FORET D'EREDET *** II ***

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EREDET - DANS LES BOIS

Le groupe s’enfonça dans les bois, où la végétation devenait de plus en plus dense et luxuriante à chaque pas. Binny avançait prudemment, toujours proche de la princesse, tandis que Zorth, en tête, s’imposait tel un prophète, ses pas déterminés marquant le rythme du groupe. Quant à Kybop, elle fermait la marche aux côtés de Fyguie.

Fyguie suivait son rythme sans un mot. Le silence qui régnait entre eux était palpable, mais paradoxalement, la présence du scientifique ne lui était pas désagréable. Il était discret, réservé, tout le contraire de Guitry. En l'observant discrètement, elle remarqua une légère préoccupation sur son visage, une inquiétude presque imperceptible qui contrastait avec son calme apparent.

— Stressé ?

Il semblait tellement perdu dans ses pensées qu'il ne capta même pas ma question.

— Allô ? Il y a quelqu'un ? insista-t-elle en le poussant légèrement sur le côté.

— Oh... Pardon ! Tu disais ?

— Je te demandais si tu étais stressé ?

Fyguie lui sourit vaguement, scrutant son visage avec une insistance qui la mit mal à l'aise.

— Quoi ? J'ai un truc sur le visage ? lança Kybop, gênée.

— Non, pas du tout. C'est juste que... je fixe parfois les gens. C'est impoli, je sais. Désolé.

Il agita les mains pour se défendre, raclant sa gorge comme un enfant pris en faute. Elle le fixa, curieuse, attendant enfin une réponse.

— Pour répondre à ta question... Non. Je ne suis pas stressé.

— Ah bon ? Alors quoi ?

Il se mordilla la lèvre, hésitant.

— Je réfléchis.

Elle le poussa à lui répondre d’un ton plus sec, impatiente.

— À quoi, bon sang ? Pourquoi tout le monde joue la carte du mystère pour rien ?

Fyguie plongea ses yeux dans ceux de la brune menaçante, une lueur de doute dans le regard.

— Sylice m’a parlé de quelque chose… Et…

Elle fronça les sourcils, intensifiant son regard, comme pour lui dire de ne pas lui faire perdre de temps.

— Je ne sais pas si je peux te le dire...

Elle soupira et son ton se durcit.

— Écoute, tout le monde me cache des trucs ici. Et je parie que c’est pareil pour toi. Mais si on veut avancer, faut arrêter de tourner autour du pot, d’accord ?

Sa main s’avança vers lui, tendue dans un geste presque solennel, comme pour sceller un pacte.

— Toi et moi, pas de secret. Tu me dis tout, je te dis tout. Je ne te connais pas encore, mais j’ai la sensation que je n’ai rien à craindre de toi.

Sans réfléchir, leurs mains se saisirent avec sincérité, comme une promesse silencieuse. Une fois sa main dans la sienne, son attitude changea instantanément, comme s’il venait soudainement de trouver une confiance nouvelle en lui-même.

— Ok... Elle m’a dit quelque chose concernant notre ADN.

Elle roula des yeux, lassée.

— Super... Encore un truc scientifique... J’adore, vraiment.

Mais il se pencha vers elle, comme pour me confier quelque chose de crucial, sa voix soudainement devenue presque un murmure.

— Toi et moi... On a le même ADN. Tu comprends ?

Elle serra sa main plus fort, presque à s'en faire mal, son esprit en pleine ébullition. Puis, sans prévenir, Kybop le tira un peu plus près d’elle, presque contre son torse, plaçant leurs visages à quelques centimètres l’un de l’autre.

— Qui es-tu, bon sang ?

La question éclata, brute et furieuse.

— Ton frère... Jumeaux, avoua-t-il, la voix tremblante.

Elle regarda Fyguie, presque absente puis la voix de Zorth perça l’air, brisant ce moment suspendu.

— Venez voir !

Elle rejoignit précipitamment l'équipe. Une fois arrivée auprès du groupe, leurs regards convergèrent vers ce qui ressemblait à une entrée menant aux profondeurs.

— Nous ferions bien d’aller y jeter un œil, proposa Zorth sans la moindre appréhension.

L'équipage pénétra dans la grotte, et l'air devint immédiatement plus frais. Un vent humide les accueillit, chargé de l'odeur de la terre et de la roche. Chaque pas résonnait dans ce vaste espace, amplifié par l'écho des gouttes d'eau tombant en rythme du plafond. Le clapotis, qui semblait s'écouler depuis des millénaires à travers les fissures de la roche, se mêlait à l'atmosphère oppressante.

Des siècles d'eau tombant goutte à goutte avaient sculpté la roche, leur érosion lente ayant façonné ces sculptures de pierre d'une beauté étrange et froide. Ces stalagmites et stalactites, parfois reliées par de majestueuses colonnes, témoignaient de l'âge vénérable de cette grotte, vieille de plusieurs millions d'années.

Malgré l'obscurité, la grotte n'était pas totalement noire. À certains endroits, la roche phosphorescente s'illuminait doucement sous leurs pas, une lueur bleutée qui semblait se répandre d'elle-même, comme si elle voulait les guider. Les pierres, par endroits, diffusaient une lumière pâle, semblant baigner dans une énergie ancienne. Cette lueur, fantomatique et dansante, les guidait à travers les ténèbres, mais ne parvenait jamais à dissiper l'ombre omniprésente. Elle dessinait des halos spectraux, créant des formes mouvantes sur les parois.

La roche lisse et glissante sous leurs pieds les obligeait à faire preuve de prudence. Les murs, humides et suintants, se paraient d'une couche de mousse verte et de lichens, s'accrochant là où la lumière phosphorescente n'atteignait pas. Les profondeurs de la grotte semblaient infinies, comme un abîme insondable, où tout ce qui se trouvait au-delà de leur portée était englouti dans l'obscurité.

Finalement, après une marche silencieuse à travers les entrailles d'Eredet, ils arrivèrent devant une porte qui fit immédiatement réagir Binny.

— Je reconnais ces symboles ! s'écria-t-elle en se précipitant pour les toucher du bout des doigts.

— Quels symboles ? interrogea Lilas.

— Ce triangle, cette fleur. Le triangle est un symbole féminin, pointe vers le bas. Il évoque la fécondité, la naissance et l’instabilité. La fleur de l'aurore symbolise la logique, l’espérance et l'odorat. C’est ce que nous étudions dans nos écrits.

Lassée par ces discussions intellectuelles, Kybop décida qu’il était temps d’agir.

— On devrait essayer d’ouvrir. Ce n’est qu’une porte ! On ne va pas repasser toute la déco en revue, si ?

Son instinct défaillant ne la prévint d’aucun danger. Elle prit les devants et tenta de pousser la porte avec sa main gauche. À l’instant où elle la toucha, une onde de choc la projeta au sol. La douleur fut fulgurante, comme une décharge électrique parcourant chaque cellule de son corps. Ses muscles étaient engourdis, et elle eut du mal à bouger.

— Est-ce que ça va ? s’écria la princesse, paniquée, en s’agenouillant à ses côtés.

— Tu vas bien ? s'inquiéta Fyguie à son tour.

— Oui... Ça va, grogna-t-elle encore sonnée.

Elle se redressa, les yeux plissés de douleur quand Lilas lui tendit la main pour l’aider à se relever. Kybop la saisit et Lilas l’aida à se redresser, tout en délicatesse, visiblement concernée par son état.

— Merci...

La princesse se contenta de garder sa main dans la sienne tout en lui souriant, rassurée. Son état n’étant pas inquiétant, le reste du groupe souffla de soulagement. Binny s’approcha de la porte et décida de prendre les choses en main.

— Je vais m'en occuper. Je viens de toucher la porte et rien d’étrange ne s’est produit. Je ne risque rien.

L’Adhara s’approcha alors de la porte, l’examinant attentivement.

— Pendant ma formation en tant que porteuse de la lanterne, j’ai appris qu’une phrase était présentée comme la clef. La clef du Savoir. Jusqu’à présent, je pensais qu’il ne s’agissait que d’une métaphore. Mais maintenant que je me trouve ici... Je me demande s’il ne fallait pas prendre cela au pied de la lettre.

Elle recula alors d’un pas et se positionna le plus en face possible de cet obstacle de pierre. Fermant les yeux, elle se mit à réciter religieusement son texte.

— Au nom de la fleur qui n’éclot plus, guidez-moi vers le Savoir.

Un mécanisme cliqueta à l’intérieur de la porte. Lilas saisit le bras de Kybop de plus belle, effrayée par ce qui risquait de se produire. Puis, dans un grincement, la porte s’ouvrit lentement.

— Ça a marché ! s’exclama Binny, un sourire triomphant accroché à ses lèvres.

TERRE II - VILLE DE DURIAN

Brizbi et Krane avaient échappé à la police, mais la colère de la baronne de la drogue était telle qu'elle en perdait toute clarté d'esprit. La rage l'envahissait.

— Je veux mes chimistes !

Elle hurlait à travers la pièce comme une enfant incapable de gérer la frustration. Krane envoyait valser des objets au hasard. Brizby, bien trop habituée à ses sautes d'humeur, se contentait de la regarder, une sucette à la bouche. Cette tempête qui se déchaînait autour d'elle était un spectacle si familier.

— Tu entends, Brizby ?

— Oui, patronne, répondit-elle d’un ton monotone, le regard fixe.

— Trouve-moi où se trouve ce satané vaisseau ! Qui le pilote ! Où ils vont ! Je veux tout SAVOIIIIIIR !

Un dernier geste de folie fit voler en éclats un autre objet précieux. Brizby, désolée de voir sa patronne ignorer la valeur de ces biens, se contenta de hocher la tête en réponse.

— C'est comme si c'était fait, Patronne.

Krane était bien déterminée à récupérer les deux scientifiques, à n’importe quel coût. Personne ne touchait à ce qui lui appartenait.

— Et trouve-moi qui est cette fille à la cicatrice. Je veux sentir sa nuque craquer entre mes doigts...

La tension était palpable, mais Brizby restait silencieuse, comme si elle savait qu’aucune réponse n’était nécessaire. L’adrénaline pulsait dans les veines de Krane, promettant que rien ni personne ne l’arrêterait dans sa quête.

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