PALAIS ROYAL *** I ***

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PIROS - SALLE PRINCIPALE

De retour de cette excursion éprouvante dans les profondeurs d'Eredet et de sa mystérieuse grotte de l'Augure, l'équipage tout entier se réunit pour un long débriefing. Chacun partageait ses observations, les voix se mêlant en un brouhaha d'analyses, de spéculations et d'hypothèses.

C'est alors que le capitaine Dogast, après avoir écouté attentivement Kydine et Slikof, se redressa avec une autorité tranquille. Sa posture imposante capta l'attention de ses deux interlocuteurs, et le silence s'installa progressivement. D'un geste sûr, il étala une carte holographique devant lui, les lignes de son visage marquées par une certaine excitation.

— D'après ce que vous a dit l'Oracle, j'ai l'impression qu'un petit tour sur Zoldello ne serait pas une mauvaise idée. Il a parlé de la Confrérie, et le seul partisan que l'on connaît est le roi lui-même.

Zorth lui répondit, l'air renfrogné.

— Cela ne me réjouit guère... La princesse m'a été confiée des mains du roi pour la maintenir hors de portée du palais et de ses affres...

— Je vous comprends, Zorth, rassura De Xylis. Mais le capitaine a raison. Nous n'avons pas vraiment le choix. Il est notre seul lien avec la confrérie.

Le conseiller laissa transparaître une certaine hésitation et s’assura que la princesse ne pouvait entendre leur conversation. Un bref coup d’œil le rassura, Lilas était en pleine discussion avec Binny, tout proche du bar. Zorth se tenait debout, bras croisés, se torturant l'esprit devant cette proposition.

— Il n'est rien d'autre que nous puissions faire ?

— Non, assura Slikof en bougeant sa tête fermement de gauche à droite.

Un soupir en guise de reddition, Zorth fit signe à Dogast de faire cap vers Zoldello. Puis il s'enquit de rajouter :

— Une fois parvenus en ces lieux, il conviendra d’user d’une prudence infinie. Peut-être même serait-il avisé que la princesse ne quitte point le Piros.

Slikof acquiesça rapidement en élaborant un plan dans la foulée.

— C'est une bonne idée. On choisira une petite équipe pour rejoindre le roi. Nous devons être discrets et agir rapidement. Récupérons les informations dont nous avons besoin sans nous attarder de trop.

Une fois les objectifs fixés, chacun reprit sa tâche, laissant le capitaine en tête à tête avec ses pensées, accompagné de directives claires.

PIROS - COCKPIT

Dogast, qui s'était empressé de retrouver son cocon, s'enfonça lentement dans son fauteuil, ses doigts calleux tournant le cigarillo vanillé entre ses lèvres avec une précision presque cérémoniale. Une première bouffée, longue et mesurée, libéra un épais nuage de fumée douceâtre qui s'éleva et se répandit autour de lui, enveloppant son visage d'un voile opalescent. Un brouillard rassurant, familier, dans lequel il aimait se perdre. L'arôme sucré de la vanille s'éleva lentement dans l'air, apportant une touche de chaleur à la froideur de sa cabine aseptisée.

Dogast ferma un instant les yeux, savourant le mélange chaud et amer qui se déposa sur sa langue, puis les rouvrit, son regard plus acéré que jamais, comme s'il venait de prendre une décision. Chaque geste, chaque mouvement qu'il effectuait devenait réfléchi, méticuleusement orchestré dans un silence presque sacré.

— Allez. Rentrons à la maison mon gros !

TERRE II - NON LOIN DE LA MAISON DE KRANE

Alors que les décisions se prenaient à bord du Piros, une tension similaire flottait dans l'air près de la maison de Krane, où la commissaire Birland et l'officier Kal tentaient de découvrir ce qui se tramait dans l'ombre.

Ils étaient dans leur véhicule banalisé, garé dans une rue proche de la maison. L'intérieur de la voiture sentait le renfermé, témoin des heures passées à épier chaque mouvement à travers les fenêtres. Des restes de nourriture jonchaient le tableau de bord, et de nombreux déchets peuplaient les portières ainsi que le sol, témoins silencieux d'anciennes missions furtives. Ils étaient en filature, attendant que quelque chose se passe, lorsque soudain, un visiocommunicateur sonna.

— C'est toi qui sonnes, Birland.

Elle ramena son poignet proche de son visage pour voir de qui provient l'appel.

— Le SIS !

L'excitation s'afficha soudainement sur le visage de son coéquipier, elle décrocha.

— Commissaire Lofy Birland à l'appareil, je vous écoute ?

— Bonjour commissaire Birland. Nous n'avons rien trouvé concernant la femme en question. Cependant, en analysant les vidéos, nous avons pu identifier l'un des hommes qui l'accompagnait. Un certain Kylburt III.

— C'est qui ce type ? Il est connu pour quoi ?

— Rien de bien méchant. Ni de significatif. En tout cas, rien qui ne laisse à penser qu'il pourrait être impliqué dans une fusillade. C'est un homme qui travaille à la cour d'un roi dans la galaxie d'Ultya, sur une planète nommée Zoldello.

— Tu connais ? interrogea la commissaire en direction de Milo.

— Jamais entendu parler... rétorqua-t-il en haussant les épaules.

— C'est tout ce que nous avons commissaire. J'espère que cela vous sera utile, conclut l'agent du SIS.

— Oui, merci beaucoup.

Elle raccrocha d'un mouvement du bras et fixa l'écran quelques instants, comme si elle s'attendait à une révélation bien plus abracadabrante. Après tout ce qu'il s'était passé en si peu de temps sur Durian, elle espérait des réponses, plus que des pistes à suivre. Mais voilà que le SIS leur renvoyait ce maigre rapport, aussi vide de sens qu'une page blanche.

La commissaire soupira profondément. Zoldello. Le nom résonnait dans son esprit sans parvenir à y accrocher un sens quelconque. Milo, à ses côtés, ne dit rien, mais elle pouvait presque sentir l'agacement qu'il retenait.

DURIAN - MAISON DE KRANE

De l'autre côté de la fenêtre, Brizbi se plaça derrière le rideau, sans même chercher à être discrète. Toujours une sucette à la bouche, elle la retira et la fit tourner entre ses doigts avant de parler.

— Ils pensent sincèrement qu'on ne les a pas vus ?

Krane la rejoignit, bras croisés, un sourire en coin.

— On dirait des enfants jouant à cache-cache. C'en est presque drôle, dit-elle, visiblement désolée.

— On fait quoi ?

— Rien. Si ces deux idiots veulent passer leur nuit devant chez moi, grand bien leur fasse. Mais je veux bien que tu pirates leur système de communication. Histoire de savoir ce qu'ils manigancent dans ce vieux tacot.

Sans se faire prier, Brizbi se jeta sur ses appareils. Hackeuse hors pair, sa spécialité était l'écoute. Aucun dispositif de communication ne lui résistait. Elle s'immisça dans l'intimité des autres, viola les pensées, sans la moindre difficulté. Un sadisme froid qu'elle gardait pour satisfaire une curiosité toujours insatiable. Un trait que Krane connaissait bien, depuis leur première rencontre.

Ses doigts dansèrent sur les claviers, et bientôt un bip se fit entendre, suivi d'une conversation. C'était la voix du commissaire qui résonna dans la pièce.

— S'il est du palais royal, autant y aller.

— Et la filature ? s'inquiéta Milo.

— On s'en fiche. Elle a dû voir qu'on la suivait. Ce qu'on veut, c'est retrouver cette fille. Donc, direction Zoldello.

Krane posa sa main sur l'épaule de Brizbi, concentrée devant ses écrans.

— Zoldello... répéta-t-elle, l’air songeur.

— On y va, c'est ça ?

— Si Birland pense qu'il y a quelque chose de plus important que mon cas là-bas... Alors oui. On y va.

Krane et Brizbi échangèrent un regard rapide, puis sans un mot de plus, elles prirent leur décision. Elles devaient partir sur-le-champ, dans l'ombre, en direction de Zoldello. Cette planète, jusqu'à présent inconnue, devint leur objectif.

PIROS - SALLE PRINCIPALE

Des milliers de kilomètres plus loin, dans le Piros, l'espace était silencieux, glacial. Zoldello se dessinait lentement à l'horizon, tel un phare solitaire au milieu d'un océan étrange et calme, comme si la planète elle-même se préparait à une tempête imminente.

Zorth, toujours dans la salle principale, affichait un air de satisfaction en constatant que tout le monde était présent. Il prit un moment pour fixer les membres de l'équipe avant de prendre la parole.

— Bien le bonjour à tous. J’ai mandé cette assemblée afin de vous faire part de notre prochaine destination. Nous ferons halte brièvement en la planète de Zoldello.

Les yeux de Lilas s'écarquillèrent, choquée par cette annonce inattendue. Un mélange de confusion et d'incrédulité se lut sur son visage.

— Quoi ? Mais pourquoi ? Mon père a pris tous les risques pour m'éloigner de cet endroit !

Zorth leva un doigt, l'air calme mais ferme, comme s'il se préparait à exposer une vérité évidente.

— L'Oracle nous a incités à nous rapprocher de la Confrérie, reprit-il, son doigt levé avec une insistance solennelle. Seul votre illustre père, le roi Gotbryde, pourra nous révéler les informations que nous recherchons. Nous constituerons une petite équipe secrète afin de pénétrer dans l'enceinte du palais sans éveiller le moindre soupçon.

— L'avez-vous mis au courant ? rétorqua-t-elle vivement.

Slikoff lui vola la parole. Son intervention trahissait un jugement comme si Lilas venait de commettre une erreur irréfléchie.

— Non, bien sûr que non, princesse. Il serait imprudent qu'un message soit intercepté. Nous devons, à tout prix, demeurer dans l'ombre.

— Mon père a renforcé sa garde depuis que les menaces grondent. Vous allez avoir du mal à passer... Lilas fronçât les sourcils, défiant l'oiseau de nuit du regard.

— Ne vous inquiétez pas, sourit-il d'un air presque suffisant. C'est moi qui ai mis au point la nouvelle garde du roi. J'en connais tous les détails. Je pense qu'il serait bienvenu que nous n'y allions qu'à deux. Je préconise Kylburt et moi.

Zorth émit une petite opposition en se raclant la gorge de manière indélicate.

— Ne pensez-vous pas que je devrais venir ? Après tout, je suis le conseiller du roi.

— Je suis le maître des oiseaux de nuit. Il me fait confiance, ne vous inquiétez pas. Je ne dis pas que ce n'est pas le cas pour vous. Mais nul besoin de vous mettre en danger, Zorth.

La finesse de Slikof lui permit de faire entendre raison à Zorth avec une facilité déconcertante. L'évocation d'un possible danger convainquit facilement le Gudjanien de rester bien au chaud dans le vaisseau.

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