PIROS *** I ***

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DURIAN - FLOGGY'S

Kybop et Guitry avançaient lentement vers la table de Fyguie. Elle décida d'y aller franchement, comme si tout était parfaitement normal.

— Salut.

Les deux femmes tournèrent la tête comme si elle venait de les offenser. Leurs regards, acérés comme des lames, la fusillèrent sur place. Les deux autres restèrent figées, leurs yeux brillants d’incompréhension.

— Qui êtes-vous ? demanda la femme aux cheveux de feu, la voix glacée.

Birland et Milo, toujours postés au fond du restaurant, les observaient.

— C'est qui ces deux-là ? murmura Milo.

— Inconnu au bataillon... lâcha la commissaire dans un soupir sarcastique.

À la table de Fyguie, l'ambiance se tendait encore. Kybop sentait dans l’air une hostilité latente.

— Et vous, vous êtes qui ? intervint Brizbi, sa voix tranchante.

La brune au regard glaciale n’en fit pas cas et s'avança encore, posant ses mains sur la table.

— Mon identité ne vous regarde pas.

Manko Krane, les mâchoires serrées, échangea un regard d'acier avec Brizbi.

— Vous feriez bien de surveiller votre ton, grogna Krane, une menace à peine voilée dans sa voix.

Elle la dévisagea, ses pupilles dilatées, ses traits tendus comme ceux d'un prédateur jaugeant sa proie.

Brizbi éclata de rire, son ricanement sec brisant l'ambiance oppressante.

— Vous ne savez vraiment pas à qui vous avez affaire, hein ? murmura-t-elle.

Elle s'enfonçant dans sa chaise puis se redressa légèrement, l'air amusé.

— Oser parler à Manko Krane de cette façon ? Vous êtes inconscients, ou juste suicidaires ?

La blondinette éclata de rire à nouveau. Elle se replia davantage dans sa chaise comme pour prendre de la distance et apprécier d'autant plus la situation.

— Écoutez-moi bien, vous n'êtes visiblement pas du coin, reprit Krane entre ses dents, mais personne ne me parle sur ce ton...

Elle appuya chaque mot avec un sourire carnassier, comme un avertissement pour qu'elle fasse bien attention aux mots qui allaient franchir ses lèvres. Mais c'était trop tard. Le cœur de Kybop s'emballa, le sang affluant dans ses tempes. L'adrénaline et le cortisol s'enflammèrent dans ses veines. Il n'était pas question qu'elle baisse d'un ton. Pas maintenant. Elle se prend pour qui celle-là ? pensa-t-elle.

— Je ne sais pas qui vous êtes, Manko Krane, et je m'en contrefous. Ce que je sais, c'est que je suis ici pour parler à Fyguie. Vous pourriez être la reine de la galaxie de mon cul, je n'en aurais toujours rien à foutre.

Manko Krane n'en revenait pas. L'audace dont cette inconnue faisait preuve la laissait sans voix. Brizbi, qui était restée assise jusqu'à présent, se redressa d'un bond, son regard devenu aussi tranchant qu'une lame. Krane, de son côté, prit une grande inspiration, ses yeux plissés tentant de contenir la colère qui menaçait de déborder.

Les deux policiers échangèrent un regard furtif, réalisant que les choses venaient de prendre une tournure bien plus sérieuse. Leurs mains se crispèrent autour de leurs ceintures, prêts à dégainer à tout moment.

— Merde... Ça dégénère, murmura Birland à son binôme.

Dans un fracas brutal, les chaises basculèrent. Les policiers se levèrent d'un bond, leurs gestes précipités projetant une onde de tension à travers la pièce.

Manko Krane réagit sans hésitation. Dans un mouvement fluide et précis, elle sortit une arme de sa ceinture et la braqua droit sur eux. Les deux policiers se figèrent, leurs mains suspendues dans un geste inachevé.

L'espace entre eux était devenu un champ de mines, un fil invisible tendu au point de rupture.

C'est alors que Milo hurla, sa voix brutalisa l'atmosphère comme une alarme incendie :

— TOUT LE MONDE À TERRE !

Certains obéirent instantanément, se jetant au sol, tandis que d'autres foncèrent vers les sorties de secours et l'entrée. La panique s'installa, créant une confusion totale.

Parfait ! C'était maintenant ou jamais ! pensa Kybop.

Elle saisit le bras de Fyguie, qui n'eut pas le temps de réagir. Les détonations éclatèrent autour d'eux, résonnant dans l'air. Leurs armes de guerre, bien trop puissantes pour une fusillade à bout portant, transpercèrent le restaurant de toute part. Des éclats de tables et d'objets volèrent en tous sens, comme une pluie d'étoiles mortes. Les deux policiers, désorientés, peinaient à riposter avec leurs petits calibres.

Dans un geste rapide et chevaleresque, Guitry saisit la jeune femme qui accompagnait leur cible initiale. L'urgence les pressait : ils foncèrent vers la porte derrière le comptoir, l'enfonçant sans hésiter pour déboucher dans les cuisines.

— Restez baissés ! ordonna Guitry.

Kybop entendit des hurlements et des explosions juste derrière eux. Il fallait qu'ils sortent rapidement et Slikof et Kylburt étaient toujours à l'extérieur.

Alors que la bataille faisait rage dans la pièce d'à côté, elle réalisa qu'ils n'avaient rien pour se défendre. La seule option qui leur restait était de passer par la porte à l'arrière du bâtiment. Elle poussa la poignée, qui devint leur ticket de sortie vers la survie. Une fois dehors, leurs deux anges gardiens étaient prêts à les accueillir.

— On ne vous a pas vue sortir par-devant, on s'est dit qu'il fallait voir les autres issues ! informa Slikof.

Entre le vacarme, la panique et les détonations, il était difficile de s'entendre.

— Vous avez une arme ? demanda-t-elle dans l'urgence.

— Non, nous ne sommes pas armées ! On doit repartir au plus vite vers le Piros.

Slikof jeta un coup d'œil pour s'assurer de la présence de Fyguie puis s’attarda une seconde sur la jeune femme qui les accompagne.

— Elle est avec vous ?

— Oui ! balança Guitry en levant le ton pour être certain d'être entendu.

Kylburt désigna Houda dans un mouvement du menton.

— C’est qui ?

— Où que nous allions, elle vient avec nous ! lança Fyguie.

Dans un geste protecteur, il attrapa son amie par la main et se plaça devant elle.

— Oui, elle vient, confirma Guitry.

Personne ne prit le temps de discuter, l'urgence était bien trop pressante. Ils se lancèrent dans une course effrénée à travers cette ville agitée. Kybop n’était même pas sûr que les deux femmes soient réellement à leurs trousses, mais une chose était certaine : ils devaient partir. Sans armement, ils n’étaient que des cibles sur pattes. Il n’était pas question de leur donner l’opportunité de les rattraper.

Le souffle court, le Piros apparut enfin au loin, son pont se déployant comme un refuge, une promesse d’évasion.

— Guitry !

Il se tourna vers son amie, un sourire complice éclairant son regard. C'était le signal, leur chance de s'émanciper. Kybop dévia brusquement sur la droite, et Guitry la suivit, peut-être un peu trop vite. Un instant, tout sembla se synchroniser, mais une étrange sensation la figea. Comme une force invisible qui l’empêchait de mener à bien ce plan de fuite avec son ami. Impossible de l'expliquer, mais ce n’était pas tant l’élan de liberté qui la poussait, plutôt une sensation de désertion.

Slikof repéra immédiatement leur manœuvre et stoppa sa course. Son regard, incertain, se fit intense. Il hésita. Zorth, qui surveillait depuis le pont, hurla son nom dans un cri désespéré :

— NE PARTEZ PAS, KYBOP !

Elle ferma les yeux, une douleur sourde lui serra la poitrine. Ce n’était plus qu’une simple hésitation. C’était un déchirement. Tout la poussait à partir, mais cette voix... Il était difficile de l’ignorer. Pourtant, l’instant suivant, ils reprirent leur course, fuyant vers la liberté, mais la réalité les rattrapa plus vite que prévu.

Deux silhouettes familières surgirent juste en face d’eux. Cheveux rouges se tenait face à eux, accompagnée de la folle à la cicatrice en croix, prêtes à en découdre, armes à la main. Krane visa Kybop, son fusil gigantesque braqué sur elle comme un jugement implacable. Mais alors qu'elle se préparait à tirer, une voix perçante éclata dans la rue :

— BARREZ-VOUS ! hurla Milo, braquant la trafiquante, doigt sur la détente.

Les policiers arrivèrent en trombe, ouvrant le feu dans leur direction. C’était une course contre la montre, un chaos total.

Slikof, qui les avait finalement rattrapés, agrippa violemment la fuyarde par le coude, la forçant à rebrousser chemin vers le vraisseau. L’élan de liberté qui l’animait quelques secondes plus tôt s’évapora dans la violence de la situation. Plus aucun choix ne s’offrait à eux. Elle se résigna, laissant ses jambes la porter vers le vaisseau, son cœur lourd de ce renoncement.

À peine son pied posé sur le pont, le Piros s'éleva, emportant avec lui les chimères d'une vie de délivrance. À bord du Piros, l'ascension se fit dans un silence étrange, seulement brisé par les bruits métalliques du vaisseau qui prenait de l'altitude. Le sol trembla légèrement sous leurs pieds, et pendant un instant, Kybop eut l'impression que tout s'était figé autour d'elle. Le vaisseau montait, emportant avec lui, la promesse faite à Guitry.

Elle ressentait encore la main de Slikof sur son bras, la forçant à changer de direction. Le choc était encore là, dans ses muscles tendus, dans cette brûlure intérieure qui la démangeait de regret. Partir, c'était l'option la plus simple, la plus claire. Pourtant, au moment où ses pieds avaient retrouvé le sol du Piros, quelque chose en elle avait changé, sans qu'elle puisse l'expliquer. Une sensation contradictoire, comme si, au fond, elle avait retrouvé sa place, sans savoir exactement pourquoi.

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