GALAXIE D'YZON *** II ***

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ZOLDELLO – PALAIS D'ULTYA

Drike et Bogz Tane traversaient les couloirs sombres du palais, avançant prudemment sous la lumière tamisée de la nuit. Leur mission, dictée par Fiora Golt, les menait ici, dans l'espoir de retrouver la princesse.

Alors qu'ils progressaient avec discrétion, une voix qui résonnait les arrêta devant une porte laissée entrouverte. À travers l'entrebâillement, ils aperçurent le roi Gotbryde, seul. Dans la chapelle où reposait Calyssia, sa défunte épouse, le souverain marchait en rond, visiblement tourmenté.

— Qu'est-ce qu'il fait ? chuchota Drike.

— Aucune idée...

Gotbryde n'était pas du genre à errer ainsi dans le palais, encore moins sans garde rapprochée. Pourtant, il semblait absorbé par une inquiétude profonde.

Soudain, le roi se mit à parler d’une voix tremblante.

— Calyssia... J'ai des doutes. Je crains que Lilas soit leur cible, comme tu l'as été autrefois... J'espère avoir pris la bonne décision en la faisant embarquer à bord du Piros. Au moins, loin de Zoldello, elle est plus en sécurité, du moins je l'espère...

Drike attrapa son frère par l'épaule, les yeux écarquillés.

— La princesse n'est plus ici !

— Le Piros ? Je n'en ai jamais entendu parler, un nouveau vaisseau ? murmura Bogz, intrigué.

D'un geste autoritaire, Drike lui intima de se taire pour écouter la suite.

— J'ai veillé à ce qu'elle emporte l'Œil avec elle, poursuivit Gotbryde.

— L'Œil ? répéta Drike, cherchant une explication dans les yeux de son frère.

Bogz haussait les épaules, incapable de répondre.

— On ne trouvera rien ici, conclut Drike. La princesse est ailleurs.

— À bord du Piros ?

— Oui. Un vaisseau inconnu au bataillon…

— Alors, qu'est-ce qu'on fait ?

Drike réfléchit un instant.

— On doit vérifier leurs registres militaires. Il doit y avoir des informations sur ce Piros : sa localisation, son équipage, ses missions. Au mieux, on trouvera sa position ; au pire, on trouvera une autre piste à suivre.

Les deux frères échangèrent un dernier regard avant de se détourner du roi.

Derrière eux, Gotbryde restait seul, muré dans son chagrin. Sa silhouette vacillait dans l'ombre de la chapelle, comme un homme englouti par une mer de doutes et de regrets.

Sans un mot de plus, ils quittèrent les lieux. En découvrir plus sur le Piros devenait leur unique boussole.

PIROS - COULOIR

Kybop fulminait, seule, en direction de sa cabine, ses pas précipités résonnaient dans un couloir désert. Chaque mouvement semblait la rapprocher de l'explosion qui bouillonnait en elle. Elle était tellement obnubilée par la conversation qu'elle avait surprise entre Zorth et la princesse que ses pensées s'entrechoquaient, se bousculaient, incapables de trouver un semblant de clarté.

— Je n'en reviens pas... La princesse, cet idiot de Zorth et leur secret de polichinelle...

Tandis qu'elle bougonnait dans sa rage, quelqu’un la percuta juste avant l'entrée de sa cabine.

— Vous ne regardez jamais où vous marchez ? s'énerva la personne.

C'était Lilas. Elle venait de lui rentrer dedans, aussi inattentive qu'elle.

— Pardon ? Parce que vous regardiez, vous, peut-être ?

Elle grogna quelque chose en remettant son pantalon rouge en place.

— Toutes mes confuses, votre altesse, princesse d'un endroit inconnu !

Son indignation tordit ses traits doux en une grimace furieuse. Elle s'approcha d'elle, son visage presque collé au sien, menaçante.

— Mon royaume n'a rien d'inconnu ! La seule inconnue ici, c'est vous ! Personne ne sait qui vous êtes, vous et votre toutou mal fringué !

Ses mots la frappèrent comme une lame. Qu'elle ose parler de Guitry en ces termes fit monter en Kybop une colère brûlante. Personne n'avait le droit de le rabaisser, personne sauf elle !

Sans réfléchir, elle l'attrapa par le cou et la plaqua violemment contre le mur du couloir. Le contact froid du métal sur sa peau fit frissonner la princesse. Les doigts de la brune se resserrèrent légèrement autour de sa gorge.

— Je n'ai pas besoin d'un titre de princesse, ni de régner sur un royaume pour savoir qui je suis, mademoiselle la couronnée. Je n'ai pas besoin de bijoux scintillants pour exister, ni de paroles superficielles pour affirmer mon charisme. Je n'ai pas besoin de garde du corps pour survivre. Je me suffis à moi-même. Je n'ai pas à vivre à travers un titre ou la soumission de mes sujets.

Lilas ravala sa salive, ses yeux brillants d'un mélange de défi et de peur. Sa respiration s'accélérait, mais elle restait là, à la fixer.

C'est à ce moment-là que Slikof surgit dans le couloir, son air impassible masquant à peine sa tension.

— Lâchez la princesse. Immédiatement.

Kybop tourna lentement la tête vers lui, le défiant du regard.

— Sinon quoi ?

— Vous n'avez pas envie de le découvrir...

Ses yeux parlaient pour lui. Il émanait de lui une force tranquille, une menace sérieuse. La tension dans ses muscles montrait qu’il était prêt à agir si elle décidait d’aller plus loin. L'Eltanienne s'écarta finalement de la princesse, lentement, pour lui montrer qu'elle coopérait... pour l'instant.

— Je ne sais pas qui vous êtes, Mirkof...

— Slikof ! grogna-t-il, vexé.

— Oui, peu importe.

Elle balaya sa correction d'un froncement de sourcils. Comme Lilas, il l'observait avec une irritation mal contenue. Ses mains étaient crispées, sa mâchoire serrée. Il était prêt à réagir à la moindre provocation.

— Je ne sais pas qui vous êtes, vous, votre princesse et l'autre brutus qui vous accompagne. Mais une chose est sûre : je ne suis pas à votre service. Ni celui de votre royaume, ni celui de votre foutu roi.

— Personne ne vous le demande, rétorqua-t-il froidement.

— Dites ça à votre ami Zorth, qui a fait exploser notre mine avant de nous embarquer dans cette histoire.

Slikof resta interdit. Il ne savait visiblement pas ce qu'elle faisait ici, lui non plus. Lilas se détourna pour le rejoindre, lui lançant un regard narquois au passage. Kybop resta immobile, figée dans sa colère, dans l’attente de se retrouver seule pour se précipiter dans sa cabine.

PIROS - COCKPIT

Zorth Kydine venait d'entrer dans le cockpit, accueilli par un Dogast débordant d'enthousiasme. Son sourire large et ses yeux pétillants étaient des signes évidents : il savait que chaque apparition du conseiller annonçait de nouveaux horizons à explorer. Et pour Dogast, c'était bien plus qu'une mission ; c'était une invitation à l'aventure. Lorsqu'il le vit franchir le seuil, il se redressa dans son siège. Il frémissait d’excitation.

— Alors, capitaine ? Quand arriverons-nous sur Terre II ? demanda Zorth.

Dogast jeta un coup d'œil aux données sur son tableau de bord avant de répondre.

— Dans une heure, trente-quatre minutes et vingt-trois secondes. Vingt-deux, vingt-et-un, vingt...

— C'est bon, c'est bon, j'ai compris, capitaine, s'amusa Zorth en lui tapotant amicalement l'épaule. Mettez le cap sur la ville de Durian. C'est là qu'on devrait le trouver.

— C'est qui ? demanda Dogast.

— Un physicien. Il travaille pour l'ASIPY, répondit Zorth.

— Oh, encore un génie ! s'exclama le capitaine, un sourire en coin.

— Je l'espère, Dogast... Je l'espère...

DURIAN - CELLULE DU COMMISSARIAT

Cela faisait déjà trois heures qu'ils étaient enfermés, et Fyguie ne tenait plus en place. Il arpentait la pièce, ses pas nerveux tapant contre le sol miteux de la cellule. De son côté, Houda se morfondait dans son lit, l'air de plus en plus exaspéré.

— Écoute, je suis désolée ! Combien de fois vais-je devoir le dire ?

Fyguie s'arrêta un instant, la fixa intensément, puis reprit sa ronde frénétique autour de la cellule.

— Pfff... souffla-t-elle échapper, se laissant retomber sur son matelas.

Houda leva les yeux au plafond. Cela faisait des heures qu'elle répétait la même chose, mais rien ne semblait apaiser son ami.

Le loquet de la porte claqua soudainement. Cette fois, c'était la commissaire qui entra en premier.

— Dégagez de mon établissement. Je ne veux plus vous voir ici tous les deux, ordonna-t-elle d’une voie ferme.

Les deux scientifiques restèrent là, figés. C'était la dernière chose à laquelle ils s'attendaient.

— Si vous ne partez pas tout de suite, je vous enferme ici et je vous laisse crever, indiqua Birland.

— Ok ! On y va ! répondit Fyguie d'un ton rapide, se dirigeant déjà vers la sortie sans attendre son reste.

Houda bondit de son lit, traversa la pièce en quelques pas et le rejoignit, un sourire éclatant de soulagement sur le visage. Birland, immobile, les bras croisés, les observa sans bouger. Elle les laissa frôler son corps en sortant de la cellule. Comme si ces derniers redoutaient de la heurter, de la froisser, ou pire, de la faire changer d'avis, ils l'esquivèrent comme on éviterait un buisson d'orties. Presque par réflexe, leurs yeux évitèrent tout contact.

DURIAN – DEVANT LE COMMISSARIAT

Une fois dehors, ils aspirèrent profondément l'air chaud de Durian, un sentiment de liberté presque inespéré les envahissant instantanément. Un véritable retour à la vie. Le soleil brillait avec une intensité rare, noyant les rues d'une lumière éclatante. Les gens déambulaient joyeusement, les magasins débordaient de clients pressés, et la rue du Commissariat était devenue un véritable marché ambulant, vibrant de bruits et de mouvements. Ils s'éloignèrent lentement du bâtiment, comme s'ils avaient besoin de se convaincre que cette liberté n'était pas un mirage. Houda posa un dernier regard sur le commissariat, dont les murs, encore marqués par l'explosion de la veille, lui firent ressentir un léger frisson. Le poids de la captivité se dissipait peu à peu, mais ils savaient qu'ils venaient d'échapper au pire.

— Putain, on est libres ! célébra Houda en levant les bras au ciel.

— Rappelle-moi de ne plus jamais boire un coup avec toi, grinça Fyguie, encore agacé.

Depuis l’intérieur du poste de police à moitié en ruine, Milo et Birland discutaient des événements, leurs yeux fixés sur la scène extérieure. Les deux scientifiques s’éloignaient lentement, comme deux chatons qui viennent de se réveiller, s'étirant paresseusement au soleil. Les regards des deux policiers étaient chargés d’une désapprobation non dissimulée. La commissaire avait l’intime conviction que Krane allait revenir à la charge.

— On va garder un œil sur eux. Ces deux idiots risques de recroiser la route de Krane…

Birland lança un regard à son collègue, un regard qui en disait long sur la complicité qu'ils partageaient. Puis elle prit son arme de service sous le bureau dans un geste mécanique.

— On les suit toute la journée, dit-elle d'un ton résolu. On s’assure qu’ils sont en sécurité et si Krane revient à la charge, on pourra peut-être tenter quelque chose.

Milo hocha la tête, son regard pétillant d'une lueur de camaraderie.

— Ok, Chef ! répondit-il avec un entrain presque enfantin.

Avant de se lever, Milo posa sa main sur son ventre qui criait famine.

— Floggy's ce midi ? proposa-t-il.

— Tu me poses vraiment la question ? répondit Birland, un sourire en coin.

L'instant d'après, ils quittèrent ce qu'il restait du commissariat en silence, prêts à suivre Fyguie et Houda, espérant croiser à nouveau la route des deux trafiquantes.

PIROS - CABINE DE KYBOP ET GUITRY

Lorsqu'elle entra dans leur cabine, Guitry était avachi sur son lit, à moitié conscient, son corps semblant avoir épousé les bras de Morphée.

Putain, je ne vais rien pouvoir en tirer de celui-là, pensa-t-elle, agacée.

Elle s'approcha de lui et le secoua doucement, espérant un signe, un mouvement, un clignement d’oeil. Mais il resta parfaitement immobile. Pas la moindre réaction.

— Il est mort, ou quoi ? Tant pis, je m'en fous...

Elle lâcha un soupir frustré et s'installa à côté de lui, imitant son corps échoué sur le matelas. La fatigue pesait sur ses épaules, et elle se laissa aller dans une sorte de complicité silencieuse avec lui.

— Ce n'est pas vrai... C'est un nuage ou quoi ? Cet idiot avait raison ! Les matelas sont incroyables.

Ses paupières se fermèrent lentement. Et là, juste quand elle s'apprêtait à sombrer, un visage flou surgit au-dessus d'elle.

— Flokart, marmonna Sylice à son visage.

Kybop grogna, à peine consciente.

— Ho... Ce n'est pas vrai... Mais lâchez-moi à la fin !

— Suivez-moi au labo. Je dois vous montrer quelque chose.

Un instant, elle se laissa aller à la tentation de rester là, juste une seconde de plus, de céder au confort du matelas. Mais non. L'irritation de devoir interrompre ce moment de calme la prit à la gorge. Elle fournit un effort surhumain pour forcer ses muscles à se redresser, bien que ses paupières fussent aussi lourdes que des pierres.

— Seulement si c'est intéressant, madame le robot !

Sylice ne sembla même pas relever l'ironie dans sa voix. Son regard était plus déterminé que jamais, comme si elle allait annoncer la découverte du siècle. C'était presque risible. Kybop savait bien que les scientifiques, avec leur air sérieux et leurs grands gestes, arrivaient à nous faire croire qu'ils détenaient la vérité universelle alors qu'il s'agissait bien souvent de la simple découverte d'un nouvel atome, d'une composition de matière ou d'une quelconque réaction chimique. Des choses qui n'avaient aucune incidence sur la vie de gens comme elle, juste là pour faire briller leurs égos. L'ancienne mineuse, elle, ne voyait qu'une autre de ses révélations futiles qui ne changerait rien à leur quotidien. Comme si un détail scientifique allait soudainement éclairer les galères dans lesquelles ils s'enfonçaient. C'était à se demander pourquoi ils n'arrivaient jamais à se rendre compte qu'on ne partageait pas leur ferveur pour tout ce qui brillait sous un microscope.

— Vous n'imaginez pas à quel point...

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