Lucas resta totalement immobile sur sa chaise. La seule chose qui lui permettait de ne pas faire une catastrophe dans le campus était les doigts de Clara qui se baladait le long de son crâne. Il se demandait comment la jeune fille faisait pour bien prendre la nouvelle. Il se sentait furax, il avait l’impression que toute la tristesse qu’il ressentait n’était pas mérité. Le jeune Lié aurait bien aimé comprendre, mais il n’y avait pas vraiment d’informations.

– Comment tu fais ? murmura Lucas à l’oreille de Clara. J’ai envie de tout casser. Je ne sais même plus quoi penser.

– Je me sens soulagée, confessa doucement Clara en posant sa tête contre le torse du jeune homme. Soulagée de ne pas être responsable de sa mort. Mais Lucas, on ne peut pas la juger. On ne sait pas ce qu’il s’est passé pour qu’elle nous trahisse.

Lucas n’avait pas la lucidité afin de se le dire mais il savait que la jeune Dresseuse avait raison. Laurène et Aaron débarquèrent dans le quartier avec le père des jumeaux. Luc s’approcha de sa sœur pour l’aider. L’adolescente venait tout juste de se réveiller et peinait à rester debout. Ils rejoignirent leurs amis qui s’étaient rassemblés à un endroit du quartier des adultes. Les deux Liés s’échangèrent un regard étonné en remarquant la mine renfrogner de Lucas.

– Heu… qu’est-ce qui se passe ? demanda enfin Aaron en forçant Laurène à s’asseoir sentant que sa respiration se faisait difficile.

Lucas et Clara restèrent silencieux. Luc ne se sentait pas vraiment à l’aise pour annoncer une telle nouvelle. Surtout qu’il ne connaissait pas leur amie…

– Joyce n’est pas morte, annonça enfin Valentine qui s’appuya un peu plus sur Anna.

– En voilà une bonne nouvelle ! s’exclama Aaron, un sourire illuminant son visage. Ils ont dû envoyer une patrouille de Dresseur la chercher, non ?

– C’est que, soupira Anna enfouissant un moment son visage dans la nuque de Valentine pour y déposer un baiser. Ils n’ont pas libérer la fille du Père. Ils pensent qu’elle nous aurait trahi.

Le ton doux d’Anna ne suffit pas pour garder l’atmosphère conviviale qui s’était installée après la révélation de sa copine. Les doigts de la rouquine massaient tranquillement le crâne de Valentine. La Persévérante savait que leurs heures venaient et elle redoutait une chose en particulier : perdre Anna. Elle ne pouvait pas perdre Anna. Et même si la Soigneuse faisait son possible pour la rassurer, et réussissait la majorité du temps, il y avait toujours une voix dans la tête de Valentine qui lui soufflait de protéger l’adolescente.

Alors que Valentine s’apprêta à changer de sujet pour faire sourire ses amis, la personne masquée de l’organisation débarqua avec Damien et son autre acolyte masqué. Il n’était que trois et non quatre comme lors de l’audience. Laurène se demandait bien où le quatrième avait pu passer… qui était-il ?

– Bon, je pense que nous n’avons pas besoin d’annoncer la nouvelle de la trahison de Joyce et du voyant, commença-t-il de sa voix toujours modifiée. Le plus important en cet instant et de libérer le plus rapidement possible la dragonne. Nous ne savons pas ce que les ennemis peuvent…

– J’irai, déclara simplement Aaron qui paraissait toujours un peu malade. C’est ma dragonne, c’est à moi de la ramener.

– On viendra aussi, renchérirent Valentine et Anna d’une seule voix.

– Quoi ? Non ! s’exclama Laurène surprise. C’est trop dangereux pour lui. Je l’accompagnerais.

– Tu n’es pas en état pour, rétorqua Luc accompagné d’une hochement de tête de Lucas.

La Liée ne répliqua pas car elle savait pertinemment que ses frères avaient raison. Et elle ne se trouvait pas en position de s’opposer, surtout avec le regard d’Aaron sur elle : il ne comptait absolument pas l’embarquer dans cette quête-là.

« Tu ne fais pas partie de cette partie de la prophétie dans ce chemin-là. Laisse le faire ce qu’il a à faire, Laurène. », lui transmit Ignisaqua.

La jeune fille soupira et observa ses deux amies qui paraissaient résignées à devoir accompagner le jeune homme. Ce dernier tentait de les convaincre du contraire. Aaron ne voulait pas mettre en danger ses amies inutilement. C’était une partie qu’il devait réaliser seul, cependant les adultes avaient bien conscience qu’il ne pouvait réussir seul.

– Aaron, l’appela doucement Sébastien en le rejoignant. Les prophéties personnelles d’Anna et Valentine suggéraient qu’elles devraient t’accompagner.

– Une Soigneuse n’est jamais de trop. J’ai beaucoup de connaissance sur les dragons désormais. Je pourrais soigner la fille du Père avant qu’elle soit mieux traiter par les aînés, affirma Anna.

– Je sais mieux me battre. Puis de toute façon, où va Anna je vais. Je ne vais pas laisser filer la plus jolie fille de tous les temps !

– Val ! s’écria Anna cramoisie alors que ses amies pouffaient de rire.

L’individu masqué claqua des doigts. Laurène ne savait pas qui se cachait sous cette cagoule, cependant elle imaginait bien une mine sévère pour les rappeler à l’ordre. Évidemment que ce n’était pas l’heure de blaguer, cependant ils remerciaient tous la Persévérante d’alléger l’atmosphère. Puis les adultes comprenaient bien aussi : ils ne sortaient même pas de l’adolescence ! Ils ne pouvaient pas leur demander de garder leur sérieux tout le temps.

– Revenons à nos affaires, déclara fermement ce qui leur semblait être le chef de l’organisation secrète. Nous vous passerons les coordonnés du lieu. Nous vous rejoindrons là-bas, il vous faudra du soutien. Si vous arrivez avant nous, surtout, ne partez pas à l’attaque sans nous.

Il n’y avait pas lieu de refuser. Aaron avait la sagesse pour reconnaître qu’il s’agissait de l’option la plus prudente. Malgré tout, une partie de lui criait qu’il devait se dépêcher au plus vite. Il ressentait les souffrances de sa dragonne à travers leurs lien et ça le rendait complètement malade !

« Rendez-vous avant leur départ. Emmène aussi Luc avec vous tous. Ou alors juste ne viens pas si tu te sens trop faible, mais j’ai besoin des deux garçons. », annonça la Mère.

« Je viendrais, répliqua fermement Laurène. Mais toi ? Qui ramènes-tu ? »

« Brasier, Corail et Saumure. »

Laurène expliqua calmement l’ordre d’Ignisaqua. La jeune fille percevait la peur sur le visage des adultes. Les fondateurs des lignées n’avaient jamais fait partie des alliés jusqu’à présent. Ils redoutaient une trahison, comme tout le monde ici. Cependant Laurène décida de faire confiance à sa partenaire sur ça, espérant qu’elle sache à qui bien accorder sa confiance.

– Très bien, j’irais les voir avant de partir, affirma Aaron.

– Nous viendrons avec vous, assura Valentine. Ça sera plus simple pour partir directement.

Aaron hocha la tête et la réunion fut terminé. Laurène se faufila pour suivre Aaron. Aucun des deux n’avançaient très vite de toute façon, leur corps recouvrait encore et Laurène avait besoin de s’appuyer sur son copain dès quelques pas. Foutu poison !

– Je déteste l’idée de te savoir loin de moi, entouré de danger, confessa-t-elle assise sur son lit alors qu’Aaron prenait quelques affaires.

– Ça ne me plaît pas non plus, mais je dois libérer ma dragonne. Il est hors de question que je la laisse plus longtemps entre les mains des ennemis. Hors de question !

– Tu as l’air encore fiévreux, constata sa copine. Es-tu certain que tu ne veux pas encore te reposer et partir demain matin ?

– Non. Je dois aller la retrouver le plus vite possible. Je sens qu’elle va mal et ça me rend malade aussi ! Je n’aurais peut-être pas eu ma crise si elle n’allait pas mal.

– Tu n’en sais rien, les adultes disent qu’un lien avec un second dragon peut être violent, surtout pour nous Liés.

– Peut-être. Mais je sais que ce n’était pas lié à ça. Je le sais, je l’ai ressentis.

– Je te crois. Je te crois, ne t’en fais pas.

Ses mots rassurèrent le jeune homme. Il se pencha pour l’embrasser doucement. Il espérait que son départ ne ferait pas trop perdre les repères de la jeune fille. La fin s’approchait, lui aussi le sentait, et la jeune fille aurait besoin de toutes ses capacités et d’un bon repos pour tenir.

Anna comptait le nombre de produit qu’elle emportait avec elle. La jeune fille tentait d’appliquer les conseils qu’on lui avait donné lors de ses cours mais elle resta dubitative… elle avait l’impression de ne pas prendre les bonnes quantités. Comment pouvait-elle secourir Aaron et Valentine avec tout ça ? Cette dernière passa derrière elle, frôlant sa nuque de sa main.

– Es-tu certaine de vouloir partir ? lui souffla-t-elle à l’oreille.

– Non. Non, j’aurais préféré rester au campus mais tu sais bien qu’on ne peut aller à l’encontre des prophéties. Aaron a besoin de nous, la grande prophétie a besoin de nous.

– Tu pourrais rester en sécurité ici, proposa doucement Valentine alors que la Soigneuse se retournait pour lui faire face. Je serais plus tranquille de te savoir avec les autres…

– Val, où tu vas, j’y vais. Il est hors de question que je te perde, ne serait-ce que d’une semelle.

– Mais…

– Tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça ! s’exclama Anna en lui donnant un petit coup contre l’épaule. Je refuse d’être séparée de toi. Même si tu allais en pleine dans la gueule des ennemis…

– C’est ce qu’on va faire, chérie.

– Je te suivrais. Que tu ailles vers les ennemis, hors de la communauté, en mission pour, je te suivrais. Je ne me sépare pas de toi. Je t’aime trop pour que ce ne soit pas insupportable de te savoir loin et en danger. Je préfère rester avec toi.

Le sourire qui illumina le visage de la Persévérante suffit à donner du courage à la rouquine qui se mit sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Valentine la serra encore un peu plus fort contre elle et toutes deux furent apaisées par cette étreinte. Après s’être assurée une nouvelle fois qu’elle prenait tout ce qui fallait, elle entraîna Valentine avec elle.