FORET D'EREDET *** I ***

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EREDET

L’équipe formé par Zorth avaient quitté le Piros pour poser le pied sur Eredet, une planète où la nature, loin de toute civilisation, avait repris ses droits de manière aussi impressionnante qu’incontrôlable.

L’environnement d’Eredet était une véritable révélation. L’air, lourd d’humidité tropicale, imprégnait chaque recoin de la forêt, mêlant des odeurs terreuses à des parfums inconnus. Devant Kybop, une mer de verdure luxuriante semblait avoir été oubliée par le temps, engloutissant tout sur son passage. Des arbres colossaux, aux troncs aussi larges que des maisons, s’élevaient vers le ciel, leurs cimes se fondant dans des nuages bas, formant une voûte de feuilles épaisses qui tamisait la lumière du soleil.

Le spectacle était impressionnant, presque irréel, comme si la nature avait pris sa revanche sur un monde qui l’avait trop longtemps maltraitée. Les sons étaient tout aussi intenses : un bourdonnement incessant d’insectes et d’animaux invisibles, ponctué par les chants d’oiseaux exotiques dont les couleurs vibraient entre les feuillages. L’atmosphère elle-même semblait vivante, bouillonnante d’activité. Cette planète n’avait finalement rien d’inhabité.

Kybop repensa à ses jours passés dans sa cellule d’Eltanin, observant par une fenêtre sale un désert de neige immobile. À l’époque, elle surfait sur les pages de son ordinateur, se perdant dans des images de planètes inconnues. Jamais elle n’aurait imaginé que la réalité surpasserait à ce point ses attentes. L’intensité de cette nature la subjuguait. La forêt lui rappelait la puissance brute de l’univers, bien plus vivante que n’importe quel bâtiment ou cité.

S’il y avait bien une chose qu’elle appréciait depuis leur départ d’Eltanin, c’était la découverte des autres mondes qui peuplaient l’espace infini.

— Kybop ? Vous êtes toujours avec nous ? interrogea Zorth.

— Oui... Zorth... Savez-vous où nous allons ?

Il s’arrêta devant un arbre immense, s’adossant contre son tronc. Sa posture parlait d’elle-même : épaules voûtées, tête inclinée… Tout en lui trahissait un profond désarroi.

— Il serait peut-être temps de nous dire les choses, Zorth…

Il se retourna pour leur faire face, l’air déterminé.

— Je sais pertinemment que notre place est en ces lieux, déclara-t-il avec panache.

— Vous savez ? Mais qui vous a demandé de venir ici ? questionna Kybop, non sans impatience.

— La Prophétie, rétorqua-t-il, index redressé.

Elle réalisa soudainement qu’il ne levait ce doigt que lorsqu’il était certain de l’information.

— Donc, cette Prophétie affirme qu’on devait venir ici ? dit-elle, un sourcil arqué.

— Assurément !

— Sérieusement ? C’est tout ? ajouta-t-elle en levant les yeux au ciel avec exaspération.

— Elle a raison, Zorth. Inutile d’entretenir le mystère, rétorqua la princesse avec un brin d’agacement. Si nous voulons mener cette mission à bien, tout le monde doit être sur la même longueur d’onde. Nous sommes bien dans le même camp, n’est-ce pas ?

Lilas, fidèle à elle-même, ne supportait pas les secrets et voulait des explications, tout comme l'Eltanienne. Binny, de son côté, observait en silence, légèrement en retrait. Vigilante, elle adoptait l’attitude d’une proie, attentive au moindre signe de menace autour d’eux.

— Vous ne nous faites pas confiance ? demanda Kybop avec sincérité.

Cette dernière phrase sembla offusquer Zorth.

— Sans l’ombre d’un doute !

— Alors retournez les cartes et laissez-nous les déchiffrer avec vous !

Kybop ne regardait pas directement Lilas, mais sa vision périphérique lui permit de deviner que la princesse l’appuyait. De légers mouvements de tête, à peine perceptibles, venaient ponctuer chacun de ses propos.

Finalement, Zorth laissa échapper un long soupir. Impossible de dire s’il exprimait du soulagement ou une forme de reddition.

— Tout ce que je sais d’Eredet se résume à cette définition tirée du livre : « Eredet, terre en apparence désertée, mais qui recèle en son sein l’Oracle. »

Binny, restée silencieuse jusqu’à présent, prit soudain la parole.

— L’Oracle est ici ?

Ses yeux écarquillés et son expression surprise trahissaient qu’elle savait de qui il s’agissait.

— Si l'on en croit l'ouvrage, oui, il serait supposé s’y trouver…

Elle ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase. Emportée par son excitation, Binny l’attrapa et le secoua joyeusement.

— Mon Dieu, mais c’est incroyable ! Vous savez depuis combien de temps mon peuple le cherche ?

Zorth, décontenancé par cette agitation, tenta de reprendre son récit.

— Votre peuple cherche l’Oracle ?

— Oui ! Depuis des siècles ! Tous les cinquante ans, un nouveau Porteur de Lanterne est désigné. Parfois même plus tôt, si le porteur actuel disparaît ou ne donne plus signe de vie... ajouta-t-elle dans un murmure étouffé.

— Un porteur de lanterne ? intervint Lilas.

— Oui, une personne de la tribu. Désignée par les anciens et les deux lunes. Elle a pour mission de trouver l’Oracle ! Et vous êtes en train de me dire que c’est lui que l’on va voir ?

Elle relâcha Zorth et se prit la tête, agitant son corps dans tous les sens. Les informations se bousculaient dans l’esprit de Kybop, et une envie pressante de lui poser la question s’imposa à elle.

— Binny ?

— Oui ? répondit-elle, ses yeux trahissant son excitation.

— Tu es le porteur de lanterne ?

— Oui ! C’était moi ! C’était pour ça que je voyageais à travers les galaxies depuis bientôt six ans ! C’est ainsi que j’avais rencontré Zorth au cours de l’un de ses voyages ! Le Porteur n’avait pas le droit de revenir sur Adhara tant qu’il n’avait pas trouvé l’Oracle, et lorsque ma route avait croisé celle de Sieur Zorth Kydine, l’occasion était trop belle pour moi. Je m’étais dit que j’allais pouvoir parcourir l’espace, me joindre à sa mission, tout en poursuivant la quête pour mon peuple.

Sa voix s’éteignit peu à peu, devenant inaudible à la fin de sa phrase. Puis son expression se fit plus grave.

— Mon père était porteur de lanterne avant moi. Il était parti quand j’avais seulement neuf ans. Je ne l’avais jamais revu.

Les mines se firent désolées, et un silence lourd de compassion s’installa. Chacun sembla à court de mots face à Binny, qui portait une mission cruciale, non seulement pour son peuple, mais aussi en mémoire de son père.

— Nous sommes attristés de l'entendre..., finit par lui avouer Fyguie. Mais est-ce que je peux te demander pourquoi vous cherchez l'Oracle ?

Binny reprit rapidement ses esprits, portée par sa foi et son désir de partager ce sujet qui l’animait au plus profond de son âme.

— Dans nos croyances, la survie de l'univers dépend de la fertilité d'Adhara. Lorsque la floraison fait défaut, une planète disparaît quelque part. Si les prunilles de la vallée d'Azélette ne mûrissent pas, une éclipse se manifeste. Et lorsque nos papillons n’éclosent plus, un cataclysme survient. Selon notre livre des Anciens, un Oracle détient le Savoir, c’est-à-dire la capacité d’anticiper ces désastres et de protéger les peuples en danger. Bien que les Adharas soient reconnus comme de redoutables guerriers, nous sommes avant tout un peuple en harmonie avec la nature. Les Anciens Adharas possédaient ce Savoir et étaient vénérés à travers les galaxies comme des sauveurs. Cependant, à la suite d’un événement tragique dont nous ignorons les détails, nous avons perdu ce Savoir. Depuis, un porteur de lanterne est désigné pour entreprendre la quête de sa redécouverte.

Zorth écouta avec attention. Il n’avait visiblement pas connaissance de cette croyance. Les préceptes défendus par le peuple Adhara, malgré leur violence apparente, étaient toujours centrés sur la nature, élément indispensable à la survie de tous.

— Voilà une histoire fort intéressante, Binny... Auriez-vous, par hasard, des informations concernant l’Oracle dont je ne serais point informé ?

Elle réfléchit une seconde, levant les yeux au ciel.

— Dans nos écrits, l'Oracle se serait reclus dans les tréfonds.

— Zorth, il serait sage de procéder à un scan de la zone, suggéra Fyguie d’un ton peu assuré. J’ai observé que vous disposez de matériel de pointe à bord. Vous devez bien avoir les moyens de sonder le sol, n’est-ce pas ? S’il est question des tréfonds, il va de soi qu’il faille chercher sous la surface.

— C’est une excellente idée ! s’écria Zorth, ravi.

Il établit aussitôt une connexion avec le vaisseau.

— Capitaine, vous me recevez ?

— Positif, Zorth, cinq sur cinq !

— Pouvez-vous passer la planète Eredet au géoradar ?

L’équipe patienta quelques instants avant que Dogast ne leur indique plusieurs endroits.

— D'après les résultats, je détecte deux cavités importantes non loin de votre géolocalisation. L'une des deux est bien plus profonde que l'autre. Je dirais qu'elle descend facilement à 800 mètres sous le sol.

— Fort bien, merci Capitaine.

Kydine mit fin à la communication d'un mouvement de poignet.

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