Chapitre 58 :
Laurène avait encore essayé en vain : elle n’avait pas le droit d’approcher Aaron encore inconscient. Déjà deux jours qu’il avait perdu connaissance et Laurène n’avait pas fermé les yeux une seule fois durant les nuits écoulées. Son inquiétude pour lui la dévorait mais aussi sa colère. Elle avait réussi à maîtriser le brouillard, alors pourquoi n’aurait-elle pas le droit de s’approcher de lui ? Ce fut après une nouvelle dispute avec des Soigneurs qu’elle fut bannie de l’infirmerie jusqu’à nouvelle ordre, c’est-à-dire le réveil incertain de son petit-ami. Anna s’occupa de la raccompagner.
– Ne sois pas trop dur avec eux, ils font ce qu’ils peuvent, assura doucement la rouquine en lâchant la main de son amie. Je te promets que je me faufilerais pour le voir et je te donnerais des nouvelles.
– Merci, marmonna la Liée.
L’apprentie Soigneuse lui adressa un sourire triste avant de retourner à ses tâches. Laurène soupira et s’éloigna d’un pas rapide. Non, elle ne comprendrait définitivement jamais la décision des Soigneurs ! Elle se sentait très en colère qu’on puisse encore lui poser des limites alors qu’elle avait prouvé qu’elle était de leur côté ! En jurant, la jeune fille s’éloigna. Malgré elle, ses pas la ramenèrent vite à l’endroit de la catastrophe. Laurène ferma les yeux afin de ne plus avoir l’image d’Aaron sous ses yeux mais elle s’imposa aussi dans son esprit. Désespérée, elle jeta un coup de poing dans l’air avant de s’agenouiller.
– L’état d’Aaron ne peut pas s’aggraver, lui assura Ignisaqua qui avait déjà deviné où elle se dirigeait.
– Tu as aimé non ? Tu aimes toujours ? Alors tu sais ce que ça doit faire d’être impuissant alors que cette personne va mal. C’est, commença Laurène la voix brisée. Insupportable…
– Ça dépend à qui tu le demandes, commença la Mère avant de faire une expression indéchiffrable. Quoique… je sens une turbulence en moi, donc je peux deviner que mon fils ne me confie pas tout.
– On a rarement envie de s’épancher sur sa vie amoureuse à ses parents, fit remarquer Laurène avec un sourire narquois. Mais je dois comprendre qu’Aquaventus n’est pas un simple secrétaire…
« Laurène, au nom des deux dieux, pas en présence de ma Mère s’il-te-plaît ! »
La jeune fille éclata de rire. Même la Mère esquissa un sourire, imaginant bien que sa progéniture avait pu répondre. Puis Laurène ne put s’empêcher de sourire timidement, son dragon et celui d’Aaron… elle et Aaron… peut-être était-ce vraiment un signe !
Avant qu’elle n’ait pu répondre, elle fut propulsée à terre par Ignisaqua qui tentait d’échapper à un filet en vain. Sa compagne s’approchait déjà pour trouver des mailles avec son arme mais dut vite changer de place : elle était cernée. Des ennemis l’encerclaient sur leur dragon. Ils frôlaient le sol, lui bloquant le passage. Il n’y avait aucun échappatoire. D’un geste rapide la jeune fille dégaina ses poignards, les jetant pour viser ses ennemis. Un dragon cracha des flammes alors Laurène forma une barrière de glace. Un autre cracha de l’eau donc elle dressa un mur de flamme. Elle sauta pour éviter des crevasses qui se formaient. S’ils continuaient, elle serait épuisée. D’où osait-il se montrer au campus ? Diable ! Elle tourna la tête et fut soulagée de ne voir aucun dragon au alentour du bâtiment. Pour le moment, songea-t-elle.
Laurène tenta d’appeler la lumière sans y parvenir. Depuis l’incident avec Aaron, elle avait un blocage sur ce partage. Elle ne réussissait plus à l’utiliser. Peut-être qu’inconsciemment cette puissance l’effrayait trop. Laurène avait toujours eu peur de la puissance avant de la convoiter. L’adolescente essaya une nouvelle fois de former de la lumière sans succès.
– Tu as peur d’elle, haleta Ignisaqua. C’est pourquoi tu ne peux pas en former. Il faut que tu travailles sur cette peur.
– Parce que tu crois que j’ai le temps ? hurla la jeune fille en se tenant l’épaule après avoir reçu un poignard en plein dedans.
La jeune fille ferma les poings pour dresser des grands murs de glace autour d’elle pour se protéger. L’adolescente dut former un dôme quand ils se mirent à attaquer par dessus. La glace stoppait les attaques mais Laurène commençait à trembler de froid. Si quelqu’un ne venait pas très vite l’aider la situation deviendrait compliquée. La glace était un partage très difficile à maîtriser, Laurène devait constamment se concentrer sur la barrière, elle ne pouvait rien faire d’autres à côté, même pas libérer son dragon.
La jeune fille mit un genou à terre le souffle coupé. Elle manquait d’énergie. Les murs de glace se dissipaient et le dôme fondait sur elle. Laurène poussa un cri de désarroi en dégainant certains de ses poignards. Elle jeta un regard vers le bâtiment et fut horrifiée de remarquer un dragon qui se trouvait juste au-dessus. Un dragon de feu. Il allait brûler le bâtiment. Laurène envoya une vague d’eau en prévision et un autre dragon entra en collision avec la menace. L’adolescente soupira de soulagement avant qu’on l’attrape par les cheveux et qu’on la tire. Le poignard de l’adolescente partit droit dans la carotide de son assaillant. Prenant l’arme de ce dernier et la sienne, la Liée se releva rapidement. Certains ennemis étaient descendus de leurs dragons. Laurène se retrouva contre Ignisaqua face à dix assaillants. La jeune fille réussit à en tuer quelques uns mais se retrouva vite neutraliser, la tête au sol. Néanmoins l’adolescente continua de se débattre en hurlant.
– Nous avons l’ordre de te tuer, déclara un ennemi. Toi qui aimes bien brûler tout ce qui bouge, il est peut-être temps que tu l’expérimentes par toi-même.
Laurène resta silencieuse, même quand on lui décocha un coup dans le visage. Elle cracha du sang sur la pelouse usée et releva la tête, fusillant du regard le dragon qui lui faisait face. Malgré la situation, Laurène le savait au plus profond d’elle-même : elle ne mourrait pas aujourd’hui.
La Liée ne ferma pas les yeux. Elle vit le dragon de feu se faire lui-même brûler. Son Dresseur toujours sur son dos n’était plus que cendre. Le dragon s’effondra suite à la mort de son partenaire. Trois dragons les survolaient. Deux personne masquées jetaient ses armes en direction des humains et le deuxième dragon supportait Damien et son père. L’organisation débarquait ! Et Laurène ne fut jamais aussi heureuse de les rencontrer. Damien laissa les commande de son dragon à l’aîné et sauta près de Laurène. A deux, ils abattirent les personnes qui retenaient la Liée. Quand ils eurent fini, la jeune fille chancela, pourtant sa main valide à son épaule blessée cependant elle fut interceptée par celle de Damien.
– Ne le retire pas, il faut attendre d’aller à l’infirmerie, lui conseilla-t-il en la soulevant du sol. Où est Aaron ?
– Toujours inconscient, souffla-t-elle sans protester quand il la prit dans ses bras. Je… je crois que la lame était empoisonnée.
L’adolescente se sentait faible, elle ne ressentait plus son bras et ne parvenait même pas à le bouger. Laurène était persuadée que ce n’était pas une simple lame. Son bras ne pouvait pas s’engourdir à cause d’une blessure ! Elle ne pouvait pas se sentir aussi faible alors que l’arme empêchait toujours le sang de couler.
– Papa, appela doucement la jeune fille alors que son champ de vision s’obscurcissait.
– Emmenons la à Christine, décida-t-il. C’est elle qui connaît le mieux tous les poisons utilisés par les ennemis.
***
« Retrouve-moi… retrouve-moi… retrouve-moi… »
– Aquaventus, appela Aaron toujours inconscient.
« Tu dois me trouver, Aaron. Ils ne me laisseront pas la vie sauve. »
– Aquaventus, répéta le Lié qui n’avait pas conscience que ce n’était pas son dragon qui lui transmettait ces appels mentaux.
Aaron bougea enfin un peu. Il avait passé trois jours inconscient et la première chose qu’il ressentit fut une douleur incroyable à la tête. Il tentait se se remémorer sans succès ce qui avait bien pu se passer pour qu’il en arrive là… pourtant le Lié n’avait plus aucun souvenir. Le jeune homme se rappelait juste d’avoir appris la mort de Joyce et d’être sorti… à partir de ce moment, il ne se saurait dire comment il s’était retrouvé allongé quelque part.
Le jeune homme ouvrit doucement les yeux. La pièce n’était pas trop éclairée. Il se redressa doucement, tout son corps lui faisait mal comme après ne plus avoir fait d’effort physique depuis longtemps. Il grimaça et se massa les tempes espérant chasser cette vive douleur à la tête.
« Aqua… tu m’as appelé, est-ce que ça va ? »
« Non, je ne t’ai pas appelé, Aaron. On m’a dit de ne pas essayer, que ça pouvait perturber le lien. »
« Je ne comprends pas… qui… qui est-ce que j’ai entendu ? »
« La fille du Père. »
Aaron prit du temps avant d’assimiler l’information. Il lui paraissait improbable qu’un lien puisse se forger alors qu’ils étaient si loin l’un de l’autre ! Puis il identifia le ton d’Aquaventus lorsqu’il avait prononcé cette phrase. Ce n’était pas vraiment de la jalousie, plus de la peur et de la tristesse.
« Hey, jamais je ne te laisserai tomber pour elle. Jamais. Tu es mon dragon. Tu m’as choisi et je t’ai adoré dès la première fois que je t’ai vu. Aucun dragon pourrait me séparer de toi. Jamais ! »
Aquaventus ne répondit rien néanmoins Aaron sentit un apaisement à travers le lien et il fut heureux de réaliser que son dragon avait assez confiance en lui pour qu’il puisse être rassuré.
Enfin Aaron tourna la tête et remarqua que Laurène avait été installée à ses côtés. S’il n’avait que des tubes de brancher pour lui transférer des nutriments et l’hydrater, la jeune fille avait un bandage à l’épaule imprégné de sang. Le Lié eut un flash : le brouillard noir et Laurène qui illuminait pour le retrouver. Le jeune homme sentit la panique l’envahir. Il prit la main de sa copine et la serra si fort, mais elle ne referma pas sa main dans la sienne. Aaron ne chassa pas les larmes qui roulèrent sur ses joues et embrassa le dos de la main de Laurène avant de la caresser.
– Qu’est-ce que je t’ai fait ?
– Rien Aaron, tu ne lui as rien fait, lui assura une voix derrière lui.
Continuant de serrer la main dans la sienne, Aaron se retourna et retrouva Sébastien. Le Dresseur lui adressa un sourire triste avant de prendre place à ses côtés. Le jeune Lié soupira avant de laisser tomber sa tête sur l’épaule du Dresseur. M. Gomez n’eut pas besoin d’explication pour comprendre que son protégé ne comprenait pas grand-chose. Il lui expliqua que son lien avec la fille du Père s’était forgé causant une perte du partage avec elle. Il lui raconta que Laurène avait été attaquée ce matin alors qu’elle se baladait seule, un peu éloignée du campus.
– Personne n’avait le droit de venir te voir. Elle l’a assez mal vécu, elle passait son temps à se disputer avec les Soigneurs, sa mère y compris, pour pouvoir te voir. Ils ont eu pitié d’elle quand Damien l’a ramené ici donc ils ont décidé de l’installer à tes côtés.
– Damien… a sauvé Laurène ? Enfin, c’est Laurène… comment Laurène a pu se faire battre en combat ?
– Ils étaient nombreux, Ignisaqua emprisonné par un filet et pour le moment elle ne peut plus faire de lumière. L’organisation est intervenue.
– Mais ce n’est qu’une blessure à l’épau…
– Le poignard était empoisonné. Heureusement Christine a retrouvé une vieille antidote dans les préparations qu’elle avait gardées avant de s’en aller. Il faut juste un peu de temps.
Laurène était seine et sauve. Pourtant Aaron fondit en larme, la main de cette dernière appuyée contre sa joue. Il voulait tout faire pour la secourir et à chaque fois il n’y parvenait pas ! Il se sentit inutile.
– Damien aimerait te parler.
– Non. Hors de question que je lui parle.
– Il a dit que ce n’était pas par rapport à… avant votre arrivée.
– C’est bien ça le problème ! s’écria Aaron. Je n’en ai rien à faire de ce qu’il peut bien me dire si ce n’est pas les raisons de pourquoi il n’est jamais venu me voir lorsque j’étais hospitalisé en hôpital psychiatrique ! Tu parles d’un ami…
M. Gomez se pinça les lèvres. Il comprenait les ressentiments du jeune homme, cependant ça avait tout à voir avec la guerre ! Son regard fut suffisant pour comprendre.
– Alors attendons que Laurène se réveille et organisons une réunion pour connaître ses informations, proposa Aaron en soupirant. A moins qu’il l’ait déjà dit au autre ?
– Non. Je vais aller le dire. Mais tu connais Damien, il aurait souhaité pouvoir te parler en privé.
– Je dois aller la retrouver. Je ne peux pas rester les bras croisés ! Il faut la libérer, il faut trouver un plan.
Le Dresseur aurait voulu lui dire que c’était une mauvaise idée, qu’il ne pouvait pas y aller. Cependant il connaissait suffisamment le jeune homme et les prophéties pour comprendre que rien ne dépendait de lui et que ça ne servait à rien de convaincre son protégé.
– Repose-toi. Je viendrais te chercher un peu plus tard.
Le jeune homme acquiesça et l’adulte s’en alla. Pourtant Aaron ne s’enfonça pas dans son lit à nouveau. Il fit quelques pas tremblants et s’assit au bord du lit de Laurène. Il put s’allonger à ses côtés, sur un côté. La jeune fille semblait dormir paisiblement mais le teint jaunâtre de sa peau ne trahissait pas le poison qui s’était répandu dans son corps. Ni les tuyaux au niveau de ses narines qui lui envoyaient assez d’oxygène. L’adolescente lui serra la main et il fit sa tête se tourner vers lui. Laurène cligna des yeux et le cœur d’Aaron se serra en y voyant toute la fatigue.
– Tu vas mieux, déclara-t-elle d’une voix rauque. Je suis contente de te revoir conscient. J’ai eu tellement peur !
– Toi aussi, on dirait, murmura-t-il alors qu’il caressait ses cheveux.
– J’ai failli y passer avec cette putain de lame empoisonnée, affirma-t-elle avec un petit rire. Mais ils auraient dû savoir que je suis un peu plus coriace que ça mine de rien.
Aaron aurait voulu lui dire qu’il aurait dû être là, mais Laurène plaça son index sur ses lèvres avant de l’embrasser. Il n’eut l’impression que ses lèvres ne faisaient qu’effleurer celle de la jeune fille, pourtant la sensation de réconfort lui gonflait le cœur. La jeune fille finit par se redresser doucement, son corps éprouvé par le poison. Alors qu’Aaron allait se replacer, un tremblement le fit perdre l’équilibre et il s’étala sur la jeune fille.
– Qu’est-ce que…
– Je suppose que mon frère a appris une nouvelle déplaisante, commenta la jeune fille au moment au Nicolas débarquait.
– Par les dieux tu vas mieux ! S’exclama son père en se précipitant vers sa fille en l’embrassant pour le front. Venez, il y a beaucoup de choses à dire et je pense que tu pourras calmer ton frère.
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