lorsque Aaron se retourna, il ne vit que la femme expirer un dernier soupir avant de s’écrouler au sol. L’adolescent hocha la tête vers Laurène et ils combattirent dos à dos. Exactement comme lors de l’attaque de Pâques. Et celle-là, ils l’avaient gagné ! À force de les éloigner en brûlant ou inondant la terre au lieu de brûler et noyer les ennemis, ces derniers brûlaient d’une rage intense de ne pas parvenir à les toucher. Laurène avait même chipé d’autres lames pour sa collection ! Néanmoins, cela devait se finir, sinon ils ne tiendraient plus au bout d’un moment, épuisés. Laurène déchargea une vague de feu accompagnée du vent d’Aaron poussant leurs adversaires à reculer. Elle regarda les flammes s’étendre plus loin avant d’entendre son frère hurler :

– On ne peut pas rester ici ! Terra ne tiendra pas !

Le triste constat leur laisserait un petit de répits malgré tout. Laurène se concentra pour former une bulle d’eau protectrice autour d’eux qu’Aaron renforça, et ils se rassemblèrent tous autour de la dragonne. Lucas paraissait au bout du rouleau, il ne savait pas comment aider sa dragonne dans la douleur, comment la sauver.

– On ne peut pas la porter, ni l’emmener avec la glace elle se briserait… énuméra Aaron dépité. Terra, ce n’est pas contre toi, mais je ne vois pas comment on pourrait t’évacuer.

La dragonna leva ses yeux fatiguées vers lui, elle le savait bien. Elle le savait que ce n’était pas possible mais Lucas refusait de ne rien faire, et Laurène aussi.

« Tu aurais des contacts pour transporter Terra ? »

– Non, Laurène, répondit Ignisaqua en s’approchant. Il faudrait du matériel en plus.

– Il y a peut-être une solution, lança Clara en s’approchant de Lucas. Je t’ai regardé à l’entraînement, tu arrives à léviter une énorme passerelle de terre et à la bouger.

– Oui, mais pas aussi grande… je ne sais pas si j’en suis capable.

– Pour sauver Terra, il faut essayer. Pourquoi ne pourrais-tu pas le faire ?

Le regard de la jeune Dresseuse termina de convaincre son ami. Pour sauver Terra, pour impressionner un peu Clara, peut-être aussi. Il devait agir. Il en avait lui-même marre de rester si passif, de rester si faible.

– On va devoir baisser la barrière pour passer, nous ne l’avons pas créée mobile. Il va falloir rester sur ses gardes, prévint Aaron.

Lucas se plaça au côté de Terramicus les bras levés. Bientôt le sol se fragmenta en un profond rectangle autour d’eux. Le type masqué ne les accompagna pas malgré la proposition de Laurène. Elle observa donc ce dernier se fondre dans le champ de bataille jusqu’à ne plus pouvoir le repérer.

Lucas agita les mains, montant doucement comme s’il tenait un poids qu’il n’y avait que du vide. Son front perla de sueur à cause de l’effort et le rectangle s’éleva dans le ciel. Lorsqu’ils commencèrent à glisser, les deux autres Liés lâchèrent la barrière avant d’observer autour d’eux. En deux minutes, Clara encocha dix flèches pour dévier les lames qui visaient Aaron et Laurène. Le sac à terre, Laurène lui donnait directement des flèches dans la main. Laurène et Aaron ne voulaient pas lancer de grosses attaques pour ne pas déconcentrer Lucas qui commençait déjà à fatiguer. Ils se contentaient de se protéger.

« Dis-moi qu’on n’est pas si loin ! Je ne sais pas combien de temps nous allons tenir. »

« Désolé, mais vous n’êtes pas proches. »

Laurène jura alors qu’elle détourna une flèche qui allait transpercer le cou d’Aaron. Son geste lui valut de glisser du parterre mais ce dernier la rattrapa in extremis et la remonta près de lui. Ils décidèrent de rester coller l’un à l’autre pour ne pas s’épuiser à se protéger individuellement. Laurène appela Clara mais cette dernière resta camper près de Lucas, bien décidé à le couvrir s’il le fallait.

Le temps passait lentement, trop lentement. Ils avançaient trop lentement à leur goût. Alors que Laurène se tournait pour surveiller Lucas, elle vit quelque chose de brillant voltiger vers lui. L’objet, bien que petit, reflétait la lumière du soleil et semblait bien pointu… un poignard ! Déjà bien trop près.

– Lucas !