EREDET *** II ***

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PIROS - SALLE PRINCIPALE

Kybop se dirigea vers la salle principale, où une partie de l'équipage, dont la princesse, se trouvait déjà. Beaucoup de choses se chamboulaient dans sa tête. Concernant la mission, elle n'en savait pas grand-chose. Enfin... elle connaissait les grandes lignes : fin du monde, gentils contre méchants, etc. Elle aurait bien le temps de comprendre le reste, mais la princesse, là... C'était bien plus flou. Pourquoi ce rapprochement soudain ? songea-t-elle.

Elle qui la pensait une gamine pourrie gâtée, toujours antipathique. Peut-être s’était-elle trompée. Mais elle préférait rester prudente. Elle n’avait jamais eu une confiance aveugle dans les têtes couronnées. Trône, trahison et pouvoir. Voilà leurs principes, grogna-t-elle. Ces deux valeurs qui leur permettaient de bâtir des murs autour de leur palais.

Kybop pensait qu’elle profitait probablement de la situation, qu’elle cherchait à obtenir quelque chose. Un geste d’empathie aussi inattendu ne pouvait pas être gratuit.

Ses pensées tournaient en boucle alors qu’elle scrutait la pièce. Slikof, Lilas et Houda étaient là. Guitry était parti avec l’Adhara, Sylice était toujours dans le labo avec Fyguie, Zorth et le capitaine étaient dans la salle de commande. Le rigélien veillait sur la princesse comme le ferait une louve sur ses petits.

Dans un coin, elle remarqua Houda, qui était assise, complètement ailleurs. Elle s’approcha et s’affala à côté d’elle sans prévenir. L’amie de Fyguie la fixa, pétrifiée, comme si la brune antipathique allait lui sauter à la gorge.

— Relax, Monty. Je ne vais pas te dévorer.

Elle laissa échapper un soupir de soulagement et relâcha ses épaules.

— Désolée... Je suis tendue.

— Pourquoi ?

Elle prit une grande inspiration, l'air d'essayer de se remettre.

— Eh bien... Parce que des mafieux ont voulu qu'on leur fabrique de la drogue. Puis, vous avez débarqués, et ça a fini en fusillade dans un resto de Durian. Ensuite, une tribu de fous furieux nous a invitées à bord de leur vaisseau spatial. Vaisseau qui, en plus, est missionné pour sauver l'univers. Et...

L'Eltanienne lui posa la main sur la sienne, espérant l'aider à respirer un peu mieux.

— Hey. Doucement, murmura-t-elle.

Houda peinait à se calmer et Kybop pouvait sentir la tension dans sa main.

— On est tous dans le même bateau, Houda. Hier encore, je n’en savais pas plus que toi.

— Oui, mais toi… commença-t-elle.

— Quoi, moi ? coupa-t-elle avec un peu d'impatience.

— Je ne sais pas... T'as l'air du genre de nana... enfin, tu sais... dure à cuire.

Kybop n'arriva pas à retenir son rire.

— Ah, ma pauvre. Tu dis ça parce que j'ai une cicatrice en travers du visage ? C'est ça ?

— Entre autres... reprit-elle, esquissant un petit sourire.

— Eh bien, toi aussi.

— Oui, mais moi, j'ai juste glissé sur un de mes jouets quand j'avais trois ans. Rien d'héroïque là-dedans.

Elles partagèrent un rire complice.

— Tu te trompes, je ne suis pas une combattante, clarifia Kybop amusée.

— Ah bon ? Et cette cicatrice, alors ?

— Longue histoire... disons que...

Un autre éclat de rire interrompit leurs paroles. C'était Zorth et la princesse qui se lâchaient, riant aux éclats. Elle détourna immédiatement son attention vers eux, s'apprêtant à couper court à leur discussion.

— Désolée, Houda si je t'ai fait peur. En tous les cas, bienvenue à bord.

Elle se leva et se dirigea vers Zorth et la princesse. En chemin, elle se rendit compte qu'elle avait peut-être raison. Son apparence n'aidait pas vraiment à faire bonne impression. Tantôt un atout, tantôt une malédiction.

Elle n'était pas grande, mais l'aspect athlétique de son corps, forgé par des années dans les mines de Californium sur Eltanin, la trahissait. Ses cheveux noirs comme de l'ébène tombaient jusqu'à ses épaules, lisses et impassibles, un voile sombre comme la nuit. Son teint pâle et ses yeux bleu azur ne facilitaient pas les choses non plus, cela lui donnait une intensité glaciale. Et puis, bien sûr, la cicatrice.

Ce fichu souvenir.

Neuf centimètres et sept millimètres, traversant son visage en diagonale, du milieu de son front jusqu'à la joue gauche. Elle connaissait la mesure exacte grâce à Guitry, cet idiot. Il s'était amusé à la mesurer pendant qu'elle dormait et l'avait réveillée le matin en lui racontant qu'elle faisait la même taille que la longueur moyenne d’un pénis Zoktarien. Ça avait fini avec un joli crochet du droit dans sa mâchoire.

Un joli détail qui n'avait jamais aidé sa réputation.

Kybop arriva près de Zorth et de la princesse. Posté à leurs côtés, tel une sentinelle indestructible, Slikof les observait. Toujours aussi froid, il l'analysa de haut en bas sans dire un mot. Flokart s'apprêtait à intervenir, mais le conseiller prit les devants.

— Asseyez-vous, je vous en prie, dit-il tout en tirant une chaise.

Elle le remercia d'un signe de tête avant de s’asseoir.

— Vous digérez ? lança-t-il, un sourire en coin.

— Pas vraiment. J’ai un mauvais transit.

Zorth sourit, mais Slikof n’avait pas vraiment l’air de saisir ses sarcasmes.

— Zorth veut parler des informations concernant votre situation, précisa l’espion.

— Oui, oui, j'avais compris, Slikof.

L'humour, décidément, ce n'était pas son fort. Ses doigts tapotaient nerveusement sur la table. Kybop lui fit remarquer d’un simple regard et il s'arrêta immédiatement.

— D'où venez-vous exactement ? reprit-il.

— Eltanin.

— La planète minière, hein ? s'enquit-il.

— C'est ça.

— Mais vous n'êtes pas née là-bas, non ? Vous devez bien venir de quelque part.

— Si vous avez une idée, je suis preneuse.

Slikof se rendit compte qu'il touchait un sujet sensible, alors il abandonna vite ses indiscrétions. C'est Lilas qui reprit la parole, cette fois.

— Et vos parents ? demanda-t-elle, l'air intéressé.

Kybop haussa simplement les épaules.

Un petit rictus compatissant se dessina sur les lèvres de la princesse. Malgré cette marque d'empathie, l'orpheline serra les dents. C'était un sujet qui la mettait mal à l'aise. Ne pas savoir d'où elle venait la faisait se sentir comme un objet trouvé dans la poche d'un inconnu. Et après tout ce qu'elle avait entendu, elle trouvait tout cela presque risible... Un originel sans origine... C'était drôle et, en même temps, d'une grande tristesse.

Elle secoua brièvement la tête, pour refouler tout ça.

— Bon, je vous laisse. Reprenez votre conversation. À plus tard.

Elle n’avait pas de temps à perdre avec les politesses et les courbettes. Kybop était bien la seule à traiter la princesse comme n’importe quel autre membre de l’équipage.

L'Eltanienne s’éloigna du groupe pour rejoindre le bar qui occupait un coin de la pièce. Ah ! Enfin quelque chose d’intéressant ! pensa-t-elle. Son regard se posa sur la bouteille de vin de Giskol qui trônait sur le comptoir, attendant patiemment. Elle se servit un verre, puis un autre, encore un autre. Même si elle savait qu'elle en avait déjà bu plus que de raison, elle les enchaina avec plaisir. L'alcool commençait à l’embrumer, comme un léger voile posé sur le fil de ses pensées.

Son regard balaya la pièce, s’attardant sur chaque personne présente comme si elle cherchait à les graver dans sa mémoire. Puis ses yeux se posèrent sur Zorth, toujours aussi fringant. En le scrutant de haut en bas, elle se rendit soudainement compte qu’elle détestait profondément le violet. Et si elle détestait le violet, et que Zorth portait du violet… Cela signifiait-il qu’elle détestait Zorth ? C’est ridicule, se moqua-t-elle intérieurement.

Mais avant que ses réflexions n’aillent trop loin, Zorth interrompit son flot de pensées.

— Mes chers, dans un quart d'heure, nous serons arrivés sur Eredet. Soyez prêts. J'ai fait préparer des habits spéciaux dans le sas de sortie. Cette planète n'a point été explorée depuis une époque fort reculée, et il sera de rigueur de s'armer de l'équipement nécessaire.

— Qui sortira ? demanda Slikof.

Zorth leva son doigt en l'air.

— Vous, Fyguie, la princesse, Binny, et moi-même.

— La princesse ? protesta Slikof.

— Pas de panique, Slikof. Binny sera là, elle sera en sécurité.

Il n'était pas convaincu, mais il se contenta de hocher la tête.

— Très bien, mais si quelque chose lui arrive, je vous tiendrai pour responsable.

Zorth sourit largement, esquivant les menaces d'un air satisfait.

Sans plus de cérémonie, tout le monde se dirigea vers le sas de sortie, sans vraiment savoir ce qui nous attendait.

PIROS - SAS DE SORTIE

Zorth prit le micro pour prévenir Binny et Fyguie, et deux minutes plus tard, ils firent leur entrée dans la pièce. Maintenant que l'équipe était au complet, ils s'affairèrent à enfiler les tenues prévues pour cette exploration.

Kybop se tourna et aperçut la princesse, les cheveux lâchés, dans une combinaison près du corps qui n'avait plus rien de royal. Sa tenue sombre et ajustée mettait en valeur sa silhouette, tout en étant pratique pour arpenter des endroits hostiles. Elle la vit et un sourire moqueur s'accrocha à son visage. La princesse y répondit par une grimace agacée, ce qui amusa Kybop d'autant plus.

Fyguie termina d'enfiler sa propre tenue, également près du corps. Son ensemble, bien que fonctionnelle, ne correspondait pas à l'image d'un aventurier ; il semblait presque trop serré pour lui. En revanche, Binny dégageait une assurance défiant tout entendement. Sa tenue de protection, plus adaptée à ses mouvements, était ornée de plusieurs poches pour ranger les outils indispensables à leur mission.

Zorth les surveillait comme un professeur attentif à ses élèves dissipés, prêt à les reprendre à la moindre incartade. Pourtant, chacun était concentré sur sa tâche, absorbé par l'excitation de l’exploration d’une planète inhabitée.

Peut-être était-ce l'idée de sortir enfin de cette carcasse de ferraille qui leur procurait cet élan de motivation ?

ZOLDELLO

Les frères Tane, toujours en quête du capitaine Crylon Dogast, arrivèrent dans un village de Zoldello, non loin du palais d’Ultya.

— C'était sa maison, annonça Drike en posant sa main sur l'épaule de son frère. On entre. On trouvera bien quelque chose.

Bogz, quant à lui, savait déjà qu'il allait devoir défoncer la porte, et cela l'enchanta. Il s'avança, sans même jeter un coup d'œil pour voir si quelqu'un était à l'intérieur. La discrétion, clairement, ce n'était pas son point fort. Heureux de pouvoir laisser libre cours à sa violence, son taux de testostérone à son comble, il asséna un coup d'épaule dévastateur, faisant voler la porte en éclats.

— Si vous voulez bien entrer ! dit-il à son frère avec une révérence volontairement exagérée.

Drike lui jeta un regard moqueur et pénétra dans la maison.

Ils commencèrent à fouiller chaque recoin, sans la moindre inquiétude de laisser des traces de leur passage.

Drike et Bogz étaient deux petites frappes, recrutées par Fiora lorsqu'ils étaient encore adolescents, à une époque où leur vie semblait perdue. Elle avait été leur phare dans la tempête, une bouée à laquelle se raccrocher pour éviter de sombrer. Ils lui obéissaient sans poser de questions sans jamais chercher à défier son autorité. Violents, bourrus et sans aucune éducation, Fiora en avait fait des soldats prêts à se sacrifier pour la protéger, peu importe le prix.

Après avoir retourné la maison, Drike finit par mettre la main sur quelque chose, soigneusement rangé dans un tiroir d'un bureau.

— Je crois qu'on tient quelque chose... dit-il.

Drike brandit fièrement un morceau de papier portant le sceau de la famille royale. Il le déroula avec impatience et commença à lire à voix haute :

« Mes hommages, mon capitaine,

Après avoir étudié votre dossier, je pense que vous êtes l'homme de la situation.

La Famille Royale a besoin de vous. J'aimerais vous confier une mission particulière.

Retrouver Zorth Kydine, demain, dans la salle du trône du Palais.

Roi Gotbryde. »

— Demain ? Parfait !

Drike, irrité, baffa son frère avec une violence contenue.

— La lettre a été écrite il y a deux semaines, espèce d'idiot ! On arrive trop tard. Mais au moins, on a un autre nom maintenant.

— Zorth Kydine...

— Oui... Cet enfoiré de Gudjanien, conseiller du roi et de feu la reine Calyssia... Il faut qu'on aille voir dans ses quartiers. Attends la nuit pour plus de discrétion.

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